01- STADE EPIQUE GUERRIER ET TRADITIONS
Les temps des épopées, telles
l'Iliade et l'Odyssée, ne sont pas les moments propices où les peuples
orientent leurs énergies sociales vers leurs objectifs réalistes, lointains ou
proches, mais des moments où ils dispensent ces énergies dans les
divertissements et dans la satisfaction
des idéaux nés de leur imaginaire. Les efforts des héros qui assument un rôle
dans ces épopées ne sont que des efforts déployés pour répondre. A une ambition
ou acquérir une gloire ou, encore, satisfaire à un credo. Ils ne luttent pas,
conscients, que leur victoire est proche et que la voie du salut de leur
société est claire et définie. Leur gloire est plus proche du mythe que de
l'histoire.
Si nous interrogeons l'un d'eux sur
les motivations de son combat, il ne pourra trouver clairement les raisons
liées souvent aux actes historiques.
Il sait que tous ses efforts sont vains et
que, seules, ses motivations religieuses et sa dignité humaine, lui ont dicté
le chemin.
Face à l'avancée colonialiste, le
rôle des peuples musulmans, au cours du XIXé siècle jusqu'au premier quart du
XXe siècle, n'était qu'un rôle simplement héroïque. Par définition, un tel rôle
n'est pas le mieux indiqué pour résoudre les problèmes qui ont préparé le
terrain à la pénétration du colonialisme.
Le drame de chaque peuple est
essentiellement celui de sa civilisation. Le peuple algérien ne pourra ni
comprendre ni encore moins résoudre son problème tant qu'il n'aura pas élevé sa
conception au niveau du drame humain à l'échelle universelle, tant qu'il n'aura
pas pénétré le mystère qui enfante et engloutit les civilisations présentes,
civilisations perdues dans la nuit du passé, civilisations futures : ligne
lumineuse de l'épopée humaine, depuis l'aurore des siècles jusqu'à leur consommation ! Chaîne
prestigieuse où les générations ont soudé, bout à bout, leurs efforts et leurs
contradictions et le résultat de tout cela : le progrès incessant.
Les peuples se relayent :
chacun a le jour de sa mission marqué à l'horloge où sonnent les heures graves
de l'histoire. L'astre se lève pour les peuples qui se réveillent et se couche
pour les peuples qui ont sommeil.
Aurores bénies des renaissances. Seuils lumineux des
civilisations : qui commencent.
Crépuscules maussades : quand l'astre décline au couchant
d'une civilisation ! En 1830,
l'heure du crépuscule avait déjà sonné depuis longtemps en Algérie : dès que
cette heure-là sonne, un peuple n'a plus d'histoire.
Les peuples qui dorment n'ont pas
d'histoire, mais des cauchemars ou des rêves ... où passent des figures
prestigieuses de tyrans ou de héros légendaires : Quand le palefroi blanc
d'Abdelkader zébra notre horizon de sa cavalcade fantastique, minuit avait déjà
sonné depuis
Longtemps. Et la silhouette épique
du héros légendaire aussitôt s'évanouit ... comme un rêve sur lequel se referme
le sommeil.
Puis d'autres visions passèrent ...
Un rêve épique se déploya dans notre sommeil, empruntant sa substance tragique
aux traditions d'un peuple qui a toujours aimé le baroud et le cheval.
Il se déploya là surtout où il y
avait encore de l'espace libre et des coursiers de sang : chez les tribus.
Le lien tribal demeurait, en effet,
dans une société dissoute, le seul lien encore solide, pour unir quelques
hommes dans un semblant de mission. Tout le sens de l'histoire est, en effet,
dans cette alternative : Mission ou soumission.
Seuls les guerriers des tribus
pouvaient encore marquer de leurs prouesses ce stade de la ''résistance
algérienne''. En Afrique du Nord, Abdelkrim a clos cette ère de la tribu.
Arabo-berbère. Dans cette lutte
héroïque, le guerrier bédouin n'avait pas son instinct de conservation dans
''sa peau'' arabo-berbère, mais dans son âme musulmane.
Il ne luttait pas pour vivre, mais
pour survivre. Et il a survécu grâce à cette âme qui l'a constamment soutenu
au-dessus de l'abîme où se sont engouffrés d'autres peuples qui n'avaient pas
leur destin accroché à une pareille force ascensionnelle. Que sont devenues, en effet, les tribus
héroïques de l'Amérique précolombienne ? Aujourd'hui, un linceul de
légende recouvre à jamais leur destin révolu.
Et leur épopée malheureuse souligne
tragiquement ce que les peuples musulmans doivent en l'occurrence à l'Islam,
leur sauveur.
Mais l'Astre idéal poursuivait sa
ronde fatidique et ce fut bientôt l'aurore, à l'horizon où chante le muezzin,
chaque matin, en appelant au salut. Son appel retentit sur les monts lointains
d'Afghanistan et descendit dans la plaine où gisait endormi le monde musulman.
La voix du lointain muezzin se
répercuta de part en part aux horizons de l’Islam : O ! Peuples,
venez au salut.
C'était Djamal Eddine El-Afghani qui annonçait, du haut des montagnes, le jour nouveau de la civilisation.
Prochain : 02- STADE POLITIQUE ET IDEE
C'était Djamal Eddine El-Afghani qui annonçait, du haut des montagnes, le jour nouveau de la civilisation.
Prochain : 02- STADE POLITIQUE ET IDEE
Extrait de : LES CONDITIONS DE LA RENAISSANCE EDITION ANEP 2005
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