PH. ABDELHAK LAMIRI
La plupart des pays disposant d’une rente pétrolière subissent de plein fouet le revirement des prix des hydrocarbures. Cette situation varie selon le degré de diversification des pays et de la qualité des politiques économiques suivies.
Un pays comme la Norvège subit très peu le «syndrome hollandais» vu que
les politiques économiques pratiquées ont su préserver la production et
la croissance nationale d’un retournement de situation : les effets
sont minimes. Les pays qui ont su diversifier leurs économies récoltent
le fruit de leurs efforts.
L’Iran a résisté mieux que prévu à un embargo doublé d’une réduction des prix pétroliers grâce à des politiques volontaristes qui ont accru l’industrie, l’agriculture et les services dans la composition de la production nationale. Ceci montre la nécessité de poursuivre le processus de diversification économique, même si les cours vont connaître un redressement notable.
Les mécanismes de formation des déséquilibres économiques, suite aux réductions des prix des hydrocarbures, sont multiples et la plupart sont bien documentés. Les répercussions concernent les variables réelles, comme les réserves, la valeur de la monnaie nationale, le montant des dépenses budgétaires, l’inflation, le chômage et la recomposition sectorielle de la demande. Cependant, les anticipations des agents économiques seront également grandement affectées. L’économie a besoin de confiance et de stabilité des anticipations pour que le volume de la demande et des investissements procure le plein emploi et la croissance.
Les prix des hydrocarbures ont tendance à créer des anticipations récessionnistes. Ainsi, les investisseurs essayeront de lire les intentions des consommateurs pour aligner leurs stratégies d’investissement sur le «futur» comportement de ces agents. Ainsi, à travers un mécanisme plus difficile à quantifier (les anticipations) les marchés pétroliers auront tendance à impacter plus que prévu les activités économiques.
Quelques effets sectoriels
La corrélation des politiques économiques d’un pays avec le volume des ressources dérivées d’une rente est un autre facteur de déstabilisation. La plupart des analystes nationaux ont relevé que depuis les années quatre-vingt, une forte correction entre les politiques expansionnistes et les prix pétroliers élevés furent observés.
Lorsque les prix pétroliers chutent, on a recours à des baisses de dépenses publiques de tout genre et une plus grande utilisation des mécanismes de marché. Lorsque les marchés repartent à la hausse, les dépenses publiques font de même et on abandonne toute velléité de réforme.
On fait le contraire des préconisations. On opère des politiques pro-cycliques, alors que l’on devrait faire tout à fait le contraire : des politiques macroéconomiques contra-cycliques (dépenser plus lorsque les prix pétroliers chutent et constituer des excédents lorsque les prix baissent). Le fonds de régulation devrait contribuer à réaliser ce mode de management macroéconomique. De toute façon, la crise récente nous impose une refonte des politiques macroéconomiques et une révision profonde de nos priorités en fonction de considérations du long terme.
L’absence de données officielles sur les conséquences sectorielles attendues de ces déséquilibres doit nous interpeller. Un Etat moderne doit disposer d’une cellule de planification indicative, mais aussi et surtout d’un simulateur national. Nous avons les compétences nationales pour le concevoir et le faire tourner. Ceci nécessite un investissement minimum qui mettra à contribution les meilleures universités nationales. Aujourd’hui, les estimations sont presque intuitives.
Quelques études par-ci par là tentent aussi bien que possible de combler le vide. Mais nous aurons besoin de beaucoup d’études pour commencer à entrevoir les impacts réels. Par exemple, les importations de véhicules qui avaient dépassé les 500 000 unités durant 2014 seront revues à la baisse à 83 000 unités (après avoir annoncé 120 000). 40 concessionnaires furent retenus sur 80 postulants. Les impacts sur l’emploi varient selon les estimations des concessionnaires de 3500 à 6500 emplois. Nous aurions besoin quand même d’estimations plus précises.
Estimations oui, mais que faire ?
Justement dans un essai d’avoir des estimations approximatives, deux économistes de l’université de Béjaïa sont à créditer d’une tentative sérieuse d’une quantification des conséquences. Il s’agit de l’article présenté par Oukaci Kamal et Soufi Nouara «Impact de la baisse des prix du pétrole sur l’économie algérienne : évaluation à l’aide d’un modèle d’équilibre général calculable (MEGC)» présenté lors du colloque sur les politiques d’utilisation des ressources énergétiques. Quelques données intéressantes sont fournies sur la crise récente.
L’impact négatif, d’une chute des prix pétrolier de 50%, le plus important serait sur le secteur du BTPH de moins 27% sur la production et de -1,4% sur l’industrie agroalimentaire. Pour ce qui est de la consommation des ménages, l’effet serait de -13% pour l’agriculture, -25 pour l’industrie et -31% pour les industries de la réalisation. Pour ce qui est de l’investissement, des baisses de plus de 60% seraient attendues au sein de toutes les activités.
L’impact serait positif sur la production agricole nationale (6,2%). Bien sûr que toute activité d’estimation est tributaire de la méthode et de la qualité des informations, mais les auteurs sont à créditer d’un travail qui a du mérite.
Ces estimations sont approximatives. Elles peuvent être aussi contrecarrées par des politiques volontaristes. En premier lieu, nous aurons besoin de beaucoup d’études comparatives pour mieux cerner les impacts. En second lieu, ceci montre l’extrême dépendance dans laquelle nous nous sommes fourvoyés.
Les cours du brut se rapprochent des 50 dollars et la majeure partie des experts pense qu’un redressement des cours se profile à l’horizon. C’est maintenant l’anticipation dominante. Les marchés pétroliers sont tellement imprévisibles qu’il serait imprudent de travailler sur un seul scénario de ce genre.
Il ne faut surtout pas continuer à faire des politiques pro-cycliques (intensifier les dépenses lorsque les prix augmentent) mais les lisser sur le long terme. Ainsi, une saine règle budgétaire consiste à œuvrer pour financer les dépenses budgétaires de fonctionnement avec la fiscalité ordinaire et affecter une partie des ressources énergétiques aux investissements publiques. Mais la composition de ces derniers doit absolument changer. Il faut financer maintenant les secteurs qui nous permettront de nous libérer des hydrocarbures. L’agriculture, l’industrie, les énergies renouvelables, les TIC, les nouvelles technologies.
Par ailleurs, nous devons orienter les financements vers les activités qui vont consacrer la réussite du nouveau modèle économique : les économies de ressources, le développement humain durable, les industries de l’expertise qui propulsent l’économie vers plus d’efficacité : qualité, exportations, SIG, recherche opérationnelles etc.
C’est ce nouvel écosystème qui pourra nous sortir définitivement de cette dépendance qui n’a que trop duré. L’Arabie Saoudite vient de choisir une stratégie de diversification financière. Ce n’est pas ce qu’il nous faut. Nous avons besoin d’un plan stratégique qui consacre la diversification économique doublée d’un développement des industries de l’expertise qui vont propulser l’efficacité économique au niveau des standards internationaux.
L’Iran a résisté mieux que prévu à un embargo doublé d’une réduction des prix pétroliers grâce à des politiques volontaristes qui ont accru l’industrie, l’agriculture et les services dans la composition de la production nationale. Ceci montre la nécessité de poursuivre le processus de diversification économique, même si les cours vont connaître un redressement notable.
Les mécanismes de formation des déséquilibres économiques, suite aux réductions des prix des hydrocarbures, sont multiples et la plupart sont bien documentés. Les répercussions concernent les variables réelles, comme les réserves, la valeur de la monnaie nationale, le montant des dépenses budgétaires, l’inflation, le chômage et la recomposition sectorielle de la demande. Cependant, les anticipations des agents économiques seront également grandement affectées. L’économie a besoin de confiance et de stabilité des anticipations pour que le volume de la demande et des investissements procure le plein emploi et la croissance.
Les prix des hydrocarbures ont tendance à créer des anticipations récessionnistes. Ainsi, les investisseurs essayeront de lire les intentions des consommateurs pour aligner leurs stratégies d’investissement sur le «futur» comportement de ces agents. Ainsi, à travers un mécanisme plus difficile à quantifier (les anticipations) les marchés pétroliers auront tendance à impacter plus que prévu les activités économiques.
Quelques effets sectoriels
La corrélation des politiques économiques d’un pays avec le volume des ressources dérivées d’une rente est un autre facteur de déstabilisation. La plupart des analystes nationaux ont relevé que depuis les années quatre-vingt, une forte correction entre les politiques expansionnistes et les prix pétroliers élevés furent observés.
Lorsque les prix pétroliers chutent, on a recours à des baisses de dépenses publiques de tout genre et une plus grande utilisation des mécanismes de marché. Lorsque les marchés repartent à la hausse, les dépenses publiques font de même et on abandonne toute velléité de réforme.
On fait le contraire des préconisations. On opère des politiques pro-cycliques, alors que l’on devrait faire tout à fait le contraire : des politiques macroéconomiques contra-cycliques (dépenser plus lorsque les prix pétroliers chutent et constituer des excédents lorsque les prix baissent). Le fonds de régulation devrait contribuer à réaliser ce mode de management macroéconomique. De toute façon, la crise récente nous impose une refonte des politiques macroéconomiques et une révision profonde de nos priorités en fonction de considérations du long terme.
L’absence de données officielles sur les conséquences sectorielles attendues de ces déséquilibres doit nous interpeller. Un Etat moderne doit disposer d’une cellule de planification indicative, mais aussi et surtout d’un simulateur national. Nous avons les compétences nationales pour le concevoir et le faire tourner. Ceci nécessite un investissement minimum qui mettra à contribution les meilleures universités nationales. Aujourd’hui, les estimations sont presque intuitives.
Quelques études par-ci par là tentent aussi bien que possible de combler le vide. Mais nous aurons besoin de beaucoup d’études pour commencer à entrevoir les impacts réels. Par exemple, les importations de véhicules qui avaient dépassé les 500 000 unités durant 2014 seront revues à la baisse à 83 000 unités (après avoir annoncé 120 000). 40 concessionnaires furent retenus sur 80 postulants. Les impacts sur l’emploi varient selon les estimations des concessionnaires de 3500 à 6500 emplois. Nous aurions besoin quand même d’estimations plus précises.
Estimations oui, mais que faire ?
Justement dans un essai d’avoir des estimations approximatives, deux économistes de l’université de Béjaïa sont à créditer d’une tentative sérieuse d’une quantification des conséquences. Il s’agit de l’article présenté par Oukaci Kamal et Soufi Nouara «Impact de la baisse des prix du pétrole sur l’économie algérienne : évaluation à l’aide d’un modèle d’équilibre général calculable (MEGC)» présenté lors du colloque sur les politiques d’utilisation des ressources énergétiques. Quelques données intéressantes sont fournies sur la crise récente.
L’impact négatif, d’une chute des prix pétrolier de 50%, le plus important serait sur le secteur du BTPH de moins 27% sur la production et de -1,4% sur l’industrie agroalimentaire. Pour ce qui est de la consommation des ménages, l’effet serait de -13% pour l’agriculture, -25 pour l’industrie et -31% pour les industries de la réalisation. Pour ce qui est de l’investissement, des baisses de plus de 60% seraient attendues au sein de toutes les activités.
L’impact serait positif sur la production agricole nationale (6,2%). Bien sûr que toute activité d’estimation est tributaire de la méthode et de la qualité des informations, mais les auteurs sont à créditer d’un travail qui a du mérite.
Ces estimations sont approximatives. Elles peuvent être aussi contrecarrées par des politiques volontaristes. En premier lieu, nous aurons besoin de beaucoup d’études comparatives pour mieux cerner les impacts. En second lieu, ceci montre l’extrême dépendance dans laquelle nous nous sommes fourvoyés.
Les cours du brut se rapprochent des 50 dollars et la majeure partie des experts pense qu’un redressement des cours se profile à l’horizon. C’est maintenant l’anticipation dominante. Les marchés pétroliers sont tellement imprévisibles qu’il serait imprudent de travailler sur un seul scénario de ce genre.
Il ne faut surtout pas continuer à faire des politiques pro-cycliques (intensifier les dépenses lorsque les prix augmentent) mais les lisser sur le long terme. Ainsi, une saine règle budgétaire consiste à œuvrer pour financer les dépenses budgétaires de fonctionnement avec la fiscalité ordinaire et affecter une partie des ressources énergétiques aux investissements publiques. Mais la composition de ces derniers doit absolument changer. Il faut financer maintenant les secteurs qui nous permettront de nous libérer des hydrocarbures. L’agriculture, l’industrie, les énergies renouvelables, les TIC, les nouvelles technologies.
Par ailleurs, nous devons orienter les financements vers les activités qui vont consacrer la réussite du nouveau modèle économique : les économies de ressources, le développement humain durable, les industries de l’expertise qui propulsent l’économie vers plus d’efficacité : qualité, exportations, SIG, recherche opérationnelles etc.
C’est ce nouvel écosystème qui pourra nous sortir définitivement de cette dépendance qui n’a que trop duré. L’Arabie Saoudite vient de choisir une stratégie de diversification financière. Ce n’est pas ce qu’il nous faut. Nous avons besoin d’un plan stratégique qui consacre la diversification économique doublée d’un développement des industries de l’expertise qui vont propulser l’efficacité économique au niveau des standards internationaux.
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