Par Abdelhak Lamiri |
Lorsqu’on
dialogue avec de hauts responsables et de nombreux économistes, la
préoccupation majeure qui ressort de leurs analyses consiste à trouver le
maximum de ressources pour financer le retour à la croissance et le
développement des entreprises.
En
effet, qui n’est pas sensible à la question de trouver les moyens pour mobiliser
le maximum de fonds pour les injecter dans l’économie et créer un boom qui va
redynamiser la croissance, créer de l’emploi et de la richesse pour le pays ? On
lorgne alors vers les ressources du marché
parallèle estimées, sans étude technique approfondie, à environ 50 milliards de
dollars. La problématique demeure comment intégrer ces ressources dans les circuits
formels. Le marché informel a sa propre logique et ses propres règles qu’il s’agirait
de décoder pour absorber ces énormes ressources qui sont fructifiées en dehors
de tout contrôle et de toute fiscalité.
Comme
tout un chacun le sait, les réserves fondent comme neige au soleil et nous sommes
déjà descendus sous la barre des 70 milliards de dollars après un sommet de plus
de 189 milliards en 2013. On a déjà consommé en quatre ans plus de 120
milliards, alors ce qui reste sera vite dilapidé puisqu’aucune solution n’a été
trouvée au déficit de la balance des paiements. Nous avons proposé une de très
sensée : le flottement du dinar avec subvention directe des produits de
première nécessité aux citoyens les plus vulnérables. Mais on continue de subventionner
d’une manière indirecte les produits de luxe au risque de continuer cette hémorragie
de ressources. Le problème est que personne ne veut se responsabiliser sur la question
et on est en droit de se demander s’il y a un pilote dans l’avion.
ON
ÉVITE TOUJOURS LA QUESTION DE FOND
La
question qui tracasse le plus nos décideurs actuellement est comment mobiliser plus
d’épargne pour financer l’économie. On parle d’améliorer la collecte fiscale, ce
qui est une préoccupation légitime ; de rationaliser les dépenses, mais
personne ne dit comment et différentes orientations qui sont loin d’être
opérationnelles. Mais arrêtons un instant et songeons au mode de fonctionnement
passé de l’économie algérienne.
Dès
la fin des années 60’, et mis à part la parenthèse des années 70’, l’économie algérienne
n’avait pas un problème de ressources. Durant les années 70’, le taux d’investissement
(45% du PIB) était le plus élevé au monde. La rentabilité de ces investissements
était bonne dans le secteur des hydrocarbures, mais très faible dans le reste
de l’économie. Durant les années 2000, on avait un excès de ressources, ce qui
nous a permis de financer au-delà des capacités d’absorption de l’économie et
en plus constituer des réserves de 189 milliards de dollars.
Au cours
de son évolution, et jusqu’à présent, le problème central n’a pas été le manque
de ressources à investir. La vraie question est que faire des ressources
mobilisées pour éviter leur dilapidation ? Le problème central est comment utiliser
ces ressources pour que cette fois-ci elles vont amorcer une nouvelle dynamique
qui va induire une croissance durable et propulser le pays en nation émergente.
Supposons que nous allions mobiliser avec efficacité les 50 milliards de dollars
de l’informel, incorporer quelque 10 milliards de dollars supplémentaires de fiscalité
récupérés par an, gagner encore 8 milliards de dollars par un meilleur ciblage
des subventions. Qu’allons-nous faire avec ces ressources supplémentaires ? Disposons-nous
d’une stratégie de développement, d’une organisation de l’Etat efficiente, de
beaucoup d’entreprises de classe mondiale et d’institutions scientifiques de
haut niveau qui vont transformer ces ressources en technologie, ressources humaines
super qualifiées pour exporter, améliorer la productivité et créer une
dynamique de développement ?
LE
PROBLÈME, CE NE SONT PAS LES RESSOURCES
Tout
le monde est polarisé sur comment obtenir plus d’argent pour financer
l’économie, alors que le problème n’est nullement l’argent. Tant qu’on n’a pas
compris cela, nous ne pouvons avancer nulle part. La Corée du Sud s’est
développée avec très peu de ressources propres. L’aide américaine n’arrivait
même pas à subvenir à l’alimentation de la moitié de la population d’un des
pays les plus pauvres de la planète. Mais les maigres ressources agricoles exportées
étaient investies dans une éducation de qualité, la science, la modernisation managériale,
l’industrie du savoir et autres. La source la plus importante du développement provenait
de l’endettement international (surtout allemand). Les ressources internationales
sont transformées en industrie du savoir, en science, en management, en
développement humain. La gouvernance de l’Etat était réglée comme une horloge
avec un grand partage de pouvoir avec les scientifiques. Il ne faut surtout pas
compter sur l’endettement international pour nous tirer de cette situation dans
notre cas présent. Ce serait de la folie. Nous avons eu déjà cette expérience avec
le rééchelonnement des années 1990. Nous allons en répéter l’expérience si nous
nous dirigions vers l’endettement international. Les ressources seront vite dilapidées
en direction de projets à surcoûts, d’interminables subventions d’entreprises publiques
défaillantes (alors qu’il y en a de bonnes qu’on ne finance pas) et de financements
tous azimuts de projets sans valeur ajoutée économique à long terme pour le
pays. La véritable question à poser est : comment rendre nos entreprises et nos
institutions administratives efficientes et compétitives ? Mais cette question
est souvent évitée. On préfère la fuite en avant. Comment mobiliser plus de
ressources ? Mais pour en faire quoi ? Généralement,
on va les dilapider comme par le passé. Qu’y a-t-il de nouveau dans le mode de fonctionnement
de l’économie nationale qui fait que nous allons cette fois-ci faire les choses
d’une manière différente ? Pour le moment, rien !
A. L.
PH. D. en sciences de gestion
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