APS - ALGÉRIE

jeudi 16 juin 2016

Delivery Units, ministère de l’Economie ou cellule de planification


Depuis de nombreuses années, les experts et les analystes de l’économie algérienne de tout bord réclament la conception et l’exécution d’une vision matérialisée par un plan stratégique et des plans indicatifs intermédiaires. Le cadrage budgétaire devait s’insérer dans cette perspective.
Cette optique réunit un très large consensus. Il y a longtemps que les analystes ont conclu à la nécessité de disposer d’une structure formelle de mise en cohérence des politiques sectorielles. Après des années de débats autour de la question, les décideurs semblent pour une fois réceptifs à la question.

On est en train de considérer les voies et les moyens de prendre en considération les avis des experts. Maintenant, il faut penser à l’architecture globale qu’il convient d’ériger. Il y a beaucoup de problèmes à régler. Le diable se niche toujours dans les détails. On peut proposer des structures qui peuvent faire des améliorations marginales ou introduire des mutations qui vont grandement booster l’efficacité des institutions.
A ce niveau-là, nous assistons à une inflation de propositions. J’en citerai seulement quelques-unes : ministère de la planification, ministère de l’Economie (qui en regroupe plusieurs), Delivery unit, cellule de planification, etc. Les experts ne sont pas d’accord. Les pouvoirs publics attendent de voir plus clair et de bien recenser les avantages et les inconvénients de chaque proposition. Certes, il n’y a jamais de solution unique et toute proposition doit bien s’insérer dans le contexte de son exécution.
C’est de cela qu’il s’agit : quelle est la meilleure forme d’institution capable de mettre en cohérence les politiques économiques et aider à leur exécution dans le contexte de notre pays ? Pour répondre à cette question, nous avons besoin de faire appel beaucoup plus aux principes d’organisation qu’aux lois économiques, bien que ces derniers sont très utiles pour résoudre l’équation. Nous allons résumer très succinctement les éléments d’analyse les plus pertinents pour livrer le type de solution qui convient le mieux à notre pays. Je m’inspirerai d’un travail que j’ai réalisé au profit d’institutions patronales nationales qui s’intitule «Structures organisationnelles des Etats : pays développés, émergents et sous-développés». Bien entendu, je n’ai fourni qu’un résumé sur la question étant donné sa complexité.

Quelques éléments de réflexion
La question de choisir le type de structure à ériger semble simple a priori. C’est pour cela que bon nombre de personnes s’aventurent légèrement à fournir des recommandations. En réalité, c’est un thème extrêmement complexe qui fait appel aux théories des organisations, à l’historique des typologies des structures publiques, la sociologie politique du pays et les choix publics. Je vais essayer de simplifier au maximum des thèmes super compliqués qui permettront de replacer les choses dans leur contexte. Les pays développés ont achevé la plupart des transformations institutionnelles dont ils ont besoin pour se situer à un niveau élevé de performance. Leurs problèmes les plus épineux résident dans la croissance et le niveau de l’emploi.
Des pays comme les USA, le Royaume-Uni, la Suède, l’Allemagne, etc. ont atteint un degré d’organisation institutionnel très évolué. Les améliorations dans les systèmes éducatifs, recherche et développement, justice, etc. se font par des petites retouches. Aucun pays ne peut se prévaloir d’avoir atteint le summum de l’efficacité organisationnelle. Des progrès sont toujours possibles. Mais ces nations n’ont pas besoin de révolutionner leur mode de fonctionnement institutionnel.
Des rénovations institutionnelles mineures ont lieu de temps en temps. Par exemple, la grande-Bretagne qui veut améliorer un peu plus l’efficacité managériale de ses hôpitaux publics. Ainsi, dans ce contexte, on procède par des « Delivery Units ». Ce serait une cellule placée en haut lieu, généralement le premier ministère pour implémenter sur terrain des décisions prises. Elles ont des compétences transversales pour faire atteindre des objectifs précis.
Exemples : réduire les coûts de santé de 5% sur dix ans, diminuer le nombre de jours d’attente chirurgicaux de 30%, etc. Les pays en voie d’achever des transformations institutionnelles profondes (Chine, Corée du sud, Malaisie) ont besoin d’un autre schéma ; et ils l’appliquent. Ces pays sont en train de bouleverser leurs systèmes éducatif, bancaire, administratif. Ils opèrent des mutations profondes pas retouches successives. En plus de think tank à la disposition de l’Etat, ils optent pour une structure de planification (cellule de planification en Corée, unité de planification en Malaisie). Ils peuvent se doter en plus de Delivery Units. Mais une Cellule de planification s’avère indispensable.
Ce qui convient à notre pays
La plupart des pays s’orientent vers plus de décentralisation. Pour cela, ils ont besoin de grandes structures ministérielles qui arrivent à opérer facilement plus de cohérence. Ministères de l’Economie et de l’Education peuvent regrouper une variété d’activités. Cela serait une bonne idée de disposer d’un ministère de l’Economie dans notre pays qui regrouperait la PME, l’industrie, les finances, etc. Mais il serait nettement insuffisant pour architecturer une cohérence globale.
Par contre, ceux qui préconisent une ou plusieurs delivery units sans cellule de planification indicative (très différente de la planification des années soixante-dix) se trompent lourdement. Qui va faire la cohérence entre par exemple l’enseignement supérieur,  l’industrie et les énergies renouvelables ? Les pays développés ayant achevé leurs transformations institutionnelles peuvent le faire à l’aide de think tanks spécialisés à la disposition de l’institution de décision (présidence ou premier ministère). Mais un pays qui doit révolutionner pratiquement tous ses secteurs en plus de développer une vision à long terme a nécessairement besoin d’une unité de planification située sous la présidence ou le premier ministère.
Les économistes parlent de capital matériel, humain et social. Le dernier concerne la qualité des institutions dont ils disposent et leurs modes d’interaction. Par ailleurs, nous avons un Etat extrêmement centralisé. Les plans de développement locaux et régionaux ainsi qu’une fiscalité locale sont encore à l’état de vœux. Dans ce contexte-là, le schéma thérapeutique est clair. Nous ne pouvons pas faire l’économie d’une structure légère de planification indicative située en très haut lieu.
Une Delivery Unit créerait un déphasage entre la concession et l’exécution. La première question qu’un spécialiste en organisation pose lors de la restructuration d’une entreprise est : quelle est l’entité qui sera chargée d’établir une cohérence entre les différentes sous-structures ? Généralement (mais pas toujours), le contrôle de gestion peut jouer ce rôle en tant qu’entité staff mais se fait entendre à travers les décisions de la direction générale. Si on désire réellement faire des avancées notables en matière d’organisation de l’Etat, nous ne pouvons pas faire l’économie de créer une cellule de planification indicative.

Abdelhak Lamiri

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