APS - ALGÉRIE

jeudi 30 juin 2016

Analyse de la pauvreté : Un phénomène multifacettes

Toute analyse économique est multidimensionnelle. Celle de la pauvreté ne fait pas exception. Au-delà des définitions et des controverses, il y a des détresses humaines derrière la conception du phénomène de la pauvreté. On peut adopter des définitions généralement admises pour pouvoir se présenter comme grand expert sur le sujet. On suggère alors qu’une mesure simple serait de considérer un revenu par personne de moins de deux dollars par jour comme un signe de pauvreté, et de moins de un dollar par jour, d’extrême pauvreté. Cela pourrait donner des ordres de grandeur trop grossiers.

En effet, le différentiel de prix des produits de base au niveau des différents pays rend une telle analyse trop insuffisante. Par exemple, lorsqu’un pays comme l’Algérie subventionne directement beaucoup de produits comme la farine, le lait, l’huile, l’énergie, l’eau…, ces mesures surestiment alors le degré de pauvreté. La présence d’une économie informelle non intégrée dans les analyses de données cause également des problèmes d’interprétation.
Nanmoins, la pauvreté subsiste dans notre pays et devient de plus en plus préoccupante avec deux phénomènes qui se superposent : la réduction des recettes pétrolières et une démographie, qui, après une chute importante, tend de plus en plus à devenir préoccupante : plus de  50 millions d’habitants en 2025. Par ailleurs, la pauvreté qui avait reculé de 40% entre 1995 et 2013 ne peut que se projeter à la hausse dans le futur, sous la conjugaison de ces deux facteurs.
Mais la problématique de fond est comment lutter efficacement contre la pauvreté dans un contexte comme celui qui prévaut dans notre pays ? Il y a beaucoup de management des anticipations et des comportements dans ce genre de situations. Les politiques macroéconomiques et les incitations microéconomiques ne produisent des résultats que si le programme de lutte contre la pauvreté est complet et intègre toutes les dimensions de la problématique.
La problématique économique n’est pas la seule
Il y a comme un consensus entre les économistes et même l’ensemble des analystes pour dire que la meilleure manière de lutter contre la pauvreté serait de créer une économie forte, compétitive et diversifiée. Cette observation est beaucoup plus vraie dans l’environnement de l’économie algérienne. On a un sérieux problème de lutte contre la pauvreté. Le facteur responsable numéro un serait une économie atrophiée par rapport à la taille du pays, de ses potentialités et de sa population.
Nous devrions avoir un tissu de deux millions et demi de PME/PMI alors que nous en avons moins de un million. Certes, il y a des améliorations qui commencent à être perceptibles. Nous commençons à créer plus d’entreprises. Mais pas suffisamment pour réduire drastiquement la pauvreté ! Le futur plan de diversification économique devrait intégrer cette dimension d’un développement orienté vers l’économie productive.
Nous devons nous fixer comme objectif d’atteindre plus de deux millions de PME/PMI et la pauvreté sera drastiquement réduite. L’économie de la pauvreté nécessite de revoir les dispositifs microéconomiques : les microcrédits, les programmes de formation des femmes rurales, l’encouragement de la production domestique (nourriture, artisanat) font partie des panoplies d’outils utilisés par les responsables. Ces programmes doivent être encouragés et développés.
Le second problème lié à la pauvreté concerne la faiblesse de la productivité. Cette dernière est insignifiante et stagnante. On ne peut pas pointer du doigt un facteur,  alors que ce sont des multitudes de variables inter-reliées qui en constituent la cause essentielle. Alors même les personnes employées seraient partiellement victimes de la pauvreté. Une personne qui reçoit un SNMG et qui a une famille de quatre membres tombe sous la dénomination de la pauvreté. De nombreux économistes syndicalistes ont calculé que pour vivre décemment, en moyenne, un travailleur algérien devrait disposer d’un salaire de plus de 80 000 DA.
Nous avons un phénomène unique dans notre pays : les salaires sont trop bas socialement et trop élevés économiquement. Il faut expliquer cette énigme. Le salaire moyen dans notre pays serait approximativement de 36 000 DA. Il est fort éloigné de l’exigence minimale des 80 000 DA. Cependant, hors hydrocarbures un travailleur moyen produit pour moins de 15 000 DA de biens et de services. La différence est subventionnée par les hydrocarbures.
Gérer les programmes sociaux
La chute brutale des prix pétroliers a précipité un grand nombre d’Algériens dans les champs de la pauvreté. Il faut savoir que l’Etat fait des efforts colossaux pour venir en aide aux citoyens nécessiteux. A aucun moment de son histoire l’Algérie n’a renoncé à sa posture sociale. Mais la facture est lourde et l’intervention inefficace. Tous les spécialistes sont d’accord pour dire qu’on doit passer d’une subvention tous azimuts de toutes sortes de produits à une intervention plus ciblée et uniquement orientée vers les produits de première nécessité.
Les gains estimés varient, selon les sources et les méthodes d’estimation, mais en général ils se situeraient entre 18 et 25 milliards de dollars. Somme colossale au vu de la taille de l’économie nationale ! Les bénéfices totaux (économie de ressources, réduction des importations, plus de potentiel d’exportation, arrêt du trafic au frontières, etc.) seront de loin supérieurs aux estimations initiales. Les milliards ainsi récupérés et injectés dans l’économie réduiraient substantiellement la pauvreté.
Mais il subsistera toujours des poches de pauvreté malgré les améliorations économiques possibles. Il faudra alors des innovations sociales qui pourront adapter les programmes à la situation réelle. L’aide sociale directe devrait être nettement inférieure au SNMG (entre 30 et 50% de ce dernier) pour ne pas dissuader l’effort. Par exemple, l’octroi de logements sociaux déstructure également les motivations au travail et il faudrait l’intégrer dans un package global de management de la question sociale (nous expliciterons ultérieurement le programme).
Il serait plus intéressant d’identifier des travaux d’intérêt public (reboisement, viabilisation de terres agricoles, embellissement des villes, assistance à domicile aux personnes malades ou nécessiteuses, etc.). Ces activités peuvent être confiées à des citoyens sans revenus, moyennant une rémunération sociale. L’Inde le fait très bien. Les citoyens sans ressources sont employés par l’Etat pendant 180 jours par an pour effectuer des tâches d’intérêt public rémunérées. Ceci est fait en attendant de verser ces éléments dans le secteur économique productif.
La raison est de bannir l’esprit d’assistanat et de permettre à ces gens de compter sur eux-mêmes. L’Etat doit intervenir en dernier ressort, mais d’une manière intelligente, qui développe l’esprit du compter sur soi, de la rigueur et de l’effort. Bien sûr, il y a toujours une catégorie de gens à aider sans contrepartie (grands malades, handicapés lourds, etc.). Pour ceux-là, aucune contrepartie ne sera exigée. De toute façon, il faut remettre à plat notre programme de lutte contre la pauvreté.   

Abdelhak Lamiri in elwatan

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