Si au début de
l’épisode baissier des cours du pétrole on parlait beaucoup plus dans les
débats des prémices de la crise économique et du plan anti-crise, ce n’est plus
le cas aujourd’hui.
Avec des indicateurs financiers au rouge tels que rendus publics début mai
2015 par le ministère des Finances, la situation économique du pays s’est
nettement dégradée en moins d’une année.L’onde de choc de la chute du marché pétrolier a fini par avoir son impact sur notamment le creusement du déficit du Trésor, la régression de la fiscalité et l’assèchement du Fonds de régulation des recettes.
Certains secteurs, à l’image du BTPH et l’automobile, commencent à ressentir les effets des politiques de rigueur mises en œuvre depuis une année. Les prévisions ne sont guère rassurantes pour les années à venir puisque le rythme des dépenses est appelé à poursuivre la même tendance, particulièrement en ce qui concerne les dépenses de fonctionnement.
Pour cette année, on parle déjà de loi de finances complémentaire. Un projet en préparation, selon une source proche du dossier. Les réunions ont commencé autour de cette question et sur celle de la diversification économique.
L’option des fonds d’investissements
La task-force installée par le gouvernement à cet effet est associée au travail. Une rencontre a regroupé la semaine dernière les deux parties et d’autres rendez-vous sont au programme, avons-nous également appris.
Il s’agit de suivre l’évolution de la situation économique du pays, d’évaluer l’effet de la crise, mais aussi de jauger l’effet des mesures arrêtées jusque-là pour contrecarrer la crise et pour rechercher les moyens de financement de l’économie nationale et de la promotion de la production hors hydrocarbures.
Les discussions, dont le Forum des chefs d’entreprises (FCE) est partie prenante, s’enchaînent à ce sujet. Parmi les propositions soulevées, l’on note la création d’un fonds d’investissement par l’organisation patronale d’Ali Haddad et un groupe de services financiers diversifiés.
Des projets auraient été déjà retenus dans ce cadre. Le plus important touche aux énergies renouvelables, toujours selon notre source. Ainsi, l’option des fonds d’investissement viendrait s’ajouter à celle de l’emprunt obligataire et pour laquelle le gouvernement n’a pas manqué de lancer des appels à la mobilisation générale pour sa réussite.
La Banque extérieure d’Algérie (BEA) a collecté jusque-là 50 milliards de dinars, en attendant les résultats de l’adhésion des assureurs à l’opération mais aussi des caisses de sécurité sociale et des mutuelles des travailleurs invités à y contribuer, la semaine dernière, par le ministre du Travail Mohamed El Ghazi.
Il y a eu auparavant l’appel pour la bancarisation des ressources du secteur informel et pour l’augmentation des immatriculations fiscales. Autant de solutions que veut mettre en œuvre l’exécutif pour soutenir la croissance.
Priorité aux projets productifs
Le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa, l’a d’ailleurs souligné lors d’une de ses sorties médiatiques assurant que la priorité sera accordée «aux projets à caractère productif ou d’ordre infrastructurel susceptibles de soutenir la croissance».
Mais faudrait-il d’abord arbitrer. Justement une commission spécialisée est à pied d’œuvre pour «faire le tri en l’espèce et décider des projets à favoriser par rapport à d’autres». Pour l’heure, rien n’a encore filtré sur ce dossier.
Mais cette tâche semble difficile à la lumière du retard qu’enregistrent de nombreux secteurs. Il reste justement à savoir sur quels critères sera fait ce tri et s’il n’engendrera pas un déséquilibre en matière de développement. Une question qui sera sans nul doute abordée lors de la réunion de la tripartite prévue le 5 juin.
Une rencontre qui sera consacrée à l’étude des moyens de dynamiser l’économie nationale ainsi qu’à l’examen du nouveau modèle économique (2016-2019).
Un changement qui pourrait s’opérer progressivement selon le Fonds monétaire international (FMI). «Grâce aux marges accumulées par le passé, l’Algérie a la possibilité de mener l’ajustement au choc d’une manière progressive et de reconfigurer son modèle de croissance malgré la détérioration des soldes budgétaires et extérieurs», a en effet précisé le fonds, jeudi dernier, dans son rapport annuel sur l’économie algérienne établi suite aux consultations de 2016 au titre de l’article IV de ses statuts.
Justement, pour l’heure, l’on relève que le gouvernement a beaucoup plus misé sur la gestion de ces déséquilibres reléguant au second plan les véritables questions liées à la relance de la production nationale se limitant aux annonces sans mise en œuvre efficiente.
Alors qu’en parallèle, l’étau a été resserré autour de l’importation sans contrepartie productive. Ainsi, face au creusement du déficit commercial, il y a eu la mise en place des licences d’importation, dont l’impact a commencé à se faire ressenti sur le secteur automobile où l’on annonce déjà des licenciements.
D’autres secteurs risquent de payer fort le prix d’une telle mesure, à l’image du BTPH et de l’agroalimentaire. Bon nombre d’experts estiment d’ailleurs que le retour à un tel système est loin d’être la solution idoine pour réduire les dépenses. Ils relèvent qu’en plus d’être un frein bureaucratique, les licences constituent une autre charge pour le budget de l’Etat
Les licences d’importation, «une régression»
«C’est une régression dans le sens où on substitue un contrôle de l’absorption par les instruments économiques (taux de change notamment) par un système bureaucratique, forcément coûteux, car les autorités publiques ont dû recruter des employés pour s’occuper de cette tâche, c’est-à-dire, du traitement des dossiers.
Ceci va conduire, également, à une augmentation du budget de fonctionnement de l’Etat qui devrait dépasser les 80% du budget total en 2016», notera à ce sujet l’analyste financier Mohamed Gharanout.
Il ajoutera : «En sus que le contrôle administratif est inefficace, il ralentit les importations mais également les recettes fiscales tirées des importations (TVA et droits de douane) qui, réunies, représentent la seconde source budgétaire après celle des hydrocarbures».
Pour notre interlocuteur, en optant pour une telle solution, les pouvoirs publics ont fait une lecture administrative de la position financière extérieure du pays, notamment de la balance des paiements. Les résultats sont là aujourd’hui.
«Dans la branche de l’automobile, les parcs des importateurs sont vides actuellement, c’est-à-dire, sans voiture mais également sans employés.
Et c’est la même chose pour les importations de biens alimentaires», fera encore remarquer M. Gharanout. Ce que notera également l’expert Ferhat Aït Ali qui dira : «Sur les véhicules, au-delà des conflits que cela a engendré entre concessionnaires, et du caractère illégal de cette intrusion administrative dans un circuit purement commercial, il y avait de fortes chances que les ventes de véhicules neufs soient tombées d’elles-mêmes, à moins que ces 83 000 retenu (après 15 2 000 initialement), avec les passe-droits et hérésies commerciales qui sont commises dans la répartition des quotas.»
«Les effets de la dévaluation et le recul effectif du PIB en dollars ne laissent plus beaucoup de capacités aux Algériens d’acheter des véhicules neufs à l’avenir, et 1 milliard de dollars hors taxes, c’est quand même 150 milliards de dinars TTC à tirer des poches des consommateurs, ce qui pour les temps présents est quelque chose d’énorme», enchaîne-t-il.
Pertes en recettes fiscales
Faisant pour sa part le parallèle entre les pertes des importateurs et celles de l’Etat, M. Gharanout résumera : «C’est autant de chiffres d’affaires et de bénéfices perdus pour les importateurs, et proportionnellement autant de recettes fiscales perdues pour l’Etat dont les impôts sur les bénéfices représentent, en solo, le second contributeur aux recettes fiscales du pays après les hydrocarbures.
Si on ajoute aux impôts sur les bénéfices, la TVA et les droits de douane, qui représentent en tout plus de 40% des recettes fiscales ordinaires, on peut dire que les autorités publiques, en agissant de la sorte, sont en train de couper l’arbre sur lequel elles sont assises», expliquera-t-il.
Cela pour dire que la décision des licences d’importation avant sa mise en œuvre n’a pas été profondément étudiée. Et ce d’autant que concomitamment à la réduction des importations, il en résultera une chute de la consommation globale et, partant, du PIB, d’une part et des recettes fiscales ordinaires, d’autre part.
Ce sera aussi l’occasion, de l’avis de M. Aït Ali, pour certaines parties «déjà positionnées de se servir sur des quotas qui seront établis sur toutes sortes de critères, sauf celui de l’utilité générale.» Alors que pour les autres producteurs nationaux qui restent, «il sera nécessaire de payer plus cher ou de trouver accès chez les fonctionnaires en charge du dossier pour continuer à produire ou disparaître purement et simplement».
Ce sont en somme là les effets négatifs attendus du système des licences. Un système qui ne fera pas long feu, selon M. Aït Ali qui conclura : «Je pense que ce système sera éliminé à ses premiers effets désastreux, et ses concepteurs avec lui, je ne pense pas qu’il survivra jusqu’à la fin de l’année.» Attendons pour voire.
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