Hier, l’ex-président du FCE, Ali Haddad, a comparu devant le tribunal de Sidi M’hamed, après avoir été déféré devant celui de Bir Mourad Raïs, alors que des sources bien informées évoquent le début des investigations de la Gendarmerie nationale sur des faits de corruption et de transfert illicite de capitaux qui pèsent sur les 12 personnalités concernées par l’interdiction de sortie du territoire national.
Dans sa déclaration d’hier, le vice-ministre de la Défense et chef d’état-major de l’Anp est revenu sur ce qu’il a présenté comme étant «une poignée de personnes qui s’est indûment accaparé des richesses du peuple algérien» et a évoqué «les vastes opérations de pillage et de dilapidation qu’a connues
notre pays, ciblant ses potentiels et ressources économiques et financières», tout en s’interrogeant sur «les moyens qui ont permis à cette poignée de personnes d’amasser des richesses immenses par voie illégale et dans un court laps de temps, en toute impunité, profitant de leur accointance avec certains centres de décision douteux et qui tentent ces derniers jours de faire fuir ces capitaux volés et s’enfuir vers l’étranger».
Le chef d’état-major de l’Anp n’a rien révélé aux Algériens, qui se sont habitués depuis près de vingt ans à cette «poignée de personnes» qui incarne la corruption et le pillage des deniers publics.
La proximité de certains hommes d’affaires avec les centres de décision au plus haut niveau de l’Etat a fini par créer une connexion dangereuse entre l’argent sale et la politique. Certaines personnalités, comme la secrétaire générale du Parti des travailleurs, n’ont cessé de dénoncer cette oligarchie proche du cercle présidentiel, qui a utilisé les institutions de l’Etat pour piller les deniers publics.
Elle est devenue tellement puissante, qu’elle faisait et défaisait les gouvernements, nommait les walis et les ministres, bien plus, elle est même arrivée, grâce à l’argent et à la fraude, à pervertir les lois et s’assurer l’impunité au vu et au su de tous. Les hommes d’affaires du clan présidentiel sont devenus plus puissants que les institutions de l’Etat. Ils ont érigé un Etat dans l’Etat. Ils ont fini par donner un visage et un nom à la corruption.
Censé être un espace de réflexion et de propositions pour l’essor de l’économie du pays, le FCE (Forum des chefs d’entreprise), qui compte en son sein de nombreux hommes d’affaires, a été accaparé par un groupe d’hommes d’affaires, à leur tête Ali Haddad, pour en faire un syndicat de rapine au service du clan présidentiel.
D’autres, comme les frères Kouninef, sont devenus, durant les cinq dernières années, les véritables dirigeants du pays. Rares sont les compagnies étrangères qui ne passent pas par eux pour obtenir des marchés, et eux-mêmes ont pratiquement le monopole sur une bonne partie des contrats dans les domaines de l’hydraulique, des travaux publics et des télécommunications, où la commande publique est la plus importante en matière de fonds. La liste des interdictions de sortie du territoire national ne semble pas complète pour beaucoup d’Algériens. Il y a d’autres noms.
Tout le monde sait comment Amar Saadani a détourné les 3200 milliards de centimes de la GCA (Générale des concessions agricoles), comment il a pu acquérir des biens en France, alors qu’il n’a aucune activité dans ce pays. Tout le monde sait aussi comment Chakib Khelil, ancien ministre de l’Energie, a été impliqué dans les commissions (192 millions d’euros) versées par Saipem, la filiale italienne de Eni, pour obtenir des marchés en Algérie sans pour autant comprendre comment les poursuites judiciaires engagées contre lui, par le parquet d’Alger, en 2013, ont été suspendues et les mandats d’arrêt internationaux retirés.
Les Algériens se sont également toujours interrogés sur cette justice de deux poids deux mesures, dont les enquêtes ciblent souvent les cadres et jamais les responsables politiques. L’affaire de l’autoroute Est-Ouest a clairement montré l’implication de l’ancien ministre des Travaux publics, Amar Ghoul, sans pour autant qu’il ne soit cité à comparaître.
Certains hommes d’affaires ont investi également les partis politiques, comme le FLN et le RND, pour négocier à coups de milliards les sièges au sein de l’Assemblée nationale et au Sénat. Les cas de Bahaeddine Tliba, de Djemai et de tant d’autres milliardaires devenus députés ont défrayé la chronique.
Aujourd’hui, si réellement il y a volonté de lutter de poursuivre les corrompus, il faudra que la justice agisse en toute équité afin de cibler tous les corrompus, quels que soient leur position ou leur statut. Il ne s’agit pas de se lancer dans des campagnes de chasse aux sorcières ciblant un clan contre un autre, mais de faire en sorte que la loi soit au-dessus de tous.
Salima Tlemcani IN elwatan
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