APS - ALGÉRIE

mercredi 27 mars 2019

Jusqu’où, jusqu'à quand ?

Youcef Merahi

L’Algérie s’enfonce chaque jour davantage ; ça empire de plus en plus ; ça ne s’arrange pas ; on ne voit rien venir ; rien ne se règle ; rien ne se décide ; rien ne bouge. Je ne vais pas faire l’inventaire, tout de même. Chaque Algérien le fait à son niveau. Chaque Algérien fait sa marche ; si ce n’est pas ce vendredi, ça sera le suivant. Et le suivant. Et le suivant. L’Algérie populaire marche et lance des mots d’ordre qui, selon moi, demeurent des lignes rouges. «Système dégage !» Il n’y a pas plus clair que cela. Et celui qui ne marche pas un vendredi pourra le faire une autre journée. Il y a une marche, pratiquement, chaque jour. Ici et là, sur chaque pouce de ce territoire, les Algériens marchent, juste pour demander au système de dégager. De partir. De prendre son baluchon. De changer d’air. De disparaître. D’aller voir ailleurs si le peuple y est. «La longue marche chinoise » est juste une promenade par rapport à la marche algérienne. 

De l’autre côté, l’Algérie officielle, l’Algérie de l’Alliance présidentielle, fait la sourde oreille. Puis, il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut prêter oreille. Et, voilà, le pouvoir algérien est encore sourd. Aucun cri populaire n’atteint les oreilles officielles. Ni le cri d’Alger. Ni des autres régions d’Algérie. Du reste, à Alger, le chemin menant vers El Mouradia est bloqué par des policiers armés jusqu’aux dents. Le peuple n’a pas encore le droit d’aller crier sous les portes du Palais : «Système dégage !» Il le faut, pourtant. Aussi, certains font dans des conjectures d’un ras-le-bol populaire. Le peuple se fatiguera-t-il de lui-même ? Le peuple abandonnera-t-il la partie ? Le pouvoir a encore du ressort. Si jamais il table sur la fatigue du peuple (de trop marcher), il risque d’y avoir une autre lecture. Je dis, de ce fait, attention à la casse. Plus on tire sur la corde, plus elle risque de rompre. Pour le moment, la sagesse est du côté de l’Algérie populaire. Le peuple est patient ; il est magnanime. Néanmoins, l’Algérie officielle ne doit pas trop jouer avec le feu. Qui met en avant les années 1990. Et la violence jamais égalée à travers le monde. Faut-il préciser que les islamistes n’ont pas encore montré le bout de leur nez ? Ou leurs crocs. Que l’on ne s’y méprenne pas, ils le feront, tôt ou tard. Et ils savent y faire. Ils ont de l’expérience. Et de la discipline. Et de la rigueur. Et c’est un islamiste qui lit la feuille de route d’une certaine opposition, faut-il le préciser ? L’autre opposition (pauvre opposition !) ne sait plus à quel saint se vouer. Elle est disparate. Il n’y a même pas un Smic syndical. Personnellement, j’ai peur pour mon pays. Tout peut se passer, désormais. La violence n’est pas à écarter. Le pouvoir n’a pas dit son dernier mot. L’islamisme politique est en embuscade. L’opposition est mollassonne. Aussi spontané que peut être le peuple, il lui faut impérativement des représentants pour, justement, défendre les mots d’ordre de liberté, de démocratie, d’alternance, de justice…Le feu couve sous les pieds de ce pays ; l’embrasement est possible. A Dieu ne plaise !
L’Alliance d’hier, superbe dans son arrogance, fière de son mépris, oublie de faire son mea culpa. Et quand elle le fait aujourd’hui, elle se renie le lendemain. L’Histoire est une drôle de catin. Qui fait la nique au peuple. Un peuple qui n’arrête pas d’assumer son choix. Comme un seul homme. Le FLN doit impérativement rejoindre le musée de l’Histoire de ce pays ; car ce parti appartient au peuple algérien. Je voudrais connaître l’avis d’Ould Abbès, aujourd’hui. Je voudrais bien écouter Sidi Saïd nous dire son appréciation de la situation actuelle. Je voudrais que Benyounès nous propose une solution. A Ghoul d’aller à la rencontre du peuple d’Alger, du côté de la Place Audin. On ne voit plus l’Alliance. On ne l’entend plus. Elle se terre. Ceux de l’Alliance, qui disaient soutenir le cinquième mandat jusqu’à la mort, doivent se déterminer, aujourd’hui. Ou qu’ils se taisent à jamais ! Plus de lettres, messieurs ! Utilisez les réseaux sociaux, ça marche mieux. Branchez-vous, vous verrez l’Algérie profonde dire son dégoût. Puis, il y a des walis qui ne comprennent pas, encore, qu’on n’a pas à mettre la photo du Raïs sur une décision d’attribution de logement à un citoyen. Ce n’est pas un cadeau du Raïs. C’est un droit du citoyen. Arrêtez la mascarade. Faites votre job, on ne vous demande rien d’autre.
Quid du nouveau gouvernement ? Bedoui, le tout nouveau Premier ministre, ne propose rien, pour le moment. De deux choses l’une, soit qu’il n’arrive pas à trouver preneur ministériel, soit qu’il joue la montre. J’ai ouï dire que personne n’est intéressé par un poste de ministre. C’est hilarant ! C’est dire à quel point la « chose publique » dégoûte. Les va-et-vient ministériels ont soudainement cessé : il n’y a plus de cinquième mandat à vendre. Je leur propose de se déplacer, maintenant, vendre un quatrième mandat rallongé de quelques mois. J’aimerais bien voir ça. J’ai ouï dire, également, que Lakhdar Brahimi est reparti. Où ? Je ne sais pas. Chez lui, peut-être. Où ça chez lui ? En Algérie, je suppose. A moins qu’en patriote avéré, il n’ait un « autre-chez-lui  » ailleurs. Enfin, il a essayé, à son niveau, de nous vendre un tas de trucs. Comme le patriotisme à la sauce de la continuité. Un dialogue de sourds. Une table ronde sans convives. Un diagnostic présidentiel sans spécialiste. Une gérontocratie à peine murmurée. Ouais, j’ai ouï dire qu’il est reparti. Bel et bien reparti. Je regrette son accent moyen-oriental. Quant à Lamamra, ce tout nouveau vice-Premier ministre, ministre des Affaires étrangères, j’ai ouï dire qu’il fait le tour des capitales européennes, au frais du contribuable, pour vendre une Algérie qui peut, sans ingérence étrangère, sortir de cette impasse. Oui, oui, oui. Bien, bien, bien. Je ne connais pas les résultats de ce tourisme diplomatique. Je voudrais bien avoir une idée. L’Algérie populaire doit le savoir. On doit désormais lui rendre des comptes. Donc, il n’y a plus de troïka possible.
Un vieux maquisard me disait, ce matin : «Damma f’loued !» Désormais, il faut convaincre l’Algérie populaire qui, vraiment, est en colère. En colère contre un gâchis à l’échelle d’une nation. Qui a démarré dès 1962. Et qui persiste, à ce jour. Le peuple est dans la rue. Le pouvoir est retranché dans une tour d’ivoire. Un pouvoir qui ne dit rien. Qui n’entend rien. Qui ne bouge pas. Le vieux maquisard, rencontré par un pur hasard, me disait, ce matin : « L’Algérie est dans une impasse. Ah, si c’était à refaire ! »
Y. M. IN LSA

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