La présidentielle qui devait se dérouler le 18 avril 2019 a été annulée en toute illégalité par un candidat qui se trouve être le président de la République en exercice pour quelques semaines encore et qui, au dernier moment, s’est érigé en juge et partie, sans fair play ni panache. Il n’avait pas le droit de le faire.
En sortant de la légalité, il place le pays dans l’illégalité à compter du
18 avril, et non du 28 comme le pensent à tort ceux qui mettent en avant cette
date.
Si l’élection présidentielle avait pu se dérouler à la date prévue, on
aurait connu le nom du gagnant dans la soirée du 18 avril ou, tout au plus, le
lendemain comme le veut une tradition bien établie. Mais il aurait fallu quand
même patienter une dizaine de jours de plus avant la proclamation officielle et
définitive des résultats de l’élection par le Conseil constitutionnel.
C’est sur cette base que tout le monde a pensé que le mandat de Bouteflika
viendra à expiration le 28 avril. Une base hypothétique, subjective, non fondée
sur le droit.
Il s’agit d’un a priori qui ignore le régime électoral algérien, d’une
thèse spéculative influencée par l’usage qui a ancré dans les esprits le
préjugé que l’élection présidentielle algérienne se joue en un seul tour et en
un seul jour. C’est de cette manière qu’une arithmétique simpliste s’est faite
d’elle-même : 18+10=28.
Or l’élection présidentielle algérienne se déroule au scrutin uninominal à
deux tours et à la majorité absolue des suffrages exprimés (article 137 de la
loi organique n° 16-10 du 25 août 2016 relative au Régime électoral). Ce qui
veut dire que si le candidat arrivé en tête n’a pas réuni sur son nom et au
premier tour la majorité absolue des voix exprimées (50%+1), un second tour est
automatiquement programmé (article 138).
Une des raisons qui ont poussé Bouteflika à annuler cette élection réside
dans sa crainte – ou celle de l’entourage qui intervient en son nom – de ne pas
gagner l’élection au premier tour, comme d’habitude, au vu de son rejet unanime
par le peuple algérien dont témoigne la planète. Un deuxième tour se serait
imposé pour départager les deux premiers arrivés parmi lesquels il n’aurait pas
figuré pour la raison évoquée. Ce qui aurait représenté pour lui une
humiliation suprême, pour le peuple une victoire citoyenne, et pour le pays la
fin de la crise.
Mais même dans ce cas son mandat ne se serait pas terminé le 28, car le
déroulement du second tour lui aurait fait obligation de demeurer à son poste
jusqu’à la proclamation des résultats du second tour qui aurait eu lieu dans un
délai allant de 15 à 30 jours après la proclamation des résultats du premier
tour par le conseil constitutionnel (article 146).
15 jours nous amènent au 13 mai, 30 jours au 28 mai. Auxquels il faudrait
ajouter 10 autres qu’impose l’article 148 : « Le Conseil constitutionnel
proclame les résultats définitifs de l’élection présidentielle, au plus tard,
dans les dix (10) jours qui suivent la date de réception des procès-verbaux des
commissions électorales prévues aux articles 154 et 163 de la présente loi
organique ».
Sans oublier que l’article 89 de la constitution énonce que « Le
Président de la République prête serment devant le peuple et en présence de
toutes les hautes instances de la Nation dans la semaine qui suit son
élection. Il entre en fonction aussitôt après sa prestation de
serment ». Ce qui nous aurait conduits à passer le Ramadhan et peut-être
même l’Aïd avec lui.
L’élection ayant été annulée, cette acrobatie arithmétique n’a apparemment
plus dec sens puisqu’elle ne change rien au problème et à la crise qu’il
induit. En fait, si : dans la mesure où si Bouteflika part de son plein
gré avant le 18 à minuit en démissionnant, ou contre son gré en application de
l’article 102, il restera au pays la possibilité de résoudre la crise par des
voies légales en appliquant les dispositions liées à la démission ou à l’état d’empêchement.
S’il ne le fait pas, si on ne l’empêche pas, on sortira forcément de la
légalité pour rentrer dans l’inconnu, et ce quelle que soit la formule de
transition qui sera retenue.
Le temps presse, mais lui n’en a cure comme le démontre la nouvelle lettre
qu’il a adressée ce soir au peuple algérien. Il s’arcboute à son fauteuil,
feignant d’ignorer que le pays bout de rage contre lui. Il y réitère son
intention de rester au pouvoir illégalement, en comptant sur l’« art
diplomatique » de 2 bonhommes dont il attend la complaisance de l’étranger
qui suppléerait, espère-t-il, à sa perte de légitimité intérieure. Il est la
risée du monde mais, comme Harpagon, il ne veut pas lâcher sa cassette dans
laquelle il y a notre destin.
Les 15 millions d’Algériens qui sont sortis manifester vendredi 15 mars et
sortiront encore pour lui signifier son renvoi à compter du 18 avril 2019 ne
comptent pas à ses yeux.
Ayant accédé au pouvoir sans eux, en 1962 comme en 1999, il pense pouvoir
le garder contre eux. Mais il se trompe. Un nouveau peuple est né. Etant
maintenant rassuré sur l’attitude de l’armée, ce peuple le boutera dehors par
des voies et avec des moyens pacifiques, liant à jamais son nom au souvenir du
dernier despote connu par l’Algérie.
Nour-Eddine Boukrouh (Facebook)
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