Après un bilan économique fortement chiffré présenté par l’ex-premier ministre Ahmed Ouyahia au parlement et sur toute la période de règne de Bouteflika, voilà que Ramtane Lamamra, Nouredine Bedoui et Lakhdar Brahimi s’y mettent de leur côté pour expliquer la nécessité de la «continuité » même si Bouteflika n’y sera plus.
Pourtant ce quatrième vendredi consécutif de contestation
nationale contre le chef de l'Etat qui a annoncé lundi le report de
l'élection présidentielle prévue le 18 avril, a été clair sur les
symboles : « tournez la page avec ce régime sous toutes ses formes ».
A Alger, même si le nombre de manifestants était difficile à
établir en l'absence de chiffres officiels, la mobilisation a été
supérieure à celle du vendredi précédent, jugée exceptionnelle par les
médias et analystes algériens.
Oran, Constantine, Bejaia, Tizi-Ouzou et Annaba ont
également été le théâtre de mobilisations très importantes, comme la
semaine dernière. Les Algériens ont aussi défilé en nombre dans de
nombreuses villes, selon les images relayées par les réseaux sociaux et
des témoignages. Des sources sécuritaires ont recensé des défilés dans
au moins la moitié des wilayas du pays, du Nord au Sud.
Cette fois ci, ce qui est un fait inédit, même le soutien
externe au régime a été évoqué : « l’Elysée stop». Toute la semaine, les
appels à manifester massivement vendredi ont été relayés par les
réseaux sociaux, avec des mots-dièses explicites: "#Ils partiront_tous",
"#Partez!". Et souvent une touche d'humour: une image conjugue le verbe
"marcher": "je marche, tu marches (...) ils partent".
Jeudi devant la presse, le nouveau Premier ministre
Noureddine Bedoui, qui a remplacé le très impopulaire Ahmed Ouyahia, et
le vice-Premier ministre Ramtane Lamamra, diplomate réputé chevronné,
ont peiné à convaincre. Sur Twitter, un internaute a remercié
ironiquement MM Bedoui et Lamamra de leurs « efforts pour maintenir les
Algériens mobilisés ».
Vendredi « c'est la conférence de presse du peuple », a
écrit un autre. Une nouveauté: de nombreuses pancartes à Alger ont
fustigé la France, ancienne puissance coloniale, et son président
Emmanuel Macron qui a « salué la décision du président Bouteflika »,
tout en appelant à une « transition d'une durée raisonnable ». « C'est
le peuple qui choisit, pas la France », proclamait une grande banderole.
« L'Elysée, stop ! On est en 2019, pas en 1830 », date de la conquête de l'Algérie par la France, rappelait une pancarte.
Il se trouve que l’équipe choisie par Bouteflika, en panne
d’argument politique, veut revenir sur le terrain économique sur lequel,
pourtant leurs prédécesseurs ont bien échoué, à commencer par Ahmed
Ouyahia fortement hué au parlement. Malheureusement,
Des chiffres fallacieux de ce fameux bilan économique dont
se gargarisent certains membres du gouvernement pour faire passer leurs
pilules ont été avancés. D’abord au niveau de l’analyse purement
économique, la croissance en Algérie est du type extensif. Sa variation,
dépend principalement de deux facteurs exogènes : le prix du baril et
le cours du dollar américain.
A raison, on nous dit que nos ancêtres ont bien choisi
l’endroit de leurs tentes. Elle est accessoirement liée aussi aux
conditions atmosphériques car une bonne année pluvieuse limiterait
normalement la facture alimentaire. Or, aucun de ces facteurs n’a un
lien avec la mise en œuvre des programmes des gouvernements ou des
actions des uns et des autres. Donc, cette embellie financière n’a fait
l’objet d’aucune tactique ni créativité de la part de Bouteflika et
encore plus de ses différents ministres.
Par contre, l’arrivée de Bouteflika en 1999 a trouvé un
terrain presque assaini par les gouvernements Zeroual et ceux d’avant
lui. D’une façon générale, la mise en œuvre du Programme d’Ajustement
structurel (PAS) a été à l’origine d’une amélioration significative des
équilibres budgétaires. Les revenus budgétaires ont augmenté profitant
d’une hausse exceptionnelle des prix du pétrole qui, rappelons-le,
constituent la variable d’ajustement majeur des équilibres.
En effet, les ressources budgétaires sont essentiellement
déterminées par la dynamique de la fiscalité pétrolière dont la
contribution au budget de l’Etat s’est accrue d’environ 17 points au
cours de la période 1993-2000.
Une très forte rigueur budgétaire et monétaire a été menée
durant la période 1994-1998 et a conduit à la maîtrise relative du taux
d’inflation, des ratios monétaires et du taux de crédit. L’indice
général du prix à la consommation a connu au cours de cette décennie
deux périodes distinctes. La période 92-95, a été marquée par une forte
progression du prix, suivie d’une deuxième période qui s’ouvre à partir
de 1996 et qui assiste au déclin de l’inflation.
Les chiffres, portant à cette période, sont disponibles
dans les différents rapports du FMI, CNES, ONS etc. Depuis l’économie
n’a fait que dériver
L’aspect fortement social sur lequel s’est basée la
démarche de Bouteflika a été mis à mal par la volatilité des prix du
baril. Le premier « premier ministre » que Bouteflika a choisi témoigne
qu’il voulait que le responsable de son exécutif, utilise ses
compétences pour « exécuter » seulement ce qu’il ordonne.
La preuve après une longue amélioration du niveau de vie du
essentiellement à une forte amélioration du prix du baril qui ont
atteint jusqu’à 150 dollars, la trajectoire du niveau de vie du citoyen a
fortement infléchie depuis 2010 si l’on se base sur la dernière étude
de IESEG School of Management.
Cette étude dont le résumé a été publié sur le journal français Libération,
résume la démarche Bouteflika comme suit : «Le modèle de gestion
appliqué par le gouvernement depuis 1999 consiste essentiellement à
utiliser ses recettes issues des exportations d’hydrocarbures pour
financer des dépenses publiques généreuses. Celles-ci comprennent
beaucoup de dépenses sociales, dont des logements gratuits et des
subventions aux achats par la population de carburants et produits de
base.
Ce modèle a amélioré la situation de la population et
assuré une certaine cohésion sociale, surtout les 10 premières années.
En particulier, la malnutrition et le chômage ont reculé. Ce modèle a
aussi favorisé l’émergence d’entrepreneurs très liés au gouvernement et
attachés à ce fonctionnement. ».
Auteur
Rabah Reghis IN lematindalgerie.com
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