2018 sera dure, très dure pour les ménages de la classe
moyenne. En sus de l'impact attendu du recours à la planche à billets sur
l'inflation, les hausses prévues de différentes taxes et des droits de douanes
sur certains produits prisés par les consommateurs, dans le cadre du projet de
loi de finances pour 2018, ne risquent pas d'arranger les choses. Une chose est
certains, les commerçants n'entendent pas laisser filer une nouvelle occasion
de faire du profit et s'adaptent vite à la nouvelle donne du marché, quitte à
anticiper sur les hausses à venir. Ils s'évertuent surtout à préparer doucement
mais sûrement les consommateurs à la flambée des prix qui les attend en 2018
quitte à les emprisonner dans une sorte de fatalisme.
Que ce soit dans les grandes surfaces ou dans le commerce de
détail, c'est le même constat. Les prix montent crescendo. Entre août et
septembre dernier par exemple, la variation mensuelle des prix à la
consommation a augmenté de 1,1 %, selon le dernier bilan de l'Office national
des statistiques (ONS).
DES GRILLES DE SALAIRES PLUS ÉQUITABLES
Des études menées dans ce cadre notamment par la fédération
nationale des consommateurs évaluent les dépenses d'une famille de cinq
personnes à 60.000 dinars par mois. Des experts prévoient par ailleurs une
hausse de 20% du budget consacré à l'alimentaire. Pour d'autres, il faudrait au
moins 18000 dinars de plus aux familles par mois pour pouvoir faire face aux
dépenses, soit le Salaire national minimum garanti (SNMG). Ainsi, à la lumière
de ces prévisions, tout porte à croire que l'année 2018 sera des plus dures
pour les ménages. Et ce d'autant que le financement non conventionnel conjugué
à la baisse de la valeur du dinar pourrait aussi avoir son lot de conséquences
dans ce cadre si les mécanismes de régulation ne sont pas actionnés
parallèlement ; les économistes ont averti à ce sujet parlant carrément « D’hyperinflation » et de chute libre du pouvoir d'achat
alors que de leurs côtés, le premier ministre Ahmed Ouyahia et la Banque d'Algérie
(BA) tentent de jouer l'assurance. En attendant de voir l'impact réel des
nouvelles dispositions prises par le gouvernement, les syndicalistes montent au
créneau et organisent la protesta. Ils ont prévu un rassemblement à Alger le 25
novembre et des journées de grève à partir de janvier 2018. En effet, les
syndicats autonomes de la Fonction publique ont arrêté des actions de
protestation pour dénoncer la dégradation du pouvoir d'achat et contester le
nouveau code de travail notamment. Lancée en mai-juin 2017, l'intersyndicale
regroupe 14 syndicats autonomes représentant plusieurs secteurs de la Fonction
publique. Elle a organisé en octobre dernier une journée d'études sur le
pouvoir d'achat en présence de l'expert financier, Ferhat Ait Ali. Ce dernier
expert avait plaidé pour de nouvelles grilles. salariales « plus équitables »
pour assurer un pouvoir d'achat décent aux salariés aux plus bas revenus en
impliquant des « sacrifices» de la part des hauts cadres de la nation. Un autre
expert contacté à cet effet, en l'occurrence Moharned Badis préconise quant à
lui une caisse de solidarité à travers des ponctions sur les salaires élevés
pour mieux contenir l'Inflation. Mais ces derniers sont-ils prêts à faire ces
sacrifices. En tout cas, si rien n'est fait et si les réformes ne suivent pas, le
pouvoir d'achat ne sera que grignoté davantage avec la planche à billets.
CE QUE NOUS PAIERONS PLUS CHER EN 2018
En mal de ressources, le gouvernement cherche des moyens
pour financer le Trésor public. Au-delà du recours à la planche à billet qui
risque d'induire des dérives inflationnistes dans un marché totalement
déstructuré, il faudra compter sur l'impact de la hausse des taxes sur certains
produits. Contrairement à ce qui avait été promis par le Premier ministre lors
de la présentation du plan d'action de son gouvernement au Parlement, la
planche à billet ne permettra pas d'éviter une hausse des impôts auxquels sont
soumis les ménages, en 2018. Les chefs de familles devront encore une fois se
serrer la ceinture, la hausse de ces taxes se traduiront forcément par un
renchérissement des prix. Quid des produits que nous devrons payer plus cher en
2018.
CARBURANTS : NOUVELLE AUGMENTATION DE LA TPP
C'est la hausse la plus significative. Toute modification de
la fiscalité touchant les produits pétroliers et se traduisant par une
augmentation des prix des carburants à la pompe se traduit automatiquement par
un accroissement de l'inflation que ce soit en ce qui concerne les prix des
transports, ou que ce soit, et s'en est une conséquence directe de cette
dernière, les prix des produits agricoles frais. Le projet de Loi de finances 2018
introduit une augmentation de la Taxe sur les produits pétroliers (TPP)
applicable sur les carburants, taxe qui a été instaurée rappelons-le en 2016.
Il s’agit d'une augmentation de 5 DA pour l'essence. L'essence normale coûtera
à la pompe 38,64 DA contre 32,69 DA aujourd'hui et l'essence sans plomb coûtera
41,28 DA contre 35,33 DA. Pour le gasoil la TPP augmentera de 2 DA, faisant
passer les prix à la pompe de 20.42 DA à 22.8 DA. La hausse de cette taxe ne
prend pas en compte une hypothétique révision des marges des distributeurs, ce
qui laisse présager une augmentation plus importante des prix de l'essence, si
comme en 2016. L’Autorité de régulation des hydrocarbures décidait d'une hausse
des marges des distributeurs, Naftal en tête.
En attendant, la hausse de la TPP permettrait de gonfler les
recettes budgétaires de l'État en générant des ressources supplémentaires de
l'ordre de 61 milliards DA. La mesure inscrite dans le texte permettra
également et de limiter l'effet de la dévaluation du dinar sur la facture des
subventions. En somme le gouvernement reprend d'une main ce qu'il donne de
l'autre.
LED, CARTES DE RECHARGE, MODEMS, DÉCODEURS ET PC
La taxe intérieure à 30% devrait concerner de nombreux
autres produits comme les Modems, les décodeurs numériques pour téléviseurs les
micro-ordinateurs comportant une centrale de traitement, un clavier, une souris
et un moniteur, ainsi que les imprimantes et scanners, entre autres. Selon l'exposé
des motifs cette mesure vise à compléter une première liste de produits soumis
à la TIC instaurée dans le cadre de la loi de finances 2017. Elle s'inscrit,
également,
« dans le cadre ( ... ) de l'encadrement du commerce
extérieur. » Le PLF 2018 institue enfin des taxes aux taux de 0,5% sur
l'activité des distributeurs de recharges électroniques pour les crédits de
téléphone mobile, sur le chiffre d'affaires des opérateurs de téléphonie mobile
et de l'ARPT, ainsi que sur les résultats annuels des fournisseurs d'accès
internet. Sur un autre registre, les droits de douanes appliqués à
l'importation aux ampoules LED connues pour être les moins énergivores
passeront à 30% contre 5% actuellement. Même si l'usage de ces ampoules déjà
coûteuses sur le marché devrait être encouragé pour pousser la demande en
électricité des ménages à la baisse, le gouvernement décide de les surtaxer. L'argument
avancé en ce sens est d'encourager la fabrication de ces ampoules en Algérie.
QUELQUES BONNES NOUVELLES
Au milieu de ce sombre tableau, quelques bonnes nouvelles
peuvent néanmoins quelque peu rassurer les ménagères. Ainsi et au-delà du
maintien des subventions directes de l'État et de la politique de soutien des
prix pour les produits alimentaires de base comme le lait, le pain et la farine
panifiable, l'huile et le sucre, le gouvernement entend réintroduire
l'exonération de la
TVA sur les ventes d'orge, de maïs et d'aliments de bétail
afin de garantir la stabilité des prix de la viande rouge. Enfin, le gouvernement
compte aussi maintenir la bonification des taux d'intérêt sur les crédits accordés
pour l'acquisition de logements AADL. L'article 99 du PLF 2018 autorise ainsi
le Trésor public à « prendre en charge les intérêts pendant la période
différé et la bonification du taux d'intérêt des prêts accordés par Les banques
publiques dans le cadre de la réalisation de la quatrième Tranche de 120 000
logements de type
Location-vente, à hauteur de 100% »
TABAC, ALCOOL, CAFÉ ET DOUCEURS TAXÉS
Les Algériens devront se passer de plus en plus de certaines
de leurs mauvaises habitudes, Comme leur addiction au tabac. Le projet de
budget pour 2018 prévoit une nouvelle hausse de la taxe intérieure de
consommation sur le tabac qui vient s'ajouter à celle de 2017. Tandis que le
taux proportionnel fixe sera maintenu à 10 %, la TTC augmentera de plus de 32 %
pour le tabac brun en passant de 1240 DA le kg à 1640 DA le kg, de près de 28 %
pour le tabac blond qui passe de 1760 DA/Kg à 2250 DA/ Kg et enfin d'à peine un
peu plus de 5 % pour un tabac luxueux comme le cigare qui passe de 2470 DA/kg à
2600 DA/kg. Quant au tarif de la taxe additionnelle sur les produits tabagiques,
il a été fixé à 21 DA par paquet de cigarettes, bourse ou boîte de tabac à
chiquer. Chaque 21 DA prélevé sera réparti à hauteur de 10 DA au budget de
l'État, 6 DA au profit du Fonds pour les urgences ct les activités de soins
médicaux, 2 DA pour le Fonds national de sécurité sociale, 2 DA pour le Fonds
de lutte contre le cancer et 1 DA pour le Fonds de solidarité nationale. De
manière plus concrète un paquet de cigarette enregistrera une hausse d'environ
11 DA/paquet. En sus de ces augmentations, le texte prévoit aussi d’instaurer
une taxe forfaitaire libératoire de 3 % sur les ventes de tabacs par les
détaillants et qui sera retenue en amont par les producteurs. Une mesure qui
risque aussi d'avoir son impact sur les prix du tabac, dans la mesure où
l'expérience a démontré que ce genre de taxe est automatiquement répercuté par
les revendeurs sur le prix de vente. En sus de ces mesures, la Commission des
finances ct du budget de l’Assemblée populaire nationale a décidé de relever de
30% les taxes sur le tabac et les alcools. L'un des péchés mignons de nos
compatriotes, le café en l’occurrence, sera aussi surtaxé. Le PLF 2018 propose
d’instaurer une TIC à 30 % sur les préparations à base d'extrais, d'essences ou
de concentrés de café importées. La TIC concernera aussi certaines douceurs
particulièrement apprréciées dans notre pays comme les fruits secs, la pâte
d'amande, le nougat, les bonbons, massepain, chocolat et réglisse, sans oublier
la Halwat turque.
INFLATION GALOPANTE
Les prix des biens alimentaires ont affiché une hausse de 2
%, résultat de l’envolée des prix sur le marché des produits agricoles frais.
Ces derniers ont vu leur prix croître de 4 %, tirés essentiellement par la
hausse des prix des fruits (+35,1 %) et des légumes (+ 11 %) dont la pomme de
terre (+3,6%). Le prix de ce tubercule ne descend pas d'ailleurs au-dessous de
65 DA en dépit du déclenchement de l'opération de déstockage par le ministère
de l'Agriculture. Pour le mois d'octobre, l'inflation s'annonce beaucoup plus
importante eu égard aux prix affichés sur le marché.
Et ce sans prendre en considération les autres catégories de
produits et services. La tendance à la hausse de l'inflation risque de durer
mais surtout de s'intensifier en 2018 avec les mesures prévues dans le cadre du
projet de loi de finances pour 2018. La hausse prévue des prix des carburants ne
sera pas sans s impact sur le budget des ménages. «Si actuellement je fais le
plein à 1500 dinars, à partir de 20J ce sera 2.000 dinars par semaine en
moyenne. Je devrais donc débourser 2.000 DA en plus chaque mois rien que pour
le carburant, sans oublier les autres catégories de produits que je vais devoir
payer plus cher !», s’inquiète un père de famille. Il ne faut pas perdre de vue
que la hausse des prix du carburant se répercutera sur les tarifs des transports
en commun. Elle affectera aussi la production agricole avec un renchérissement
des facteurs de production et de distribution, (machinisme agricole, transport,
logistique...etc) ce qui se traduira par une nouvelle hausse des prix des
produits agricoles.
« Les transporteurs ne veulent pas travailler à perte »,
avertissent d'ores et déjà ces derniers. Air Algérie a déjà donné la couleur
annonçant une révision de ses tarifs. Mais globalement, cc qui inquiète
beaucoup plus les Consommateurs, c'est le couffin de la ménagère qui coûterait
plus cher en 2018.
CAP ALGERIE NOVEMBRE
2017
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