Des
‘Pentagon Papers’ à la Corée du Nord et à l’apocalypse nucléaire
Edward
Luce, FT
Je
m’attends à moitié à rencontrer un invalide. L’éditeur de Daniel Ellsberg m’a
envoyé un mail la semaine précédente pour m’avertir qu’il souffrait d’une
laryngite, qu’il avait besoin de repos, qu’il se fatiguait rapidement. La
maison d’édition m’a demandé d’avancer l’heure du déjeuner, avant midi. Je ne
peux pas vraiment en vouloir à Ellsberg, qui a maintenant 86 ans, de vouloir
expédier notre déjeuner.
Peu
après m’être assis à notre table, un homme alerte en costume entre dans le
restaurant. L’unique indice d’une infirmité est la grosse prothèse auditive
rose qui dépasse de son oreille gauche. Je me précipite pour l’aider à enlever
son manteau. S’en extraire lui prend du temps. “Je l’ai acheté à Moscou quand
j’ai rendu visite à Edward Snowden” m’informe-t-il comme s’il s’excusait pour
ce manteau. Dès que nous sommes assis, il demande au serveur une camomille avec
du miel. J’en ai besoin pour ma gorge” dit-il. À plusieurs reprises au cours du
déjeuner, il explique qu’il ne peut pas parler longtemps. “Ma voix me lâche
très vite.” Il commence à parler d’une voix faible, qui devient toujours plus
animée. Deux heures plus tard, il parle toujours.
“Daniel Ellsberg est surtout connu pour avoir révélé les Pentagon
Papers en 1971, et ce que les généraux de l’US Army savaient depuis des
années : que le scénario le plus optimiste pour le Vietnam était l’enlisement
militaire”
Le
lieu est l’Oval Room, un restaurant élégant et moderne, face à la Maison
Blanche, de l’autre côté de Lafayette Square. Le motif de la rencontre est son
nouveau livre, ‘The Doomsday Machine : Confessions of a Nuclear War Planner’,
qui vient de sortir après des décennies de gestation. Daniel Ellsberg est
surtout connu pour avoir révélé les Pentagon Papers en 1971, et ce que les
généraux de l’US Army savaient depuis des années : que le scénario le plus
optimiste pour le Vietnam était l’enlisement militaire. Et pourtant, eux comme
les chefs d’État-major successifs de la Maison-Blanche ont continué cette
guerre, par crainte de sacrifier la crédibilité des États-Unis.
Le
document de 7 000 pages, qu’Ellsberg avait fait sortir de son bureau de la Rand
Corporation et qu’il a passé des nuits à photocopier, a permis d’annihiler les
arguments qui subsistaient en faveur de la poursuite de la guerre du Vietnam.
Deux semaines plus tard, Daniel Ellsberg s’est rendu de lui-même aux autorités.
Plus tard, on a su que le président d’alors, Richard Nixon, qui avait fait tout
son possible pour bloquer la publication des Pentagon Papers, avait promis au
juge de son procès qu’il le nommerait directeur du FBI. Ce qui était, pour ce
juge, l’ambition de toute une vie. Mais la manœuvre a échoué. Son procès pour
espionnage, qui aurait pu lui coûter 115 ans de prison, fut invalidé. Daniel
Ellsberg sortit libre.
On
sait moins que Daniel Ellsberg était auparavant l’un des planificateurs
américains les plus gradés du nucléaire. D’abord au Pentagone, puis à la Rand
Corporation, il a participé à l’élaboration d’une doctrine nucléaire qui a
encore cours aujourd’hui. De “faucon” froid et brillant de la guerre froide,
Ellsberg devint militant de l’élimination du nucléaire.
Il
a tenté de faire publier son manuscrit à différentes reprises depuis 1975.
Personne ne voulait lire un livre sur les armes nucléaires. “Mon ancien agent,
qui était très bon, m’a dit qu’il ne me représenterait pas pour un livre sur le
nucléaire” dit Ellsberg. “Il y a encore cinq ans, le même livre a été rejeté
par dix-sept éditeurs, pour raisons commerciales.” Puis quelque chose a changé.
Peut-être l’annexion de la Crimée par la Russie, ou les progrès de la Corée du
Nord dans le nucléaire, ou l’élection de Donald Trump. Pourquoi se sont-ils
précipités maintenant, quand personne d’autre ne le voulait ? Le monde est
devenu plus effrayant, répond-il. “La seule petite lumière dans le monde
d’aujourd’hui est que les gens veulent maintenant lire mon livre” dit-il.
Un accident qui
attend de se produire
Nous
commandons nos entrées. Ellsberg choisit de la salade de betteraves et j’opte
pour la bisque de homard. Daniel Ellsberg insiste pour éviter tout ce qui peut
contenir du sel. Le serveur promet d’y veiller. Son aversion pour le sel me
rappelle le complot monté pour le compromettre avant qu’il ne prenne la parole
durant une manifestation contre la guerre en 1971, et qui échoua. Les
conseillers de Nixon émirent l’idée de mettre du LSD dans sa soupe, dans
l’espoir de pouvoir le décrire ensuite comme un hippie dérangé. Les exécutants
chargés de l’opération ne reçurent pas les instructions à temps. Ellsberg est
un peu un expert en opérations bâclées. Le cabinet de son psychanalyste fut
aussi cambriolé sur ordre de Nixon, pour mettre la main sur un dossier médical
qui jetterait des doutes sur son équilibre mental. Son dossier se révéla
anodin. “Ils ont tenté toutes sortes de tours avec moi” se souvient-il.
J’ai
très envie de remonter plus loin dans le temps et dans la vie d’Ellsberg. À
l’âge de 15 ans, son père eut un accident dans la voiture qui transportait la
famille. La mère et la jeune sœur d’Ellsberg furent tuées. Ellsberg faillit les
rejoindre. Il passa quatre jours dans le coma. À quel point cela l’a-t-il
affecté ? “L’accident m’a appris que le monde peut changer en un éclair, pour
le pire” dit-il. “C’est l’histoire que je me raconte depuis plus de 70 ans.”
Mais
il dit avoir modifié sa vision de cette tragédie familiale ces derniers mois.
“Est-ce que c’était vraiment un accident ?” demande-t-il. Sa nouvelle réponse
est complexe. Elle explique aussi en partie pourquoi Ellsberg s’inquiète plus
de la faillibilité humaine que la plupart des gens.
“L’accident m’a appris que le monde peut changer en un éclair, pour
le pire” dit-il. “C’est l’histoire que je me raconte depuis plus de 70 ans.”
La
tragédie a eu lieu durant la fête nationale américaine du 4 juillet, en 1946.
La mère de Daniel Ellsberg voulait aller à Denver en voiture depuis Detroit, où
ils vivaient. Elle oublia de réserver une chambre de motel pour la première
nuit. Ils dormirent donc tous sur les dunes du lac Michigan. Daniel et son père
passèrent la plus grande partie de la nuit à frissonner couchés sur une plage,
sous des couvertures. Sa mère et sa sœur dormirent dans la voiture. “Je me
souviens que mon père a à peine dormi” raconte Ellsberg. “Je me souviens aussi
de m’être réveillé au milieu de la nuit et d’avoir vu des étoiles filantes,
cette pluie de météorites. Je n’en avais jamais vues autant.”
Le
jour suivant, le père d’Ellsberg ne cessa de répéter qu’il était trop fatigué
pour conduire et proposa de faire une halte. Mais sa mère insista pour qu’ils
continuent. À un moment, au milieu des champs de maïs de l’Iowa, le père
d’Ellsberg s’endormit au volant et la voiture sortit de la route. “Accident
n’est pas le bon mot” dit Daniel Ellsberg. “C’était un accident dans le sens où
personne n’aurait voulu que ça arrive. Mais mes deux parents étaient conscients
des risques et ils les ont pris néanmoins.”
Ellsberg
raconte avec calme mais tristesse. Il trace aussi un parallèle assez naturel
pour lui. “La guerre nucléaire est aussi un accident qui attend de se produire.
Le monde se prépare à la catastrophe nucléaire – à la fin de la civilisation –
depuis 70 ans maintenant. Je le sais : j’ai vu les plans.”
L’accident
a enseigné à Ellsberg que les dirigeants en qui vous placez votre confiance et
que parfois même vous aimez – comme son père – peuvent jouer pour très peu de
choses tout ce qu’ils ont de plus cher au monde. “Il n’aurait jamais dû
conduire et ma mère aurait dû l’écouter. La route était droite. Il n’y avait
pas d’autres voitures. Ce n’est pas comme si nous avions été frappés par une
météorite” conclut-il.
Notre
serveur nous interrompt pour nous prévenir que l’entrée choisie par Daniel
Ellsberg, le poulet amish rôti à la casserole, est trop salée pour lui : il a
été mariné dans la saumure pendant trois jours. “Oh, alors, ça sort du menu”
dit Ellsberg. Il échange le poulet pour un saumon croustillant et des
lentilles. J’ai commandé le magret de canard avec du chou chinois. “Dommage”
soupire Ellsberg. “Amish, le son me plaisait bien. J’apprécie beaucoup plus
toutes les religions de paix qu’avant, dont les scientistes chrétiens.” Né dans
une famille juive, Ellsberg a cependant été élevé comme scientiste chrétien.
Après l’accident, son père refusa que Daniel reçoive le moindre traitement
médical, comme l’ordonne cette secte. Des parents réussirent à évacuer le petit
garçon blessé vers un autre hôpital. “S’ils n’avaient pas remis mon genou en
place, j’aurais eu une jambe plus courte de cinq centimètres que l’autre”
dit-il. “Bref, cela m’a détourné de l’église des scientistes chrétiens.”
Lanceurs d’alerte
contre peur de l’ostracisme
Ellsberg
peut-il imaginer qu’il serait devenu un lanceur d’alerte sans cette tragédie ?
Il réfléchit quelques instants. Il est devenu ami avec Edward Snowden, en exil
à Moscou après avoir rendu publiques des montagnes de données de la NSA, ainsi
qu’avec Chelsea Manning, ancien soldat de l’US army incarcérée pour avoir fait
fuiter des monceaux de câbles diplomatiques américains. Ellsberg a mis aussi un
point d’honneur à devenir ami avec les lanceurs d’alerte du monde des affaires.
À chaque rencontre, il les interroge sur leurs motivations. “Nous sommes tous
d’accord sur trois choses” dit-il. “D’abord, nous savons qu’il se passe quelque
chose de mal. Deuxièmement, les gens devraient être informés. Troisièmement, je
vais leur dire.”
“Ellsberg a mis un point d’honneur à devenir ami avec les lanceurs
d’alerte du monde des affaires”
La
seule partie que ni Ellsberg ni ses compagnons de l’alerte au public ne peuvent
expliquer est la troisième. Pourquoi eux ? Pourquoi d’autres personnes ne se
manifestent-elles pas ? Ellsberg dit que Snowden a donné la meilleure réponse.
“Les gens ont des carrières, des emplois, la sécurité, ils ne veulent pas
risquer de perdre ça” dit-il. Il me confie ensuite qu’il a un jour lu que les lanceurs
d’alerte divorcent en moyenne dix-huit mois après leur révélation. Le conjoint
n’a pas signé pour un changement de domicile, pour le stress ou l’opprobre de
leurs pairs. “C’est peut-être la chose la plus importante” dit Ellsberg. “C’est
quelque chose d’inhérent à l’humanité : la peur d’être ostracisé. Les gens
couvriront n’importe quoi ou à peu près, dont le risque de la fin du monde,
pour éviter d’être ostracisé.”
La guerre nucléaire
avec la Corée du Nord ?
Je
demande si Ellsberg espère que son livre poussera les personnels des bases
nucléaires à devenir des lanceurs d’alerte. “Eh bien, vous savez, les ogives
nucléaires ne savent pas lire” dit-il. “Mais les gens qui travaillent dans les
silos nucléaires ont beaucoup de temps libre ; en général, ils candidatent à
ces jobs dans les bunkers pour pouvoir achever leur diplôme par correspondance,
ce genre de chose. Ils ont le temps de lire. J’espère que mon livre provoquera
beaucoup de démissions.” Je lui confie que j’ai participé à la conférence de
Halifax durant laquelle le général John Hyten, de la direction stratégique de
l’US Army – qui contrôle l’arsenal nucléaire – a dit qu’il n’obéirait pas à un
“ordre illégal” du président d’utiliser les armes nucléaires.
Nous
sommes ensemble depuis plus d’une heure et il nous reste encore à aborder le
sujet du président Trump. Étant donné que nous sommes à un jet de pierre de la
Maison-Blanche, ce doit être une première. Ellsberg fait peu cas des paroles
rassurantes du général en question. “Aucun président ne croit qu’il fait
quelque chose d’illégal” dit-il. “Trump est différent dans le sens où il en
parle ouvertement. Il dit que tout ce qu’il fait est légal, juste comme Nixon.
Bien sûr, Trump est beaucoup plus déséquilibré que la plupart des présidents,
mais Hyten dit n’importe quoi. Quel officier américain a jamais été envoyé en
prison pour avoir obéi aux ordres ? Citez-moi en un. En plus, si un général
refuse d’obéir aux ordres du président, Trump peut le limoger et le remplacer
par quelqu’un qui obéira.” À ce moment, l’attaché de presse d’Ellsberg
s’approche pour l’avertir qu’il sera aphone s’il continue à parler. “Encore
quelques minutes, j’y prends plaisir” répond-il aimablement.
“Trump est beaucoup plus déséquilibré que la plupart des présidents,
si un général refuse d’obéir aux ordres du président, Trump peut le limoger et
le remplacer par quelqu’un qui obéira”
Donc,
Trump n’est ni meilleur ni pire que ses prédécesseurs. Ellsberg confesse qu’il
a voté “à contrecœur” pour Hillary Clinton l’an dernier. Mais Trump ne fait que
déclarer en public ce que beaucoup de présidents font en privé, dit-il.
“Pensez-vous que Trump soit le premier président à peloter une femme ?
Pensez-vous qu’il soit le premier raciste à vivre à la Maison Blanche ?” Non,
je réponds. Mais il est assurément le moins stable mentalement. Ellsberg opine.
Mais d’abord, il me rappelle l’antisémitisme de Nixon, révélé dans les bandes
enregistrées du Bureau ovale, lors d’une discussion dont Ellsberg était le
sujet. “La plupart des juifs ne sont pas loyaux” disait Nixon. “On ne peut pas
faire confiance à ces bâtards. Ils se retournent contre vous.”
Ellsberg passe ensuite au sujet de la Corée du Nord. Il croit que Trump a en grande partie créé de toutes pièces cette crise en disant que la Corée du Nord ne deviendrait pas un État nucléaire sous son mandat. “Je ne laisserai pas ça arriver” avait-il dit, rappelle Ellsberg. “Mais c’était déjà arrivé avant qu’il ne soit élu.”
Ellsberg passe ensuite au sujet de la Corée du Nord. Il croit que Trump a en grande partie créé de toutes pièces cette crise en disant que la Corée du Nord ne deviendrait pas un État nucléaire sous son mandat. “Je ne laisserai pas ça arriver” avait-il dit, rappelle Ellsberg. “Mais c’était déjà arrivé avant qu’il ne soit élu.”
Le
résultat est que les États-Unis sont maintenant, et pour la première fois
depuis la crise des missiles cubains en 1962, en train de menacer d’attaquer un
pays qui possède des armes nucléaires. “Nous sommes en train de parler
ouvertement d’équipes de liquidateurs, d’exercices à grande échelle d’invasion,
de décapitation du pouvoir nord-coréen. C’est une folie. HR McMaster
[conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump] dit que nous nous
rapprochons chaque jour plus de la guerre nucléaire. C’est fou.”
Les
diatribes de Trump ont enclenché une accélération du programme de missiles
nucléaires de Kim Jong Un. Trump a convaincu ce dernier que la capacité de la
Corée du Nord à toucher la Corée du Sud et le Japon ne troublerait pas les
États-Unis. Seule sa capacité à frapper le territoire américain compte. Par
conséquent, la Corée du Nord a accéléré le développement de ses missiles
intercontinentaux. Ce n’est qu’une question de temps – “peut-être de semaines”
– avant que Kim ne teste une bombe à hydrogène dans l’atmosphère, étape
nécessaire pour que ses missiles balistiques intercontinentaux soient
crédibles. À partir de ce moment-là, tous les paris sont ouverts, selon Daniel
Ellsberg. “En ce moment, ce que fait Trump m’échappe complètement.”
L’espèce humaine ne
disparaîtra pas complètement
À
ce moment du déjeuner, je suis en train de boire un expresso. Je regrette
amèrement de ne pas avoir commandé un grand cognac. Ellsberg est revenu à la
camomille et au miel. Est-ce que quelque chose le rend un peu optimiste ? Il
mentionne Mikhail Gorbatchev, Nelson Mandela et d’autres, qui ont amélioré le monde,
mais ne cesse de revenir à son thème de prédilection : les humains contrôlent
les armes nucléaires et ils sont faillibles. Les dirigeants américains et
russes ont délégué l’autorité de les utiliser à des subalternes. Les seuls
États-Unis possèdent un arsenal assez important pour détruire la planète
plusieurs centaines de fois. Barack Obama n’a pas réussi à diminuer la
puissance nucléaire de l’Amérique, mais il a essayé. Le Pentagone l’a persuadé
de dépenser encore 1 000 milliards de dollars pour moderniser l’arsenal.
“Les probabilités de pouvoir sortir du Titanic diminuent” dit Ellsberg. “Mais
en dépit de tout, je suis un optimiste” ajoute-t-il. Je dresse l’oreille. On
dirait qu’Ellsberg va conclure sur une note optimiste : “L’espèce humaine ne
sera pas exactement liquidée par un hiver nucléaire. 1 ou 2 % d’entre nous
survivront, en se nourrissant de mollusques quelque part dans des endroits
comme l’Australie et la Nouvelle Zélande. La civilisation disparaîtra, bien
évidemment. Mais nous survivrons en tant qu’espèce.”
“Ellsberg ne cesse de revenir à son thème de prédilection : les
humains contrôlent les armes nucléaires et ils sont faillibles”
Réconforté
par ce mince répit, je suggère qu’il est sans doute temps de nous en aller.
Deux heures se sont écoulées depuis que nous avons commencé à parler, même si
le temps est passé très vite. À mon amusement, nous passons encore dix minutes
à bavarder devant le vestiaire. Il faut encore cinq minutes pour l’accompagner
jusqu’à la sortie. “Donnez-moi votre carte de visite” dit un Ellsberg en pleine
possession de sa voix alors que nous nous séparons enfin. “Je veux continuer à
parler.”
The
Oval Room
800 Connecticut Ave NW, Washington DC
800 Connecticut Ave NW, Washington DC
Salade
de bettraves $12
Bisque de homard $14
Saumon grillé $25
Magret de canard $26
Espresso $5
San Pellegrino $4
Total (service et pourboire compris) $123
Bisque de homard $14
Saumon grillé $25
Magret de canard $26
Espresso $5
San Pellegrino $4
Total (service et pourboire compris) $123
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