La
main invisible du marché - Capitarisme
Le mariage du big data et de la
planification centralisée est en train de créer un nouvel hybride viable
Par
Bertrand Jacquillat
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n
connaît la charge implacable de Friedrich Hayek au sortir de la Seconde guerre
mondiale dans son pamphlet ‘The road to serfdom’ contre la prétention du
socialisme à être un système économique efficace. Selon lui, tout ce qui
ressortait du socialisme et de l’étatisme de production était voué à l’échec.
La Chine a relevé ce défi depuis plus de trente ans, avec les orientations
brillantes données par Deng Xiaping vers l’économie de marché, tout en
maintenant le système politique léniniste de la domination par le parti de la
vie politique, sociale, voire même économique. Là où l’Union soviétique avait
complètement échoué avec l’effondrement à la fois de son économie et de son
système politique, l’événement politique le plus extraordinaire depuis la fin
de la Seconde guerre mondiale, la Chine semble avoir réussi le mariage
improbable, voire même impossible, selon Hayek, de la carpe et du lapin, celui
du léninisme politique centralisateur avec le marché. Cette alliance
apparemment contre nature est sortie renforcée à la suite du 19e Congrès du
Parti communiste incarné par Xi Jinping et son ‘Thoughts on socialism with
Chinese characteristics for a New Era’.
Une
telle alliance peut-elle perdurer, rester efficace et continuer à accompagner
la Chine dans son développement futur ? Même si un système politique centralisé
correspond à la tradition chinoise et que les Chinois sont des bureaucrates
particulièrement habiles, la réponse péremptoire d’Hayek serait négative. Un
pouvoir sans limite parce qu’au-dessus des lois est voué à l’échec, de même que
l’extrême corruption tant combattue par Li est consubstantielle au système.
Sans compter que la population chinoise ne pourra supporter éternellement le
joug politique au fur et à mesure de l’avancée de son niveau d’éducation. Tous
ces éléments sont un frein à la liberté de circulation des idées, des
informations et des échanges, et sapent le dynamisme économique qui est la
condition pour que la Chine sorte du “middle income trap”.
Silicon Valley et Parti communiste
chinois
À
moins que la donne ait changé avec le big data et les nouvelles technologies,
et que le mariage du big data et de la planification centralisée puisse créer
un nouvel hybride viable. Car la Chine est devenue le centre mondial de la
révolution de l’économie digitale. Le bureau de Shanghai du Boston Consulting
Group vient de sortir une étude extrêmement documentée sur l’Internet chinois,
selon laquelle la Chine compte pour 40 % des transactions commerciales
mondiales, venant de 1 % il y a seulement dix ans. La Chine est le leader
mondial du paiement par téléphone portable, et se trouve à l’avant-garde de
l’économie collaborative du transport. Selon le Mc Kinsey Global Institute,
plus du tiers des 262 licornes au niveau mondial – start-up dont la valeur
estimée dépasse le milliard $ – sont chinoises. Mais cette révolution
technologique est aussi déployée pour résoudre les dysfonctionnements
systémiques historiques de son État central autoritaire : toutes les dynasties
chinoises ont été confrontées à l’atrophie et la corruption avec l’éloignement
du pouvoir central.
Mais
la technologie supprime les distances, surtout lorsque les données collectées
par les Alibaba, Tencent, VD com, etc. doivent être partagées avec les
autorités centrales telles que la People’s Bank of China (PBoC), la Banque
Centrale de Chine, qui s’en sert pour piloter intégralement la distribution du
crédit dans toute la Chine, ce qui pourrait contribuer à résoudre le problème
endémique du surendettement de la Chine tout en contribuant efficacement à une
meilleure allocation de ses ressources dans l’économie. L’alliance de la
Silicon Valley et du Parti communiste chinois, avec la tentative de Pékin de
résoudre les éternels problèmes des systèmes centralisés, donnera-t-elle raison
à George Orwell ?
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