Par Ahmed Halli
Il y a comme un air de morosité dans les colonnes de la presse des pays arabes et autres assimilés, après l'élection d'un maire musulman à la mairie de Londres. Traditionnellement, la capitale britannique est le fief des opposants arabes, qu'ils soient pacifiques, voleurs ou armés jusqu'aux dents. Les islamistes tenaient le haut du pavé, distribuant fatwas et exemplaires sanglants du Coran sur les places publiques, sous le regard bienveillant des autorités. Les opposants dits pacifiques, que ce soit à des monarchies ou à des républiques à velléités laïques, n'en pensaient pas moins. Les voleurs, vous les connaissez comme moi : plus discrets que ceux d'ici, du moins hors antennes, ils peuvent se réclamer de l'un ou l'autre camp, et même des deux, au gré des demandes d'extradition. Pour tout vous dire, Londres, ainsi que son jardin obscur, le «Londonistan», ne sera pas arabe, et c'est plutôt déprimant, pour ceux qui écrivent de droite à gauche. Bien sûr, il y a ce petit détail délibérément grossi, comme pour délayer le vague à l'âme ambiant, le candidat battu est non seulement riche, mais il est juif. Que demander de plus lorsqu'on est sevré de victoires, et qu'on croit toujours à la prochaine libération de la Palestine?
Le nouveau maire de Londres n'est donc pas arabe, et encore moins kabyle
comme l'aurait souhaité Ferhat, mais l'un dans l'autre, chacun y trouve
son compte puisque Sadiq Khan est musulman. Du coup, Arabes, Kabyles,
Pachtounes et Kurdes peuvent se congratuler mutuellement puisqu'il n'y a
plus d'honneur national à laver, l'essentiel ayant été acquis, le maire
de Londres est musulman ! Ainsi se réalisent en Grande-Bretagne la
vision cauchemardesque du plus aigri des écrivains français et la vision
romanesque du plus haï de nos écrivains(1). L'identité musulmane est
désormais transcendante, et cette identité est subordonnée à la
soumission aux nouveaux codes de l'Islam et à ses rituels importés. Ce
qui est loin d'être une absurdité dans un pays qui importe presque tout
! Au 1er novembre 1954, puis en août 1956, on était tous algériens, du
nord au sud, et de l'est à l'ouest, sans ingrédients ajoutés. Puis en
1961, sous prétexte de répondre aux «Ti-ti- ti-ta-ta» des pro «Algérie
française», un petit mail ou un visionnaire nous a appris «Ti-ti-
ti-ta-ta-ta», soit un coup de plus sur la casserole pour «Algérie
musulmane». Et ma grand-mère qui ne saisissait pas le sens de tout ça
mais qui était patriote, de reprendre à sa manière : «Algérie mizermane»(2),
déjà un signe prémonitoire ! Il y a comme un air de morosité dans les colonnes de la presse des pays arabes et autres assimilés, après l'élection d'un maire musulman à la mairie de Londres. Traditionnellement, la capitale britannique est le fief des opposants arabes, qu'ils soient pacifiques, voleurs ou armés jusqu'aux dents. Les islamistes tenaient le haut du pavé, distribuant fatwas et exemplaires sanglants du Coran sur les places publiques, sous le regard bienveillant des autorités. Les opposants dits pacifiques, que ce soit à des monarchies ou à des républiques à velléités laïques, n'en pensaient pas moins. Les voleurs, vous les connaissez comme moi : plus discrets que ceux d'ici, du moins hors antennes, ils peuvent se réclamer de l'un ou l'autre camp, et même des deux, au gré des demandes d'extradition. Pour tout vous dire, Londres, ainsi que son jardin obscur, le «Londonistan», ne sera pas arabe, et c'est plutôt déprimant, pour ceux qui écrivent de droite à gauche. Bien sûr, il y a ce petit détail délibérément grossi, comme pour délayer le vague à l'âme ambiant, le candidat battu est non seulement riche, mais il est juif. Que demander de plus lorsqu'on est sevré de victoires, et qu'on croit toujours à la prochaine libération de la Palestine?
Ulémas se ralliant, et chemin… de La Mecque faisant, nous avons de mieux en mieux appris nos leçons et nous avons réussi avec brio tous les examens d'accès aux félicités de l'Au-delà.
Il y a aussi une autre question concernant l'élection du maire de Londres qui tourmente la rue arabe, et il s'agit de savoir si Sadiq Khan est sunnite ou chiite, selon notre consœur Dala Al-Mufti. «Sadiq Khan, note-t-elle, a remporté la victoire dans une société laïque, qui ne mesure pas l'utilité d'un homme à l'aune de ses origines, de sa religion, ou de son rite. Alors que s'il avait eu la malchance de vivre dans nos pays et non pas en Grande-Bretagne, il aurait été marginalisé jusqu'à sa mort, ne rêvant même pas de la nationalité. Quelle que soit sa compétence, il n'aurait pu se mesurer aux “grands du pays”. Chez nous, le fils d'un éboueur n'a pas à ambitionner de devenir un jour juge, comme l'a affirmé l'ancien ministre égyptien de la Justice.» Quant à l'appartenance religieuse d'une personne, elle est appréciée selon le cas et selon l'actualité du moment.
«Ainsi, dès qu'un musulman réussit en Occident ou qu'il occupe un poste important, nous nous empressons de nous l'attribuer, ignorant sa nationalité et ne voyant en lui que le musulman, relève encore Dala Al-Mufti. Mais dans le même temps, si un musulman commet un acte terroriste, et même s'il est sorti de nos écoles et qu'il a crié “Allah Akbar”, nous le renions et nous l'excommunions. Car nous sommes uniquement des peuples d'anges, de lauréats et de vainqueurs. De nombreux Arabes et musulmans sont arrivés au plus haut de l'échelle en Occident, alors que chez nous, ils ne peuvent faire un pas sans qu'il soit fait état de leur religion, de leur rite, ou de leurs racines familiales. Oui, nous prenons en considération la laïcité qui permet à un musulman de réussir en Occident. Nous sommes laïques, démocrates, libéraux chez les autres, mais nous sommes racistes, sectaires, et extrémistes. Donc, avant de fêter la victoire d'un musulman en Grande-Bretagne, réfléchis : es-tu prêt à donner ta voix à un bahaï en Égypte, un chrétien au Koweït, un yézidi en Irak, ou à n'importe quelle personne qui n'est pas de ta confession ? Si ta réponse est non, mets un bâillon à ta voix, et épargne-nous la laideur de ton opinion», conclut notre consœur.
Ceci étant, la fête risque d'être brève, car Sadiq Khan n'a pas l'air de correspondre au portrait type du musulman engagé, «moultazim», tel que dressé par les maîtres pédagogues du wahhabisme. Il ne porte ni la barbe, ni le kamis, et qui plus est sa femme n'est pas voilée, conformément aux canons de l'ignorance sacrée. Il faut quand même rester prudent, car il y a des islamistes en cravate, prêts à se passer de système pileux et à dévoiler leurs femmes, pour assouvir leur soif de pouvoir.
A. H.
(1) Il s'agit, vous l'avez deviné, des deux romans, Soumission de Michel Houellebecq, et 2084 de notre écrivain mal-aimé Boualem Sansal.
(2) Problème d'oreille et de phonétique : «L'Algérie des serpents» ayant construit plus de nids pour ses reptiles que de logements pour ses citoyens ordinaires.
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