Pourquoi le président Bouteflika, dont l’inaptitude à exercer ses fonctions présidentielles est aujourd’hui reconnue de tous, y compris par ses soutiens les plus zélés qui ont tourné casaque, s’accroche-t-il à son poste en dépit des lois biologiques et du large front populaire qui demande depuis 5 semaines son départ et celui du système qu’il incarne ?
Joueur, manœuvrier, il l’aura été jusqu’au bout de son «parcours présidentiel». Il ne souffrirait pas de s’infliger l’humiliation de devoir transmettre le flambeau. Difficile pour un homme – qui s’est construit une historiographie en fil doré, une aura d’homme providentiel, de père de la nation, d’artisan de la paix et de la réconciliation nationale – d’être ainsi tiré brutalement de ce rêve enchanteur dans lequel il s’est bercé durant 20 longues et délicieuses années pour entrer dans une autre vie cauchemardesque qu’il n’avait imaginée et souhaitée que pour ses adversaires !
Il avait rêvé d’une présidence à vie, d’entrer au panthéon de l’histoire, de funérailles nationales qui feraient oublier celles, émouvantes et grandioses de feu Houari Boumediène, d’un mausolée à sa gloire. Il est forcé de se résoudre à cette leçon de l’histoire jamais démentie, que lui rappellent depuis le 22 février les manifestants qui exigent son départ et celui du système, qu’il n’y a qu’un seul héros : le peuple.
Bouteflika et ses hommes de main, qui ont planifié le scénario catastrophe du 5e mandat en pensant naïvement que la cause était entendue, sont aujourd’hui pris à leur propre piège. Ils ne peuvent ni avancer ni reculer. Ils ont perdu une bataille, celle du 5e mandat, mais ils ne veulent pas se résigner à perdre le bras de fer avec la rue qui est synonyme de «nakba», de catastrophe pour le clan présidentiel et tous les relais du système de manière globale, qui savent ce qui les attend avec la fin du règne de Bouteflika.
La prolongation du mandat présidentiel, justifiée officiellement par la volonté de Bouteflika de servir le pays dans un ultime élan de patriotisme avant de prendre sa retraite politique, est un autre coup de force que le clan présidentiel a tenté pour reprendre la main dans ce jeu de poker menteur auquel est soumis le destin de l’Algérie. En rejetant globalement et dans le détail cette «paix des braves» proposée par le pouvoir, la contestation populaire et l’opposition signifient clairement leur refus d’accorder quelque sursis que ce soit au pouvoir pour se régénérer.
Bouteflika semble mal vivre cette «ingratitude» du peuple, lui qui pense avoir sacrifié sa jeunesse et sa vie pour faire son bonheur. Pourra-t-il se résoudre à faire des concessions à ceux qui lui demandent de partir avant la fin de son mandat, en démissionnant de son poste, pour apaiser les esprits et la rue et éviter des dérapages et des drames dont il sera tenu pour seul responsable ? Difficile à croire, connaissant la fierté à fleur de peau du personnage, qui n’acceptera jamais de subir ce qu’il pense être une humiliation de devoir quitter le pouvoir avant la fin de son mandat, laissant pour l’histoire l’image d’un dictateur déchu, chassé du pouvoir. Pourtant, il ne doit pas ignorer que c’est la solution la plus légaliste et la plus consensuelle à même de sortir de l’impasse politique et des dangers qui guettent la stabilité du pays, nés de cette crise de succession planifiée par le pouvoir et qui a tourné court.
Après moi le déluge ! C’est le message qu’il semble transmettre au peuple en demeurant chevillé à son poste tout en sachant que la confiance est définitivement rompue avec les Algériens après la confirmation par des voix officielles, de l’intérieur du pouvoir, de la confiscation des prérogatives présidentielles par des forces extraconstitutionnelles.
A moins d’un signal fort de l’institution militaire, qui est puissamment interpellée par tous ceux qui ont le souci d’éviter à l’Algérie le scénario du pire pour le convaincre d’accepter d’écourter de quelques jours son mandat dans l’intérêt supérieur du pays pour permettre une solution conforme à la légalité constitutionnelle. Celle de la transition de 90 jours prévue par la Loi fondamentale sous la conduite du président du Sénat. Il reste pour les partisans de cette option un obstacle de taille à lever : Abdelkader Bensalah est trop mouillé avec Bouteflika pour lui confier les clés de l’organisation de l’élection présidentielle.
Avec la pression de la rue qui ne fait qu’amplifier, le clan présidentiel, ou ce qu’il en reste après son implosion, sait désormais que la prolongation du mandat de Bouteflika au-delà du 28 avril prochain relève de l’impossible. Personne ne laissera faire ce coup d’Etat civil : ni la rue ni l’armée.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Qu’en pensez vous?