APS - ALGÉRIE

mercredi 23 août 2017

L’Islam n’est pas coupable

Par Ammar Belhimer

ammarbelhimer@hotmail.fr

Le facteur économique comme motivation première reprend sa place dans la littérature relative au terrorisme international.
«Enhancing the Understanding of the Foreign Terrorist Fighters Phenomenon in Syria» («Améliorer la compréhension du phénomène des combattants terroristes étrangers en Syrie»), de juillet 2017, est un rapport de l’Office des Nations-Unies contre le terrorisme, qui fixe de façon approfondie ce qui a poussé des dizaines de milliers de «fous» de toutes nationalités à affluer vers la Syrie pour servir l’Etat islamique dans la perspective d’un hypothétique retour du califat – événement associé à l’âge d’or de l’Islam(*).
Mercenariat et appât du gain, d’une part, ignorance (une compréhension très sommaire ou approximative de l’Islam) et exotisme, d’autre part, ont longtemps aidé à répondre aux besoins des officines occidentales et monarchiques en chair à canon dans leurs guerres successives. L’hypothèse est confortée par ce que le rapport associe à une énigme : les criminels de retour de Syrie ils nient toute intention de «devenir des terroristes» et toute volonté de «commettre des actes de terrorisme en Europe à leur retour».Le document insiste sur le poids des facteurs économiques et financiers comme principale motivation des recrues ; celles-ci viennent «principalement des milieux défavorisés, ont un bas niveau d’éducation» et «ignorent tout de la signification du djihad ou même de la foi islamique».
Le tiers de ceux qui sont partis en Syrie étaient au chômage ; une autre grande partie des autres occupaient des emplois subalternes.
Selon les Nations-Unies, l’Europe a fourni 25 000 combattants aux différents mouvements terroristes opérant en Syrie ; elle doit désormais faire face à leur «réinsertion» —une opération qui revient souvent à vouloir redresser un bossu avant sa mort.
L’organisation des Nations-Unies insiste énormément sur leur méconnaissance de la religion musulmane, ainsi que sur le peu d’importance que celle-ci représente dans leur décision de base.
Les travaux d’autres études établissent que le terrorisme est alimenté par le blocage de l’ascenseur social dans les sociétés occidentales qui ferme toute perspective de promotion à des larges pans de la société.
«Nos résultats suggèrent que tout autant que la rareté des ressources matérielles, l’absence d’opportunité économique et les freins à la liberté économique nourrissent le terrorisme.»(**)
Sous l’intitulé générique associant les concepts de «Global Agenda», «Fragilité, violence et conflit», «Santé mentale» et «Sécurité internationale», Leena Al Olaimy signe une intéressante contribution sur le même sujet, sur le site du World Economic Forum dans lequel elle disculpe la religion musulmane dans les attentats qui frappent le monde en son nom(***).
«Les terroristes ne tuent pas pour leur religion. C'est complètement autre chose.»
L'histoire criminelle globale de Belgacem —auteur de l’agression d’un militaire français à l’aéroport, ndlr — comprend le trafic de drogue, le vol à main armée, le recel de biens volés. Les tests post-mortem de toxicologie ont révélé la présence d'alcool, de cannabis et de cocaïne dans son sang.»
Autre exemple : Salman Ramadan Abedi, auteur de l’opération-suicide de Manchester Arena, était un fêtard, émigré libyen de deuxième génération, qui buvait de la vodka et fumait de la marijuana, selon les témoignages de ses amis. Pareil pour Mohamed Lahouaiej-Bouhlel qui «a répondu à l'appel d'Isis» l’été dernier pour se mettre au volant du camion qui a foncé sur la foule lors du défilé de la fête de la Bastille à Nice, tuant 86 personnes. «Loin d'être un musulman dévoué et pratiquant, il consommait du porc et avait un penchant pour l'alcool, la drogue et le sexe, avec les hommes et les femmes, selon les preuves recueillies par la police», rappelle Leena Al Olaimy.
«Un sentiment d'identité conflictuel, aggravé par une honte insoutenable, semble être le plus grand vecteur de la décision de jouer au martyr.»
«Même en Arabie Saoudite, pendant le mois le plus saint de l'Islam, le Ramadhan, les autorités ont récemment fait avorter une attaque-suicide contre ce qui est considéré comme le site le plus sacré de l'Islam, la Grande Mosquée de La Mecque, qui attire chaque année 15 millions de pèlerins.»
Les pirates de l'air du 11 septembre présentent, eux aussi, des signes évidents de perversité. Outre les images de femmes à moitié nues accrochées aux murs de leur chambre de motel en Floride, ils «étaient également de grands consommateurs de films pornographiques pay-per-view, s’adonnaient à des jeux de hasard et aux boissons alcoolisées».
La rhétorique extrémiste valorise le martyre avec la promesse d'une vie meilleure dans l’Au-delà, «un billet pour le paradis qui confère la purification, la rédemption et l'expiation, et la fin de la honte et du dégoût».
«Les personnes aspirant à la mort ont des motivations différentes de celles recrutées pour rejoindre les rangs des organisations terroristes. Dans ce dernier cas, l'attraction de groupes tels que Daesh (ISIS) est plus susceptible de découler d'une recherche personnelle de statut, d'un sentiment d'identité et d'appartenance, et de la quête d’un but et d’une auto-validation. Compte tenu de cela, l'inclusion — sociale, économique ou politique — semble être un antidote beaucoup plus puissant que les mesures militaires antiterroristes» dans le traitement des patients, soutient Leena Al Olaimy.
Parmi les exemples dissuasifs jugés prometteurs : le refus des imams musulmans de prier pour les auteurs d’actes terroristes, comme ce fut le cas à Londres après l’attaque du pont. En réagissant de la sorte, les autorités religieuses contribueront à dissiper l'ambiguïté autour de l'idée d'une mort sainte et dissuader de la sorte les auteurs d’attaques suicidaires, est-il soutenu.
«Nous devons nous concentrer sur les raisons sociales et émotionnelles du comportement extrémiste. Nous avons besoin d'une approche centrée sur l'homme, qui commence de l'intérieur», conclut Leena Al Olaimy.
A. B. IN LSA

(*) Hamed el-Said and Richard Barrett, Enhancing the Understanding of the Foreign Terrorist Fighters Phenomenon in Syria, United Nations Office of Counter-Terrorism, juillet 2017, 54 pages.
(**) Juan Cole, Economic Forces Drive the Youths Joining Terrorist Groups in Syri, Truthdig, 5 août 2017,
http://www.truthdig.com/report/item/muslim_youth_fight_syria_not_motivated_by_religion_un_report_finds_20170805
(***) Leena Al Olaimy, Terrorists don’t kill for their religion. It’s something else entirely, World Economic Forum, 27 juillet 2017
https://www.weforum.org/agenda/2017/07/terrorist-extremists-dont-kill-for-islam-or-christianity/

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