Istanbul a-t-elle perdu sa renommée de nids d’espions qu’elle fut
notamment durant la seconde guerre quand les alliés avaient intoxiqué
les Allemands sur le lieu du débarquement du 5 juin 44 sur les côtes
françaises.
Enumérant en vrac :
(*) Cette presse a mis un bémol à cette thèse quand elle s’est rendue compte que des milliers d’officiers, des centaines de généraux et autres fonctionnaires ont été emprisonnés ne se sont pas prêtés à un tel scénario pour les beaux yeux de leur président.
On
est tenté de répondre oui quand on voit que personne n’a eu "vent" de
ce qui se tramait en Turquie dans la nuit du 14 juillet au 15 juillet
2016. Est-ce pour cette raison que de "prestigieux" journaux français
ont été "séduits" ou réduits à faire appel à la thèse "complotiste" d’un
coup d’Etat qui serait ourdi par le président turc en personne (*).
Ces
journaux nous avaient pourtant habitué à leur aversion pour le
‘’complotisme’’. Alors pourquoi ont-ils glissé sur la pente de la
facilité ? Sont-ils eux-mêmes tombés dans le piège de la manipulation de
bureaux clandestins de la police politique qui voulaient ensevelir
quelque vérité gênante ? Plus sérieusement, comment se fait-il qu’une
telle rumeur "complotiste" a vu le jour en Turquie où toutes les grandes
armées du monde se trouvent dans la région et secondées par leurs
puissants services secrets surveillant et écoutant tout ce qui bouge 24 h
sur 24 ? Si des voix et des officines ont fait courir cette rumeur,
c’est qu’ils veulent entraîner l’opinion sur des chemins de traverses
pour éloigner les regards curieux. En tous cas, on n’a pas besoin d’être
Smiley, le héros des romans d’espionnage de John Le Carré pour faire la
liste des événements de ces dernières années et de saisir leurs liens
avec l’hypothèse d’un coup d’Etat du 14 juillet. Pour débroussailler le
terrain, aidons-nous des réactions des Etats et les prises de position
des acteurs et des complices de la tragédie en Syrie et en Irak.Enumérant en vrac :
-
Le Qatar a condamné la tentative du coup d’Etat contrairement à
l’Egypte qui s’est opposée au conseil de sécurité de l’ONU à la
condamnation du dit évènement.
-
L’Arabie saoudite comme l’Egypte ne portent pas dans leurs cœurs les
frères musulmans alors qu’ils sont les chouchous du Qatar.
- Le Qatar et la Turquie soutiennent en Syrie des groupes islamistes rivaux de ceux de l’Arabie.
-
Les USA et l’Union européenne ont attendu l’échec du coup d’Etat pour
s’exprimer et pour ensuite attirer l’attention de la Turquie sur le
respect des droits de l’homme quand Erdogan commença à rafler à tour de
bras des milliers de militaires, magistrats et autres fonctionnaires.
-
La Russie qui ne perd pas une miette de ce qui se passe dans la région
aurait averti Erdogan quelques heures avant le début des mouvements de
troupes auteurs du coup d’Etat.
-
L’Iran à la fois rival de la Turquie et ennemi juré de l’Arabie saoudite
a exprimé ses inquiétudes devant les événements intervenus à Istanbul,
un paradoxe apparent dont la politique a le secret.
Au
regard de ces infos facilement vérifiables, on peut se rendre compte
que les acteurs du champ de bataille syrien manœuvrent tactiquement pour
éviter des brèches dans leur stratégie globale.
Pour
discerner les motivations des puissances qui ont martyrisé la Syrie, il
suffit de regarder la position géographique de la Syrie mais aussi et
surtout l’histoire et la politique de ce pays depuis l’établissement de
l’Etat d’Israël. Pour ce dernier pays, les raisons sont évidentes.
S’agissant
des autres pays de la région, la Turquie, l’Arabie saoudite, le Qatar
et l’Iran, il faut regarder du côté des contentieux de l’histoire, de
leur tendance à l’hégémonie mais aussi pour des intérêts économiques que
nous développerons plus loin.
Quant
aux grandes puissances, leur propension à défendre ce qu’elles
appellent leur sécurité nationale et leurs intérêts économiques vitaux
n’est plus à démontrer également.
La
France qui ne veut pas renoncer à jouer un rôle dans cette région
s’agite en prétextant défendre le Liban son "ami" fidèle où a été
assassiné son ambassadeur Louis Delamare en 1981 et le premier ministre
Rafik Hariri également assassiné en 2005. D’où la Syrie dans sa ligne de
mire.
Les USA joue le rôle qu’on
leur connaît, gendarme du monde, agent de sécurité d’Israël et
‘’siphoneur’’ du pétrole de seigneurs-féodaux qui préfèrent exporter
leur wahabisme.
La Russie elle, est
présente en Méditerranée grâce à sa base maritime à Tartous en Syrie
qu’elle entend défendre mordicus pour maintenir sa présence dans une mer
chaude et dans le chaudron moyen oriental.
Après
les motivations des protagonistes de cette guerre, voyons à présent
depuis le début du conflit le comportement la Turquie et les contorsions
politiques et militaires des puissances étrangères pataugeant dans les
sables mouvants de cet Orient que l’on dit compliqué.
Commençons par le jeu d’Erdogan qui s’est avéré être un amateur joueur d’échecs.
Les
évènements actuels montrent que ce président a misé dans cette partie
d’échec sur les fous qui foncent droit devant eux au lieu de choisir les
cavaliers plus retors et plus mobiles. Il s’est ainsi lancé dans une
aventure sur le plan intérieur en faisant porter à son pays le fardeau
de ses ambitions personnelles et de ceux de son parti AKP (islamiste),
ambitions hors de portée de la Turquie sous l’œil de l’Europe qui exige
d’elle un "certificat de démocratie". Cette aventure visait et vise
encore un changement constitutionnel qui déboucherait sur la
présidentialisation du régime désapprouvé par les partis politiques et
par l’armée qui serait déposséder de sa force de frappe alors qu’elle se
veut l’héritière et la gardienne de la révolution d’Atatürk (1923).
Quant
à la politique extérieure, là aussi Erdogan a voulu faire jouer à son
pays un rôle démesuré face à des adversaires coriaces. De plus il s’est
choisi des amis peu fiables, prêts à l’abandonner en cas de grains de
sable dans la machine.
En effet face
à son ennemi juré Assad dont il voulait la chute, il a cru que la Syrie
était une république bananière. Quant aux alliés de cet ennemi juré,
l’Iran inventeur du jeu d’échec et la Russie champion de toujours dans
les joutes internationales de ces jeux, ces deux Etats ont toujours eu
plusieurs coups d’avance sur Erdogan qui se pensait être Mehmet le
conquérant de l’ex-empire ottoman. Pourquoi cette allusion au rêve
ottoman ? Parce que la Turquie fondamentalement par son histoire est
asiatique. La petite portion de son territoire européen où se situe une
partie d’Istanbul, ne lui a pas permis de forcer les portes de l’Union
européenne. La Turquie voit alors son avenir tournée vers ce
Moyen-Orient dont elle fait partie et qu’elle a longtemps dominé. C’est
alors que l’histoire vient ici au secours de l’économie turque pour
écouler ses marchandises dans des pays gros et riches clients et peu
producteurs de produits de consommation.
La
guerre de Syrie et d’Irak qui dure s’est invitée sur son propre
territoire. Le pays étouffe avec la présence de millions de refugiés,
retrouve le vieux contentieux kurde. Les relations coupables avec Daech
et les facilités offertes aux réseaux mafieux et terroristes lui ont
attiré des inimitiés. Les occidentaux étaient fâchés contre les demandes
d’Ergodan exigées de l’Europe pour stopper le flux des refugiés. Quant à
la Russie, il provoqua la fureur de Poutine quand il abattit un avion
russe volant dans le ciel syrien.
Ce
sombre tableau a dû l’inciter à introduire un peu de rationalité dans
sa politique pour échapper à d’éventuels et dangereux effets. La
rationalité et le flair politique a déjà manqué à Erdogan quand il
s’engagea tête baissée dans la guerre en 2012. Cette année là les
soulèvements populaires en Syrie visaient à déboulonner Assad par des
manifestations de masse dans les rues du pays. Et puis soudain, le
soulèvement se militarisa, des villes et villages étaient occupés et une
guerre de tranchée classique s’installa. Pourquoi ? Parce que le Qatar,
l’Arabie saoudite et la Turquie avaient envoyé une véritable armée
combattre la Syrie. Pourquoi ces trois pays et au nom de quoi ont eu
l’audace de s’engager militairement contre un gouvernement siégeant à
l’ONU. Rien ne peut l’expliquer sinon de gros très gros intérêts
économiques doublés de facteurs géopolitiques. Qu’en est –il de ces
intérêts ? Le président Assad donna sa préférence à un accord en juillet
2012 (dépêche AFP) avec l’Iran qui avait élaboré un projet de
pipe-lines de gaz qui alimenterait l’Europe soumise à la dépendance du
gaz russe. Le rejet du projet rival du Qatar et l’Arabie mis les feux
aux poudres.
La Turquie voit le
projet du terminal de gaz à construire sur ses côtes devenir caduque et
des milliards de royalties s’évaporer. Ces trois pays furieux
s’entendirent alors pour faire payer cher la ‘’trahison’’ d’Assad. La
guerre, la vraie au sens militaire débuta alors. Le jeu de ces trois
pays fut révélé par le chef d’alors de la DGSE (services secrets
français) lors d’un colloque en mars 2016 au sénat français. Mauvais
joueur d’échecs, coincé à l’intérieur du pays entre une armée ayant de
solides liens avec l’OTAN, des partis politiques représentatifs qui ne
paradent pas uniquement la veille des élections sans oublier les Kurdes
qui réclament pleinement leurs droits politiques et culturels, Erdogan
cherchait donc à se sortir de cette impasse. Il s’excusa auprès des
Russes pour l’avion abattu, ne parlait plus de la chute d’Assad et mit
un bémol à ses trop visibles relations avec Daech. Ses revirements
n’échappaient à personne. Les Américains voyaient d’un mauvais œil ce
rapprochement avec la Russie alors qu’ils tentent de l’encercler par le
biais de l’OTAN dont la Turquie est une pièce maîtresse. La "puissante"
Arabie saoudite vécut comme une humiliation la préférence d’Erdogan pour
le minuscule Qatar ami des frères musulmans de l’AKP comme il le fut
aussi avec le frèrot Morsi renversé par le coup d’Etat en Egypte par El
Sissi.
Voici donc tous les éléments
du puzzle de la guerre en Syrie. Seule l’histoire de la région, la
connaissance de l’enchevêtrement des alliances, des contradictions
économiques et géopolitiques des acteurs, permet aux lecteurs de se
retrouver dans ce labyrinthe du Moyen-Orient. Évidemment les médias aux
ordres offrent aux lecteurs uniquement le spectacle de l’écume des
vagues et se gardent bien de les faire voyager dans les profondeurs des
courants puissants des mers et océans. C’est pourquoi certains médias se
convertissent au ‘’complotisme’’ alors qu’il suffit de faire la
narration de la politique d’Erdogan sans nécessairement sortir le cliché
de ‘’révolution de palais’’ en vogue à l’époque des pays en voie de
développement. Aujourd’hui les médias modernes inventent le jeu du coup
d’Etat pour de faux comme disent les gamins. Un peu infantilisant non !
Faux
ou vrai coup d’Etat, il faut s’attendre à des tempêtes dans la mer
pourtant calme de la Méditerranée. Certes tous les partis politiques et y
compris les Kurdes, qui ont quelque raison de se méfier d’Erdogan, ont
condamné cette tentative du coup d’Etat. Preuve que l’armée fait peur et
qu’elle n’a peut-être pas dit encore son dernier mot….
Ali Akika, cinéaste(*) Cette presse a mis un bémol à cette thèse quand elle s’est rendue compte que des milliers d’officiers, des centaines de généraux et autres fonctionnaires ont été emprisonnés ne se sont pas prêtés à un tel scénario pour les beaux yeux de leur président.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Qu’en pensez vous?