Par Naïma Yachir
naiyach@yahoo.fr
Il avait travaillé toute sa vie en thésaurisant dans le seul but de construire une maison et sortir de l’ancienne demeure familiale où il occupait une chambre avec son épouse, ses vieux parents et ses treize enfants. Il se levait aux aurores et se dirigeait vers l’usine où il exerçait comme manœuvre pour ne rentrer qu’au crépuscule. Il laissait à la mère de ses enfants quelques pièces qui lui permettaient tout juste d’acquérir le litre de lait et la baguette de pain. Pour le reste, il fallait qu’elle se débrouille. Elle réussissait tant bien que mal à réunir ses enfants autour d’un plat de couscous sec afin qu’ils ne crient pas famine. Les enfants, pour se rendre à l’école, avaient droit à une tenue d’été, une autre d’hiver et une paire de chaussures qui allait avec. Le tablier, heureusement, cachait tout.
Les filles ne posaient pas de problème pour notre patriarche, puisque dès qu’elles atteignaient l’âge de la puberté, il les enfermait à la maison en attendant le premier prétendant pour s’en débarrasser. Il avait ainsi au fil du temps moins de bouches à nourrir. Infatigable, après une journée de travail éreintante, il se dirigeait vers le chantier, traînant son fils avec lui pour construire sa maison. Il voulait tout faire seul. Il refusait de s’encombrer d’un manœuvre, qui plus est, il devait payer. Son fils faisait parfaitement l’affaire et en plus gratos ! Les travaux forcés ont duré plus de 10 années au prix de dures privations. Pas de sorties, ni la moindre distraction, pour les garçons s’entend. La fratrie était cloîtrée à la maison : pas la moindre dépense superflue. Les années passèrent, les enfants grandirent, les grands-parents moururent, les six filles furent casées, les garçons se marièrent, et la maison toujours inachevée. Son fils aîné a beau tenter de le convaincre de ne pas construire aussi grand, rien n’y fait. Son rêve c’était d’être propriétaire d’une maison mastodonte.
- «Papa, tu te fatigues pour rien, je n’habiterai jamais avec vous, je veux mon indépendance et quitter cette ville.» Le père entêté ne prêtait aucune attention à ses paroles. Le jour J arriva, et le déménagement eut enfin lieu. Le père, épuisé, n’a pu assurer les finitions de la maison. Les parents étaient seuls à emménager dans une immense habitation presque vide, dépourvue des commodités les plus élémentaires. Il refusera de placer un compteur de gaz, d’eau, car persuadé que les factures seraient trop chères. Ainsi, pas de salle de bains, ni chauffe-eau encore moins un chauffage pour affronter les hivers rigoureux de cette ville de la Mitidja. Il transportera des bonbonnes de gaz le restant de sa vie. Il continuera à amasser le moindre petit sou et en se privant jusqu’à sa mort. Il n’a jamais écouté son fils qui le suppliait de vendre la maison pour vivre dans une autre plus petite avec tout le confort. Il avait pitié de sa mère qui souffrait mais qui ne pouvait quitter son mari pour aller vivre avec son fils. La misère dans laquelle ils vivaient dans la vieille maisonnée, il l’a transférée dans l’immense villa qui, somme toute, n'a jamais été achevée. Son épouse est décédée elle aussi quelques mois après lui, laissant les enfants se disputer le bien du papa et son compte en banque.
naiyach@yahoo.fr
Il avait travaillé toute sa vie en thésaurisant dans le seul but de construire une maison et sortir de l’ancienne demeure familiale où il occupait une chambre avec son épouse, ses vieux parents et ses treize enfants. Il se levait aux aurores et se dirigeait vers l’usine où il exerçait comme manœuvre pour ne rentrer qu’au crépuscule. Il laissait à la mère de ses enfants quelques pièces qui lui permettaient tout juste d’acquérir le litre de lait et la baguette de pain. Pour le reste, il fallait qu’elle se débrouille. Elle réussissait tant bien que mal à réunir ses enfants autour d’un plat de couscous sec afin qu’ils ne crient pas famine. Les enfants, pour se rendre à l’école, avaient droit à une tenue d’été, une autre d’hiver et une paire de chaussures qui allait avec. Le tablier, heureusement, cachait tout.
Les filles ne posaient pas de problème pour notre patriarche, puisque dès qu’elles atteignaient l’âge de la puberté, il les enfermait à la maison en attendant le premier prétendant pour s’en débarrasser. Il avait ainsi au fil du temps moins de bouches à nourrir. Infatigable, après une journée de travail éreintante, il se dirigeait vers le chantier, traînant son fils avec lui pour construire sa maison. Il voulait tout faire seul. Il refusait de s’encombrer d’un manœuvre, qui plus est, il devait payer. Son fils faisait parfaitement l’affaire et en plus gratos ! Les travaux forcés ont duré plus de 10 années au prix de dures privations. Pas de sorties, ni la moindre distraction, pour les garçons s’entend. La fratrie était cloîtrée à la maison : pas la moindre dépense superflue. Les années passèrent, les enfants grandirent, les grands-parents moururent, les six filles furent casées, les garçons se marièrent, et la maison toujours inachevée. Son fils aîné a beau tenter de le convaincre de ne pas construire aussi grand, rien n’y fait. Son rêve c’était d’être propriétaire d’une maison mastodonte.
- «Papa, tu te fatigues pour rien, je n’habiterai jamais avec vous, je veux mon indépendance et quitter cette ville.» Le père entêté ne prêtait aucune attention à ses paroles. Le jour J arriva, et le déménagement eut enfin lieu. Le père, épuisé, n’a pu assurer les finitions de la maison. Les parents étaient seuls à emménager dans une immense habitation presque vide, dépourvue des commodités les plus élémentaires. Il refusera de placer un compteur de gaz, d’eau, car persuadé que les factures seraient trop chères. Ainsi, pas de salle de bains, ni chauffe-eau encore moins un chauffage pour affronter les hivers rigoureux de cette ville de la Mitidja. Il transportera des bonbonnes de gaz le restant de sa vie. Il continuera à amasser le moindre petit sou et en se privant jusqu’à sa mort. Il n’a jamais écouté son fils qui le suppliait de vendre la maison pour vivre dans une autre plus petite avec tout le confort. Il avait pitié de sa mère qui souffrait mais qui ne pouvait quitter son mari pour aller vivre avec son fils. La misère dans laquelle ils vivaient dans la vieille maisonnée, il l’a transférée dans l’immense villa qui, somme toute, n'a jamais été achevée. Son épouse est décédée elle aussi quelques mois après lui, laissant les enfants se disputer le bien du papa et son compte en banque.
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