Par Arezki Metref
arezkimetref@free.fr
La fraude massive, gigantesque, éhontée, aux épreuves du bac ? Rien de rédhibitoire. C’est juste la manne céleste accourue au secours de candidats dans la dèche. «C’est Dieu qui nous envoie les sujets», s’extasie au micro d’une télévision privée un candidat touché par la béatitude.
«Inchallah, grâce à ce don du Ciel, l’Algérie entière sera bachelière», renchérit, magnanime, une candidate, pénétrée de la transcendance de la situation. Après nous avoir donné la pluie, Allah gratifie du baccalauréat sa nation élue. Amine !
Ni l’un ni l’autre ne semblent voir ce qui cloche dans cette fuite invraisemblable de sujets qui ravale le pays au rang de brouillon d’Etat. Si tout cela advient, c’est que Dieu l’a voulu ! Insensée croyance ! Terrible culture de la corruption et de la triche instillée comme s’il s’agissait d’une religion avec son corollaire de fatalisme.
arezkimetref@free.fr
La fraude massive, gigantesque, éhontée, aux épreuves du bac ? Rien de rédhibitoire. C’est juste la manne céleste accourue au secours de candidats dans la dèche. «C’est Dieu qui nous envoie les sujets», s’extasie au micro d’une télévision privée un candidat touché par la béatitude.
«Inchallah, grâce à ce don du Ciel, l’Algérie entière sera bachelière», renchérit, magnanime, une candidate, pénétrée de la transcendance de la situation. Après nous avoir donné la pluie, Allah gratifie du baccalauréat sa nation élue. Amine !
Ni l’un ni l’autre ne semblent voir ce qui cloche dans cette fuite invraisemblable de sujets qui ravale le pays au rang de brouillon d’Etat. Si tout cela advient, c’est que Dieu l’a voulu ! Insensée croyance ! Terrible culture de la corruption et de la triche instillée comme s’il s’agissait d’une religion avec son corollaire de fatalisme.
La déchéance absolue, ce n’est pas qu’une telle curée de triche puisse avoir lieu et à cette échelle. C’est plutôt de la trouver «normale». A entendre les uns et les autres, on ne refuse pas ce signe de la Providence que sont les sujets venus à eux par internet. C’est haram de le dédaigner.
Mais voilà, il faut tout de même qu’une main tout ce qu’il y a de banalement humain s’y mette pour que la fraude se réalise.
Un candidat raconte qu’il lui a suffi de se connecter vers minuit pour cueillir tout frais le sujet de je ne sais plus quelle matière. Et avec le corrigé, s’il vous plaît. Une âme charitable venait de le publier. Une candidate raconte également que vers 22 heures, un mail miraculeux est tombé dans sa boîte.
Il comportait sujets et corrigés des épreuves du lendemain. Une enseignante affectée à la surveillance du bac raconte sur un site internet qu’elle a été stupéfaite de s’apercevoir que les candidats disposaient des sujets d’histoire/géographie qu’ils devaient traiter ce matin-là. Un des élèves lui confiera qu’ils ont reçu dans la nuit par internet le corrigé type, avec réponses et barème. Qui peut disposer d’un tel document ? La signature est tout sauf illisible.
Le dispositif de brouillage d’internet pour empêcher les candidats d’utiliser leurs smartphones pendant les épreuves n’aura servi à rien. Les pourvoyeurs en sujets ont agi de nuit, comme s’ils faisaient un pied-de-nez… Économiquement parlant, en empêchant l’Algérie d’être connectée pendant les heures ouvrables, ce dispositif a dû coûter une fortune en manque à gagner.
Voilà pour les faits. Du moins pour une partie des faits. Pour le reste et comme le suggère l’euphémisme journalistique, l’enquête déterminera les ressorts de cette affaire avec plus de précision. Mais d’ores et déjà, certaines questions interpellent. Comment des corrigés type, avec réponses et barèmes, se retrouvent-ils sur le Web ? Qui est censé avoir accès à ces documents ultra-protégés ?
La nature des documents diffusés et l’ampleur de leur diffusion laissent à penser que les fuites sont délibérées dans ces larges proportions pour entacher d’un discrédit le système scolaire et l’imputer bien entendu à l’actuelle ministre de l’Education nationale, Noria Benghebrit.
Malheureusement, l’hypothèse d’un complot a toutes les chances de s’avérer.
Complot contre qui ? Complot de qui ?
Des confrères ont vraisemblablement raison d’inscrire ces fuites sans précédent dans le cloaque de la «lutte des clans». On peut sensément faire l’hypothèse qu’une telle déstabilisation a fatalement un rapport avec le contexte politique actuel. «Les enjeux d’un agenda opaque et de plus en plus serré liés à la succession y sont en toute hypothèse pour quelque chose. Il n’est pas impossible que de si grandes fuites procèdent soit d’une volonté de pourrissement soit d’une stratégie de diversion», analyse un fin observateur de la scène algérienne. Mais les fuites ne sont pas dénuées de sens politiquement parlant, cela paraît évident.
Complot contre qui ? D’abord, sans doute, contre Noria Benghebrit et surtout contre sa politique, progressiste certes, mais dont le caractère volontariste et indépendant déstabilise l’institution arc-boutée sur son conservatisme grégaire. En agissant pour le bien de l’éducation nationale mais avec une certaine forme d’irréalisme, elle s’est mis à dos bien du monde, au gouvernement, à l’APN, dans les partis politiques et même dans les syndicats.
L’Algérie actuelle est-elle prête à une réforme en profondeur de son système éducatif ? Visiblement, non ! Sans doute le volontarisme de Noria Benghebrit est-il basé à la fois sur sa propre volonté mixée à la conviction, partagée, de la justesse de sa politique et sur une attente ou un espoir de soutien du gouvernement ? Résultat : une forme de donquichottisme admirable mais terriblement dérangeant.
Donc, la cible du complot est toute désignée. C’est Noria Benghebrit et son projet moderniste d’école préparant à l’acquisition rationnelle des savoirs.
Mais qui a intérêt à ce que le complot réussisse ? On parle des milieux islamo-conservateurs qui, par ailleurs, ne cachent pas leur hostilité à la personne et au projet. Des ténors de ce courant ont régulièrement scandé qu’ils ne laisseront pas l’école algérienne former autre chose que des réceptacles de la fatalité religieuse.
Mais malheureusement, il n’y a pas qu’eux. A ces adversaires disons idéologiques s’ajoutent les nombreux ennemis que la ministre s’est fait en agissant peut-être parfois précipitamment. De nombreux cadres du ministère, des directions de l’ONEC, pas forcément islamo-conservateurs, se dressent contre elle. Elle s’est fait des ennemis aussi dans les syndicats et parmi les contractuels dont elle a eu l’imprudence de dire qu’ils ont tous obtenu leur contrat par piston. Une sorte de coalition informelle hétéroclite s’est formée contre Noria Benghebrit qui peine à obtenir le soutien franc et massif du gouvernement dont elle fait partie.
Sans politiser outre mesure un scandale unique en son genre, il faut regretter que de part et d’autre certaines attitudes et comportements entraînent peut-être de faux clivages.
A. M.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Qu’en pensez vous?