APS - ALGÉRIE

mardi 10 octobre 2017

LANCEMENT DE SPOUTNIK 60 ans de conquête de l'espace

«La Terre est le berceau de l'humanité, mais on ne passe pas sa vie entière dans un berceau.» Constantin Tsiolkovski, père de l'astronautique
De tout temps, l'homme a été fasciné par l'espace et le besoin surtout onirique de voler avec la symbolique de la toute-puissance de liberté. Les mythes et légendes ont émaillé le besoin d'évasion de l'homme, de sa condition de terrien cloué au sol et regardant avec humilité vers les cieux. On dit que le mythe d'Icare est né ainsi. Vaincre la pesanteur amène à l'idée de fusée. Les premières fusées furent des armes, loin de la vision spatiale que nous en avons aujourd'hui. Elles furent inventées en Chine, aux alentours du XIIIe siècle. La première trace écrite de leur utilisation est la chronique de Dong Kang mu, en 1232, qui raconte leur utilisation par les Mongols lors de l'attaque de la ville de Kaifeng. Le sujet devint plus technique au XIXe siècle malgré encore de nombreuses invraisemblances. Il a fallu attendre le début du XXe siècle, pour qu'en Russie, un homme de génie, instituteur de son état, nommé Constantin Tsiolkovski, réfléchisse à un «engin à réaction» pouvant atteindre une vitesse nécessaire à la mise en orbite, et permettant d'évoluer dans le vide spatial. Il imagina les fusées à étages, le concept de station spatiale, l'utilisation de combustibles liquides par mélange de comburant et carburant. A juste titre, il est considéré comme le père de l'astronautique.
L'aventure spatiale: un challenge des deux grandes puissances
Ancêtres de tous les lanceurs modernes, les premières fusées à propergols liquides (oxygène et alcool) crevèrent les nuages le 17 août 1933. Elles furent mises au point par les Russes Youri Kondratiouk et Friedrich Zander. Kondratiouk étudia tout particulièrement les problèmes liés à la dynamique et la construction des fusées. En 1929, il publiera l'ouvrage La conquête des espaces interplanétaires où il prédit que dans 40 ans, un module contenant des passagers se détachera d'un satellite en orbite autour de la Lune et s'y posera. En 1969, Apollo 11 se posait sur notre satellite... Zander exerça essentiellement un rôle de technicien. Spécialiste des turboréacteurs Il construisit entre 1929 et 1933 son premier moteur fusée à propergols liquides, en collaboration avec un certain Sergei Korolev, autre pointure de l'astronautique soviétique! C'est ce même moteur qui arrachera du sol, le 17 août 1933, la première fusée à propergols liquides. L'engin était très comparable à la future V2 allemande. (1)
Du côté de l'Occident, la Nasa a vu le jour le 29 juillet 1958. Il s'agissait alors de réunir dans un même projet toutes les compétences disponibles afin de combler le retard pris sur les soviétiques dans la course à l'espace depuis le lancement, dix mois plus tôt, du premier satellite artificiel de la Terre, Spoutnik. Spoutnik 1 déclencha une véritable crise politique doublée d'un vent de panique, les prémices des événements qui allaient modifier le cours de l'Histoire se manifestaient déjà depuis le tout début du siècle. Korolev est arrêté en juin 1938, torturé et envoyé au goulag en Sibérie. Mais très tôt, Staline reconnaît l'importance des ingénieurs en aéronautique, tels Korolev et ordonne de transférer celui-ci, avec d'autres, dans le bureau-prison de TsKB-39 sharashka dirigé par un certain Sergueï Tupolev. (1)
Durant ce temps, Von Braun, directeur du centre d'essais secret allemand de Peenemünde, travaille à la mise au point de la V2, le 3 octobre 1942 à 96,5 km d'altitude. Après la débâcle allemande, les Américains en tête, prennent Peenemünde et les missiles déjà construits ou en cours de montage, ainsi que Wernher Von Braun, qu'ils «invitent»à poursuivre ses travaux au Texas. Lorsque, le 4 octobre 1957, les moteurs de la R7 s'allumèrent en chassant l'obscurité de la nuit, bientôt suivis d'un grondement de tonnerre qui secoua tout ce qui était debout à des kilomètres à la ronde, et que l'énorme lanceur fonça à la rencontre de la voûte céleste, Korolev sut qu'il avait gagné le pari. 90 minutes plus tard, lorsque Spoutnik 1 repassa au-dessus de la base en envoyant un vigoureux bip-bip, un tonnerre d'applaudissements retentit. La nouvelle déferla sur le monde comme un tsunami. Mais les plus perturbés furent les Américains. Un mois plus tard, Spoutnik 2 prendra la route de l'espace. Avec, cette fois, un passager, la petite chienne Laïka. James M.Gavin, le directeur de la recherche et du développement de l'armée, parla de «Pearl Harbor technologique «. (1)

Youri Gagarine: le premier homme dans l'espace dans l'histoire de l'humanité
La compétition tourna au départ à l'avantage des Soviétiques. La première mission habitée, Vostok 1, fut lancée le 12 avril 1961 depuis Baïkonour. Elle emportait Youri Gagarine, qui devint le premier homme dans l'espace, où il effectua une orbite complète en 108 minutes. Vostok 6 emmena la 1re femme de l'espace, Valentina Terechkova, le 16 juin 1963 L'histoire veut que dans la journée (précédent le vol, Ndlr), Gagarine rende visite à sa femme Valentina qui se doute de quelque chose, même s'il est toujours resté très discret sur sa mission. Laconiquement, il la prévient: «Je m'absente pour un moment.» Elle s'enquiert: «Tu t'en vas loin?» Avec un grand sourire, il répond: «Oui, très loin». Ce premier petit tour dans la banlieue terrestre sera très rapide: 11 minutes pour grimper en orbite, 68 minutes pour faire le tour de la planète, 19 minutes pour pénétrer dans l'atmosphère terrestre jusqu'au point d'éjection de Gagarine en parachute..(2)
««Poyekhali!(C'est parti!)... «Dès que la rétrofusée s'est éteinte, il y a eu une secousse brutale. Je voyais la Terre traverser le hublot de haut en bas dans le sens droite-gauche. Ça tournait. Je voyais tantôt l'Afrique (tantôt la ligne d'horizon, tantôt le ciel.» Durant dix longues minutes, Le vol avait été émaillé de plusieurs incidents, dont le plus préoccupant avait été le retard de dix minutes avec lequel le module moteur s'était détaché de la capsule de rentrée dans l'atmosphère. A 27 ans, Youri Gagarine est devenu un héros de l'Union soviétique.(3)

L'épopée d'Apollo 11
Du côté américain, le programme américain Mercury fut officiellement annoncé aux Américains le 17 décembre 1958. Le vol de trois orbites fut techniquement parfait. La nation américaine se montra à la fois soulagée et fière. Le 25 mai 1961, Kennedy déclara devant le Congrès que les Etats-Unis enverraient un homme sur la Lune avant la fin de la décennie, et le ramèneraient en toute sécurité. Le vol de Shepard était programmé pour mai 1961. Le monde entier apprit, médusé, que les Soviétiques venaient d'accomplir l'exploit tant attendu. Youri Gagarine, un jeune pilote de chasse de 27 ans, venait d'être envoyé en orbite. Plus tard, John Glenn pénétra dans sa cabine Mercury baptisée Friendship 7 le 20 février 1962.L'avance décisive des Etats-Unis eut lieu lors de l'expédition vers la Lune. Le 16 juillet 1969 à 13 h 32 TU, Apollo 11 emmène le commandant de bord Neil Armstrong, le pilote du module de commande Michael Collins et le pilote du module d'atterrissage Edwin Aldrin en orbite de transfert. Le 20 juillet, Armstrong et Aldrin prennent place à bord du module d'atterrissage Eagle et celui-ci se sépare, s'inscrivant sur une orbite elliptique à 15 km d'altitude. A 20 h 17m 40 s, Eagle se pose dans la mer de la Tranquillité. Kennedy avait gagné son pari à titre posthume, la nation américaine tout entière était euphorique et le faisait savoir.(1)
Au cours de leur unique sortie, les astronautes ne parcoururent qu'environ 250 mètres à la surface en 2 h 31 mn. Armstrong fut le premier à descendre l'échelle du LM, et prononça les paroles qui devinrent immédiatement historiques: «That's one small step for a man, one giant leap for mankind. «, «C'est un petit pas pour un homme, mais un bond de géant pour l'humanité «. Les deux astronautes ont récolté 21,7 kg d'échantillons de sol lunaire et la sortie extravéhiculaire a duré 2 h 31 durant laquelle ils ont parcouru 250 mètres. Les astronautes sont restés 21 heures et 36 minutes sur la Lune. Le retour s'effectuera sans le moindre incident, et le 24 juillet à 16 h 50, le module de commande d'Apollo 11 amerrira dans l'océan Pacifique où l'équipage sera récupéré... (1)
Comme Gagarine mort dans un accident d'avion, lui qui avait bravé l'espace, Armstrong fut un modèle à la fois de compétence et de modestie. La gloire ne lui est pas montée à la tête «Le cosmonaute reconnu par ses pairs comme l'un des pilotes parmi les plus talentueux au monde, sinon de tous les temps, a vécu 43 ans en modèle pour plein de générations, démontrant par l'exemple que l'on pouvait vivre dans la célébrité sans se prendre pour une vedette inaccessible. (...)» «(4)

Les réactions occidentales: le choc
Le lancement du tout premier satellite soviétique aurait déclenché un choc aux USA L'événement suscite de fortes réactions dans le monde scientifique, particulièrement aux États-Unis où cette percée crée certaines inquiétudes. Le satellite, un objet d'environ 60 centimètres qui pèse 83 kilogrammes, est transporté dans l'espace par une fusée. En pleine Guerre froide, les Américains s'inquiètent particulièrement du retard de leur pays et des conséquences que pourraient avoir les découvertes soviétiques sur le plan militaire. Reconnaissant la supériorité de l'Urss à certains niveaux, le président Dwight D. Eisenhower exprime le souhait que les États-Unis fassent plus d'efforts dans ce domaine au cours des années à venir.» (5)
Pour Jean-Marie Domenach, de la revue Esprit en France «...La raison condamne la prodigalité des fabricants de satellites, Mais les marxistes russes ont entendu un appel plus fort que la raison, et qui tirait déjà le marxisme vers le haut: l'homme est fait pour conquérir le monde, et plus que le monde. L'homme est à son aise, ainsi, lorsqu'il opère, colonise, étend son pouvoir sur toute la nature Et dans cette ascension, il y a la volonté prométhéenne du marxisme, et plus profondément encore l'affirmation biblique d'un univers donné à l'homme, pour qu'il y porte la marque de Dieu.» (6)
Dans le journal Le Devoir à Montréal, Yvan Philip écrit: «...Une heure après l'annonce fatidique de l'agence Tass, les pulsations du satellite russe étaient captées aux États-Unis et retransmises par radio et télévision à des millions d'Américains sidérés Depuis lors, la presse, radio et télévision n'ont pas arrêté de commenter l'événement et sa portée. Le sentiment général est que les Russes ont remporté une victoire retentissante, et que la perte de prestige des États-Unis dans le monde sera considérable: (...) Nous allons assister à un long examen autocritique. (...) La leçon est sévère, et pour la première fois peut-être, l'homme de la rue prend l'Union soviétique au sérieux. Dans toutes les classes de la société américaine, un «agonizing reappraisal» a commencé.» (7)

Il y a 60 ans Spoutnik inaugurait l'histoire spatiale
Sylvie Rouat nous rappelle les débuts de l'épopée de cet exploit: «Sur la base secrète de Baïkonour l'atmosphère est tendue en cette nuit du 4 octobre 1957. Sergueï Korolev, responsable du programme de fusées soviétiques, retient son souffle lorsque, dans un grondement assourdissant la fusée R7 Semiorka s'élève au ralenti. Cinq minutes plus tard, le satellite Spoutnik est mis en orbite. C'est la première fois, dans l'histoire humaine, qu'un objet lancé en l'air ne retombe pas immédiatement sur terre. Peu après, Spoutnik émet son célèbre «bip-bip «capté par les radios du monde entier. L'Union soviétique prend la tête dans la course à l'espace qui va l'opposer pendant plus d'une décennie aux États-Unis. Le monde est alors divisé en deux blocs qui se mènent une ´´Guerre froide´´. Après la défaite du Reich, en 1945, l'ingénieur allemand Wernher von Braun, père des fameux missiles V2, émigre aux États-Unis où il travaille à la mise au point de missiles. L'Urss, elle, a Korolev, un homme visionnaire et tenace, que l'on a sorti du goulag pour réaliser des missiles militaires sur les traces des V2. (8)
Elle nous apprend ensuite que les soviétiques tirèrent un bénéfice politique de cet exploit: «D'abord indifférent à ce succès, le Kremlin découvre vite que l'Urss a acquis en une nuit un prestige international que ne lui avaient pas conféré des décennies de propagande. Ils ont construit l'image de l'Urss, symbole d'un monde nouveau grâce au spatial, l'un des rares domaines de parité avec les États-Unis et donc objet de fierté nationale. C'était idéologiquement parfait.´´ Les années qui suivirent furent les plus excitantes, les Soviétiques collectionnant les exploits: premier être vivant en orbite avec la chienne Laïka en novembre 1957,premier homme dans l'espace avec Iouri Gagarine, en 1961; première femme cosmonaute, avec Valentina Terechkova en 1963. Ils ont finalement été coiffés au poteau par les Américains en 1969, quand Neil Armstrong et Buzz Aldrin se posèrent sur la Lune.» (8)

Conclusion
Ce jour-là sur Terre, nous avions les yeux rivés sur l'écran de la télé, ébahis, émerveillés par Neil Amstrong marchant sur la Lune. Environ, 450 millions d'humains (sur une population mondiale estimée à 3,631 milliards) vont finalement entendre l'immortelle déclaration d'Armstrong laissant ses premières empreintes de pas. Armstrong lira à haute voix le texte gravé: «Ici des hommes de la planète Terre ont pris pied pour la première fois sur la Lune, en juillet 1969 ap J.-C. Nous sommes venus dans un esprit pacifique au nom de toute l'humanité. On dit que la règle à calcul de Korolev, a fait de Gagarine le premier cosmonaute. Et celle de Von Braun a placé Glenn en orbite. C'est dire le risque pris avec des moyens de calcul dérisoires par rapport aux ordinateurs actuels qui sont capables de milliards d'opérations par seconde. Il fallait pour cela des êtres d'exception qui ne perdent pas confiance ni dans la science ni en eux-mêmes et qui placent l'amour du pays au-dessus d'eux. Armstrong avait évalué la réussite de la mission d'alunissage à 50%. Gagarine a failli ne pas revenir de l'espace. Ni Armstrong ni Gagarine ne reçurent de primes de cadeaux visibles ou invisibles. Armstrong n'eut pas un centime de plus que son salaire. Gagarine eut droit à une médaille. Ils disent avoir fait leur devoir sans en faire un fonds de commerce.
Leur exemple est à méditer pour les jeunes Algériens car il permettrait de réhabiliter des valeurs du travail bien fait, de devoir perverti par l'argent et l'égoïsme des hommes. (9)

Par


 






1. Jean Etienne http://www.futura-sciences. com/fr/doc/t/astronautique-1/d/nasa-50-ans-de-conquete-spatiale_841/c3/221/p1/
2 Dans un jour Youri Gagarine s'envole pour l'espace.lepoint.fr 11-04-2011
2. L'astronaute Neil Armstrong est mort. Sciencesetavenir.nouvelobs.com. 28 08 2012
3 Frédéric Lewino: Gagarine, l'étoffe d'un héros soviétique lepoint.fr 07-04-2011
4.http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/neil-armstrong-un-courage-121726 27.08.2012
5.http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?codeEve=448
6.Jean-Marie Domenach: Esprit (France), décembre 1957, p. 884-885.
7.Yvan Philip: Le Devoir (Québec, Canada), 14 octobre 1957, p. 4.
8. Sylvie Rouat https://www.sciencesetavenir.fr/espace/il-y-a-60-ans-spoutnik-inaugurait-l-histoire-spatiale_117074 04.10.2017
9. Chems Eddine Chitour: Icare, Gagarine, Armstrong, l'Expression 30 08 2012

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Qu’en pensez vous?