APS - ALGÉRIE

mercredi 27 septembre 2017

Cacophonie made in bladi

Youcef Merahi

merahi.youcef@gmail.com

La cacophonie va crescendo ; elle n’épargne aucun secteur ni aucun domaine ; elle est pire que la rumeur ; elle permet à tous de parler ; elle empêche tout le monde d’écouter ; c’est le propre de la cacophonie. Celle-ci n’est pas en reste chez nous, surtout depuis que notre Premier ministre a présenté aux parlementaires le plan d’action de son gouvernement ; à moins que ce ne soit le programme de notre Président, absent des radars depuis un moment, déjà. Ça parle. Ça jacte. Ça discute. Ça argumente. Ça invective. Ça promet… Mais les faits restent têtus ! Le made in bladi, sous forme de crise nationaliste aiguë, ne fait pas l’affaire des Algériens. On a plus besoin de sérénité, de concertation et de dialogue. Sans sectarisme ni rejet de l’autre, notamment de l’opposition.
La cacophonie commence par le foot, sport roi s’il en est en Algérie. Les entraîneurs (étrangers, faut-il le préciser) défilent à la FAF, au point où je n’arrive plus à les compter. A chaque fois, on nous promet le meilleur. L’artiste. L’unique en son genre. Enfin, celui qui va monter une équipe nationale digne de représenter l’Algérie, sans esprit d’Oum Dourman, juste parce que nos joueurs sauront jouer au ballon. Un peu comme les aînés ! Puis, sans crier gare, l’équipe pratique le «pousse ballon» ; un peu comme une équipe de quartier. Une équipe qui oublie l’art du football. La FAF change de patron ; tout le monde y a cru dans ce changement. On dégotte un entraîneur : un Espagnol, me semble-t-il. Ça joue bien au foot en Espagne. Le Barça. Le Réal. Les Algériens en raffolent. Les deux parties signent un contrat. Un contrat est la loi des parties. Rien à dire, sur ce sujet. Sauf que certains semblent l’oublier. Le deal, c’est de qualifier l’Algérie dans le dernier carré de la Coupe d’Afrique. Mensuellement, l’entraîneur touche soixante mille euros. Une somme rondelette ! On commence le boulot. On affronte des équipes pour le Mondial. On se fait ratatiner. Scandale national. Dignité bafouée. Erfaê rassek, ya ‘bba ! La FAF décide de maintenir l’entraîneur, juste pour deux matchs. En cas de défaite, il plie bagage. Mais contre une indemnisation de vingt milliards ! Le ministre des Sports appuie sur le champignon ; il crie à la faillite ; il faut vous en débarrasser ; puis, qu’est-ce que c’est cette idée saugrenue de liquider des joueurs cadres ? Il faut les réintégrer, fissa. M’liha la cacophonie, ya kho ! En attendant, l’Algérien se délecte des matchs retransmis par parabole. Et par piratage ! Les matchs de là-bas. D’Espagne. D’Allemagne. De France. Enfin, de partout ! Quant à moi, je suis curieux de savoir qui aura le dernier mot : la FAF, le ministre des Sports ou l’entraîneur ?
La Sonelgaz est un curieux organisme. Enfin, je trouve. Qu’un Algérien souhaite un branchement, c’est simple ; une fois la demande introduite, le service commercial vous facture ; vous payez ; puis, il faut attendre : une attente qui ressemble à une éternité. Pas quelques jours. Non, quelques mois. Un bon paquet de mois. En attendant, le citoyen a honoré la facture, en bonne et due forme. Si l’on est pressé d’obtenir la précieuse lumière, ou le précieux gaz, c’est simple : il faut aller activer la bonne volonté de la Sonelgaz. Pas une seule fois. Non, toutes les fois que vous avez envie de crier à l’injustice. A la bureaucratie. Au laisser-aller. Et à la cacophonie. Voilà que j’apprends que cet organisme est en faillite. Oui, le premier responsable de Sonelgaz qui le dit. Oui, lui-même ! Ai-je bien entendu ? On a parlé de faillite. La Sonelgaz ne sonnera plus, alors ? L’une des dernières sonneries nationales va finir de retentir. Ouf, vivement la concurrence ! Le monopole d’un temps révolu, d’un mode de pensée économique qui n’a plus lieu d’être, un réceptacle à toutes les turpitudes de gestion. Attendez, la cacophonie ne s’arrête pas là. Non ! Le ministre, tutelle de cette société, prétend, lui, le contraire ; la Sonelgaz n’est pas en faillite ; autrement dit, elle serait florissante ; même si par ailleurs les mauvais payeurs sont légion ; les institutions publiques, en premier lieu. En attendant, je suis curieux de savoir : qui a raison dans cette affaire, le chef de la Sonelgaz ou le chef du chef de la Sonelgaz ?
Je vous demande pardon de remettre une couche à propos du financement non conventionnel. Enfin, de la fameuse planche à billets ! Notre Premier ministre a démenti tout le monde, experts, économistes, opposition… Tout le monde, vous dis-je ! Sûr de son fait, il nous donne rendez-vous à la fin de cette année. Comme dans cette cacophonie nationale, on prend les mêmes et on recommence (sauf pour l’équipe nationale), je ne suis pas convaincu par l’argumentaire de notre Premier ministre. Qu’il rassure le peuple, je veux bien ; mais qu’il bricole le «rassurage», là, je ne suis pas tellement sûr de vouloir le suivre dans son raisonnement. Quand je vois les prix des fruits et légumes, je voudrais dire à notre Premier ministre qu’il faudra penser à soutenir les prix de la tomate, de la courgette, de la patate, de la pomme… Pas seulement la semoule, le sucre, le pain ! C’est aller au front que de se rendre au marché ! C’est une agression contre le porte-monnaie du citoyen. Aussi, la liste des indigents va augmenter d’une manière exponentielle. Ah, pire encore : l’euro a dépassé le seuil des «deux cents» ! Cette devise se vend, au vu et au su de tous, autorités comprises, sur les trottoirs, comme une vulgaire marchandise. Ce n’est pas avec la centaine d’euros que le touriste algérien goûtera au plaisir des charmes de la Tunisie ou de la Turquie. C’est en entretenant ce marché parallèle que l’Algérien ira s’oxygéner à un prix indécent. Oui, c’est de l’indécence que d’arriver à ce niveau de déliquescence ! On nous a déconseillé de manger du yaourt, j’espère qu’on nous déconseillera d’acheter des euros à ce tarif. Et que les banques feront leur boulot !
Deux familles se bagarrent à Aïn Kercha (in Liberté du 25 septembre). Ça peut arriver, n’est-ce pas ? Notre société est violente. C’est un atavisme. Attendez, ce n’est pas aussi simple que cela. Il a fallu l’implication des forces anti-émeutes pour arrêter la casse. Il a fallu des balles en caoutchouc pour arrêter la propagation de la bagarre. Les belligérants étaient au nombre d’une centaine. De l’ordre d’une compagnie ! Les armes ? Il y en avait de tout. Fusils de chasse. Armes blanches. Cette bagarre a entraîné la fermeture de la route. Ça devait chauffer. Ça devait frapper de partout. Il y avait une centaine de personnes. Rien que ça ! Puis le mot est lâché : tribu. Autrement dit, l’arch ! La mentalité tribale est aussi un atavisme. Ça n’explique pas tout, je pense. Il doit y avoir d’autres tenants et d’autres aboutissants. Un rien déclenche la fureur d’un Algérien. A croire que de la nitroglycérine coule dans nos veines. Et le vendredi, nous nous retrouvons à la mosquée du coin pour écouter l’imam qui, à mon sens, prêche dans le désert. Car une fois le seuil de la mosquée franchi, «les atavismes se régénèrent».
Y. M.IN LSA

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