PAR
PHILIPPE-JOSEPH SALAZAR
Blabla. En « illusionniste expert », le
nouveau président a usé d’une rhétorique du management
pour séduire l’opinion, explique le philosophe.
On a reproché à Macron son « flou ». Il dit : « Je veux vous protéger », « je suis porteur d’un projet, « je vous aime », « ce choix de l’avenir ». Rien de flou dans ces chevilles
rhétoriques, mais au contraire une véritable pensée en action, un mantra :
après tout, mantra, c’est mens, l’esprit, et un mantra, justement, ça aide à
penser. Son programme est un management rhétorique du flou. Articulez le puzzle
des slogans et voici le raisonnement subreptice
au cœur de la stratégie : « Je suis porteur d’un choix d’avenir parce que je
vous aime et que je veux vous protéger. » Cet argument n’est jamais donné de
but en blanc : il y perdrait de son impact, car un mantra fonctionne comme un
dispositif subliminaire de capture. Articulée, son imbécillité est évidente.
Voilà pourquoi en meeting, sur le Web, il n’apparaît jamais. Mais le risque de
sa mise au jour est géré par la formule : « Présider, c’est protéger », protéger en fait contre ce qui met
en péril le montage. Cet illusionnisme expert est donc ciblé sur la faiblesse d’une
grande partie de l’électorat, qui est incapable de saisir cette stratégie de
gestion des arguments et des mots. Et qui, de fait, est confortable Avec son effet social, puisque Macron
se sert de cet électorat comme d’une chambre d’échos à qui il Renvoie le langage que celui-ci est
habitué à entendre dans les jeux télévisés, dans les commentaires Sportifs, dans les publicités bios.
Le Macronmantra a ses racines
culturelles dans le management. L’appel constant aux « amis », la fébrilité de proximité des « marcheurs », la joie de se retrouver sans s’être
jamais connus et l’encadrement du jeu par les décideurs, les « merci à vous » ponctuant ses discours, tout cela
appartient à des techniques de coaching où il est conseillé au leader de ne pas
se projeter en avant, mais de prétendre se placer en arrière de son groupe, à
la Obama, et de « lead
from behind », conduire en impulsant.
L’ambition narcissique se dissimule dans une sorte de dialogue social solidaire
et généralisé.
C’est un stratagème qui
vise à susciter des liens transversaux entre subalternes, en prise sur les
modes de comportement du monde numérique, et donc à fomenter l’illusion d’une
responsabilité collective, comme si la décision, « au final », n’est pas en
fait l’aboutissement d’une manipulation. Voilà pourquoi le maître mot de Macron
et de ses «
surrogates », comme
on dit aux Etats-Unis, ses doublures médiatiques, est « porter » et non pas mener : « en votre nom je
porterai notre projet », mantra illusionniste.
L’apparente bienveillance
des décisions prises en commun, qui est le ressort même de l’émotivité quasi religieuse,
dans leur adulation, des Marcheurs, se phrase dans une rhétorique managériale
de la «compétence
» («
tableau de compétences » à l’école, « économie de la compétence ») et dissimule
une conception gestionnaire des relations humaines.
La Macronlangue est l’ascension
au premier plan politique de la rhétorique du management, sous couvert d’une
ferveur innovante, solidaire, et dans un style propre à la culture de proximité
des réseaux sociaux.
Le véritable populiste
est donc Macron – un populisme numérique qui table sur les modes expressifs des
réseaux pour en faire un langage général d’argumentation politique que dominent
l’émotion instantanée (la parole souvent excitée de Macron est des émoticônes
sonores), des slogans brefs, des mots à contre-emploi (« révolution », « je suis un
guerrier »).
Peu importe, car ce qui
compte est l’instantané populiste, qui fait vibrer, pendant que se déroule en sous-main
«
the long game » (le
long jeu) de la stratégie.
La division de la France
n’est pas entre villes et campagne, chacune avec son langage du peuple, mais
entre le populisme à l’ancienne et l’e-populisme de Macron, qui génère chez ses
supporteurs des certitudes absolues – une forme d’imbécillité.
Etrangement, les
adversaires de Macron n’ont pas compris que l’énarque, recalé à l’ENS, est un
élève des méthodes de stratégie de management.
Philippe- Joseph Salazar
Philosophe et rhétoricien.
Dernier ouvrage paru : « Blabla République»
(Lemieux éditeur).
IN LE POINT DU 11 MAI 2017Philosophe et rhétoricien.
Dernier ouvrage paru : « Blabla République»
(Lemieux éditeur).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Qu’en pensez vous?