L’Autorité bancaire européenne a éprouvé la solidité financière de 51
établissements du Vieux Continent
européens attendaient le verdict avec nervosité. Il est tombé
vendredi 29 juillet, à 22 heures, après la fermeture des marchés américains.
Sans surprise, les banques italiennes sont parmi celles qui ont obtenu de mauvais
résultats aux nouveaux tests de résistance (ou « stress tests ») menés par
l’Autorité bancaire européenne (ABE). En particulier Monte dei Paschi di Siena (MPS), qui enregistre, de loin, la plus mauvaise
performance.
Juste avant la publication des résultats des stress tests, MPS a
annoncé la mise en place d’un plan de sauvetage qui passe par la cession d’une partie
de ses créances douteuses. Dans le détail, l’ABE a dévoilé des batteries de
chiffres qui concernent 51 banques européennes, représentant 70 % des actifs
bancaires du Vieux Continent. En parallèle, la Banque centrale
européenne (BCE) a soumis aux tests 56 autres établissements de la zone euro – mais, dans ce cas,
les résultats n’ont pas été rendus publics. En théorie, le principe de ces
examens est simple : vérifier l’état de santé des banques et établir si elles seraient
capables d’absorber les chocs dans le cas d’un scénario catastrophe qui s’étalerait sur trois ans. Ici, le scénario inclut une
récession de 1,2 % en 2016 et de 1,3 % en 2017 dans l’Union européenne, une explosion du chômage ou
l’effondrement des prix de l’immobilier.
L’ABE mesure, entre autres, comment évolue le principal
ratio de solvabilité (le « CET1 ») pour
chaque établissement – cet indicateur permet de mesurer la solidité des banques,
car il établit un rapport entre leurs fonds propres et le montant des crédits
distribués, pondérés par les risques associés.
Dans le cas de MPS, ce ratio fondrait de plus de 14,5 points
pour tomber à – 2,44 % dans le scénario défavorable. C’est bien au-dessous de
la barre symbolique des 5,5 % fixée lors des précédents stress tests, en 2014.
A 4,31 %, l’irlandaise Allied Irish Banks ne passe pas non plus le seuil. S’ils
sont au-dessus, une dizaine d’autres établissements affichent, malgré tout, des
fragilités. C’est en particulier le cas de l’irlandaise Bank of Ireland,
l’autrichienne Raiffeisen, l’espagnole Banco Popular, l’italienne UniCredit ou
encore l’allemande Deutsche Bank, qui affichent un ratio inférieur à 8 % dans le
scénario de crise, contre 9,2 % en moyenne
pour l’ensemble des banques. A l’inverse, les bonnes élèves suédoises sont
toutes au-dessus des 14 %. « Si nous reconnaissons l’importance des levées de
fonds propres réalisées jusqu’à présent, ce n’est pas un bulletin de bonne
santé, indique le président de l’ABE, Andrea Enria, dans un communiqué. Il reste
des efforts à faire. »
De son côté, le ministre des finances français, Michel
Sapin, s’est félicité des résultats des banques hexagonales, « aujourd’hui parmi
les plus solides », selon lui.
Les groupes BPCE, Crédit agricole, Crédit mutuel, La Banque
postale, BNP Paribas et, dans une moindre mesure, la Société générale affichent
des indicateurs corrects. Les tests de résistance bancaire ont pris une
importance majeure depuis la crise. Les Etats-Unis les ont renforcés dès 2008,
avec un objectif : « faire toute la lumière sur l’état du secteur, avant
d’entamer le grand ménage », rappelle Grégory Claeys, du think tank bruxellois
Bruegel. Mais aussi éviter le scénario japonais, où, faute d’avoir dévoilé
l’état réel de leur bilan après la crise des années 1990, les banques se sont
transformées en « zombies » incapables de financer correctement l’économie. «
En Europe, où les ménages et surtout les entreprises empruntent pour l’essentiel auprès des banques, un tel
scénario serait dramatique », souligne Daniel Gérino, président de la société
de gestion Carlton Sélection. Mais quand l’ABE s’est, à son tour, lancée dans
l’exercice, en 2010 et en 2011, elle a échoué à détecter les failles des
établissements irlandais et grecs, pourtant au bord de l’explosion… Pour
renforcer ce dispositif et rendre les stress tests plus crédibles, les
dirigeants européens ont confié la supervision des principales banques de la
zone euro à la BCE (130 en tout), en complément
à l’action de l’ABE.
Pas infaillibles Avant d’entamer cette mission, la BCE a de
nouveau « testé » les banques,
en octobre 2014. Vingt-cinq avaient alors échoué. Treize avaient
dû lever du capital frais
dans la foulée. « Cet exercice a contribué à rétablir la
confiance dans le secteur, et la BCE est devenue un superviseur crédible »,
juge Bruno Colmant, économiste en chef chez Degroof Petercam.
Mais les stress tests ne sont pas infaillibles pour autant.
D’abord, parce que leurs résultats dépendent du scénario catastrophe établi. Or
celui-ci peut difficilement prendre en compte tous les risques possibles,
notamment politiques. De plus, les tests publiés vendredi concernent 51 banques seulement, contre 130 lors de ceux de 2014.
« Aucun établissement portugais ou grec n’y est présent, alors que certains
peuvent être une source de risque dans leur pays », regrette Jézabel
Couppey-Soubeyran, spécialiste du secteur bancaire à Paris-I-Panthéon-Sorbonne. Enfin, contrairement à 2014,
les tests ne distinguent pas de gagnants ou de perdants et n’exigent pas de
recapitalisation directe des banques dont la solvabilité est trop menacée dans
le scénario noir. Les superviseurs décideront plus tard quelles recommandations faire à chaque banque en la matière.
Reste que les données publiées le 29 juillet confirment que, s’il va mieux, le
secteur bancaire européen n’a pas encore tourné la page de la crise, en
particulier en Italie. « Très fragmentés, les établissements de la Péninsule
ploient sous 360 milliards d’euros de créances douteuses », rappelle Nicolas
Véron, spécialiste de ces questions au Peterson Institute, à
Washington. « Contrairement à l’Irlande ou à l’Espagne, qui ont nettoyé le
bilan de leurs banques après la crise, l’Italie a trop attendu. »
marie charrel, avec
jade grandin de l’eprevier
LE MONDE 31/07/2016
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