APS - ALGÉRIE

dimanche 10 avril 2016

MALEK BENNABI : La notion Mohammadienne



Nous voyons cependant le Prophète annuler lui-même ce « hadith » devant l’expérience d’un simple maraîcher : posant ainsi la primauté de la raison et de l’expérience dans la conduite de l’activité terrestre.

Passant un jour devant un maraîcher des environs de Médine, Mohammed lui conseilla de traiter ses palmiers d’une certaine manière. Mais il revit plus tard le même maraîcher, alors que celui-ci avait abandonné la méthode conseillée parce qu’elle ne donnait pas le meilleur résultat. Mohammed l’admit parfaitement et conseilla même, sur le champ, que l’expérience individuelle devait primer le conseil d’un homme, fut-il le Prophète (1).

Or juridiquement, le conseil que Mohammed avait donné au maraîcher est un « hadith » et comme tel, il représente une valeur presque absolue aux yeux des exégètes et des docteurs du droit. Nous voyons cependant le Prophète annuler lui-même ce « hadith » devant l’expérience d’un simple maraîcher : posant ainsi la primauté de la raison et de l’expérience dans la conduite de l’activité terrestre.

Cependant, il n’y a pas un seul cas où Mohammed ait pareillement sacrifié un précepte coranique à l’expérience d’un individu, ni même à sa propre expérience. Au contraire, certains incidents de son histoire montrent son intransigeance absolue sur ce point. A aucun prix, il n’a jamais sacrifié un précepte coranique : on le voit notamment dans le cas du pèlerinage de l’an VII qu’il décommanda brusquement après l’avoir minutieusement préparé. II y renonça simplement parce que la révélation en avait décidé autrement, quoique cela faillît créer du désordre dans le camp musulman.

Nous sommes donc parfaitement en présence de deux notions qui se présentent avec des valeurs différentes aux yeux du Prophète : la notion personnelle qui relève de son savoir humain, et la notion coranique qui lui est révélée. II est naturel de chercher à faire ici une démarcation nette entre ces deux notions dans la conscience de Mohammed afin de mieux éclairer le phénomène coranique.

Cette démarcation se manifeste également chez les autres prophètes comme nous avons pu nous en rendre compte dans le cas de Jérémie. Quand celui-ci voit un jour le « nabi Hanania » prendre exactement le contre-pied de sa prédication, en rassurant les Jérusalémites au sujet des intentions de Dieu à leur égard ; il était advenu que Hanania ayant rencontré Jérémie, lui cria, en brisant le joug qu’il portait : Voici ce que dit Yahvé : « Ainsi je briserai le joug du roi de Babylone ».

C’était en somme le démenti le plus formel à toute la prédication de Jérémie. Mais ce dernier répondit spontanément : « Amen. Puisse Yahvé faire comme tu le dis ».

M. A. LODS, qui cite ce passage du Livre de Jérémie, interprète l’attitude singulière de celui-ci en ces termes : « II espérait, pense-t-il, que Dieu était revenu sur son arrêt » (2).

C’est là sans doute la seule interprétation raisonnable pour lever la contradiction qui pourrait apparaître, sans cela, dans l’attitude du Prophète. Celui-ci, en somme, avait prêché ses sinistres avertissements au nom de Yahvé, et c’est également au nom de Yahvé invoqué, dans

l’oracle de Hanania, qu’il a cru devoir garder le silence, un instant. 
à suivre...
oumma.com 

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