APS - ALGÉRIE

dimanche 3 avril 2016

Les besoins de financement et l’endettement extérieur

L’Algérie a besoin de financements à mobiliser à la fois sur le plan interne qu’externe.
Les ressources internes étant toujours insuffisantes, le recours au financement extérieur est une nécessité. Le bannir ou le présenter comme un épouvantail est un non-sens. Le recours au financement extérieur est une nécessité parce que les besoins du pays en matière de financement sont considérables.

La plupart des domaines requièrent des actions de développement, d’autant plus que la population s’accroît à un rythme relativement élevé. Nous sommes déjà 40 millions et nous allons bientôt être 50 millions. D’importants investissements devraient être engagés dans les infrastructures économiques et sociales, et dans les secteurs productifs pour répondre aux besoins croissants de la population actuelle et de celle qui arrive chaque année. Des réalisations sont à faire en matière de santé, d’éducation, de logement, de transport, de production d’équipements, de nourriture, etc. Ces investissements ne pourront être effectués qu’en mobilisant des ressources importantes localement et à l’extérieur. Le financement extérieur n’est ni mauvais ni dangereux, c’est sa mauvaise utilisation qui le rend dangereux. Les fonds provenant des crédits extérieurs, s’ils sont utilisés d’une manière judicieuse à financer des investissements utiles, contribueront à améliorer les conditions de vie de la population et à créer des emplois et des richesses. Celles-ci permettront de dégager suffisamment de ressources, lesquelles pourront servir, non seulement à rembourser la dette extérieure, mais également à renforcer l’économie nationale.
Par contre, si le financement extérieur est affecté à l’importation de produits courants et à la couverture du déficit de la balance des paiements et de celui du budget, sa consommation ne laissera aucun impact positif sur l’économie. Elle constituera plutôt une charge qui aggravera les difficultés du pays et le mettra à la merci des créanciers, du FMI et de la Banque mondiale.
L’endettement extérieur est à considérer comme un instrument permettant de procurer des ressources complémentaires. L’important, encore une fois, est d’assurer la bonne utilisation de ces ressources pour qu’elles servent à réaliser effectivement plus d’investissements qui sont susceptibles de faire progresser l’économie nationale. Le recours à l’endettement extérieur doit se faire, d’autre part, d’une manière contrôlée et dans des limites et à des conditions à fixer dans un cadre réglementaire de façon à éviter les abus et les déviations.
Beaucoup de pays ont réussi leur développement grâce aux crédits et notamment les crédits extérieurs. Bien qu’ils disposent de ressources importantes maintenant, ils continuent à y faire appel pour couvrir différents besoins.
A l’heure actuelle, l’Algérie est confrontée à une crise provoquée par une chute drastique du prix du pétrole, crise qui est susceptible de durer. Les recettes provenant de l’exportation des hydrocarbures ont atteint 71,66 milliards de dollars américains en 2011. Elles sont tombées à 33 milliards de dollars environ en 2015 et elles risquent d’être moindres en 2016. Ce sont ces recettes qui procurent l’essentiel des devises qui sont nécessaires pour effectuer les importations de biens et de services sans lesquelles il est impossible de répondre aux besoins de consommation et de production du pays. Ce sont également ces recettes qui alimentent dans la proportion d’environ 2/3 le budget de l’Etat dont les dépenses ont été le moteur de la croissance durant toutes ces dernières années. La forte baisse de ces recettes risque d’entraîner une dépression de l’économie qui se traduirait par l’arrêt ou le ralentissement de plusieurs activités, la réduction de la production, l’augmentation du chômage, l’extension de la pauvreté, la multiplication des difficultés sociales, etc.
Pour faire face à une telle situation qui, si elle perdure, pourrait être à l’origine de troubles graves, il est urgent d’entreprendre la préparation d’un programme d’actions composé de deux volets. L’un des deux comprend une liste de projets d’investissement à réaliser à la fois dans le domaine des infrastructures économiques et sociales et dans tous les secteurs productifs. L’autre englobe l’ensemble des mesures à prendre pour mettre de l’ordre dans la gestion des affaires économiques et sociales et remédier aux dysfonctionnements multiples dans tous les domaines. Il s’agit d’actions à engager dans un climat assaini, en vue de redresser et de relancer effectivement les activités économiques de façon à combler les déficits existants, à diversifier la production et à mettre fin à la dépendance vis-à-vis des hydrocarbures et des importations ou du moins à les limiter.
Ces actions sont également indispensables pour éviter au pays de connaître une situation qui risque d’être pire que celle qu’il à vécue au début des années 1990, laquelle à dégagé la voie à des pressions étrangères et à l’intervention du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale.

1) Premier volet : la promotion
des investissements
Les projets d’investissement à engager doivent être sélectionnés avec soin et faire l’objet d’études minutieuses qui couvrent les aspects technique, financier, économique, environnemental, etc., et qui attestent leur fiabilité et leur viabilité. Leur exécution doit être confiée à des équipes composées d’éléments qualifiés, motivés et capables de la mener à bien. Si ces conditions sont réunies, les projets d’investissement qu’ils soient productifs ou des équipements publics, trouveront plus facilement les financements locaux et extérieurs nécessaires à leur réalisation.
Un emprunt obligataire qui aura une affectation précise, par exemple la construction d’hôpitaux à implanter dans différentes régions du pays attirera probablement davantage de souscripteurs. Ces mêmes hôpitaux, dans la mesure où leurs dossiers ont été préparés comme sus-indiqué, pourront être éligibles aux crédits accordés par les institutions financières multilatérales dont notre pays est membre. Il s’agit de la Banque africaine de développement, de la Banque islamique de développement, du Fonds arabe pour le développement économique et social, etc. Ces hôpitaux peuvent être également éligibles aux crédits accordés par les fonds et les banques de développement des pays du Golfe. D’une manière générale, il est préférable, en ce qui concerne les projets d’infrastructures économiques et sociales, de recourir aux financements de ces deux catégories d’institutions financières. Leur financement par des crédits bilatéraux peut être également retenu dans la mesure où leurs conditions sont acceptables.
Quant aux projets d’investissement productif, ils doivent impliquer les opérateurs du secteur public et ceux du secteur privé. Préparés conformément aux conditions sus-mentionnées, ils sont susceptibles d’intéresser des partenaires étrangers qui sont en mesure d’apporter des capitaux, de la technologie, du management et des débouchés. Ils peuvent également bénéficier du financement des institutions financières multilatérales ou des financements provenant des institutions des pays fournisseurs des équipements et des services destinés à la réalisation de ces projets. La Banque mondiale est plus exigeante en ce qui concerne l’octroi de ses crédits. Ce qui devrait être un stimulant pour mettre plus de rigueur dans la préparation des investissements à présenter à son financement.
Le financement et l’exécution des projets d’investissement peuvent relever de formules différentes des pratiques habituelles telles que la concession et le BOT (Build Operation and Transfert), c’est-à-dire Construction – Opération et Transfert. Ces formules ont cours ailleurs mais n’ont pas été expérimentées dans notre pays. Y recourir offre de nouvelles possibilités. L’implémentation des projets d’investissement retenus se fera en principe en tenant compte de l’aménagement du territoire.
A ce titre, la localisation de la plupart des projets se situera normalement dans les Hauts-Plateaux. Il est à noter toutefois que l’entrée en production des nouveaux investissements demande du temps, lequel, bien qu’il puisse être raccourci si ceux qui ont la charge des projets se mobilisent et s’attachent à être diligents, restera long.
Pour stimuler et accroître les activités plus rapidement, il sera demandé aux entreprises existantes d’aménager leurs installations et d’acquérir de nouveaux équipements en vue d’augmenter le taux d’intégration de leur production pour le porter à 60% au minimum et de diversifier leurs produits.
Dans le secteur agricole, l’action urgente à mener concerne la production localement des semences qui sont à l’heure actuelle importées. C’est là une opération qui a été négligée alors qu’elle est essentielle pour obtenir l’indépendance et l’autosuffisance dans le domaine vital de l’alimentation. L’association des universités, des centres de recherche, ainsi que le partenariat étranger contribueraient utilement à son avancement. Des initiatives de cette nature produiraient leurs fruits plus rapidement. La mise en œuvre des actions proposées implique l’intervention et l’engagement des responsables des ministères concernés. Leur rôle est important pour un aboutissement satisfaisant de ces actions.
C’est à eux, en effet, qu’il appartient, en coordination avec les entreprises, de superviser l’identification des investissements à entreprendre, d’arrêter les incitations à leur consentir, d’assurer le suivi de leur exécution. En menant à bien la réalisation des projets, des changements bénéfiques dans la constitution et le fonctionnement de l’économie nationale en résulteront.
2) Second volet : mettre de l’ordre
dans les différents domaines
Sans une amélioration sensible de l’environnement dans lequel s’effectuent habituellement les activités, les actions à mener ne pourront jamais donner les résultats escomptés. Il s’agit de supprimer les obstacles qui entravent les initiatives et empêchent toute progression en simplifiant les procédures et en introduisant des règles qui instaurent la transparence et le sens de la responsabilité et qui mettent en place un système de sanctions contre les abus, les dérives, les fraudes, etc. Cela suppose l’assainissement préalable des services administratifs et leur dotation en éléments compétents et intègres, d’une part, et, d’autre part, l’existence d’une volonté de mettre fin aux anomalies, aux déviations, aux négligences qui ont été tolérées jusqu’à présent. Alors qu’elles portent atteinte à la crédibilité de l’Etat et à son autorité.
En matière d’investissement, une des difficultés que rencontrent les promoteurs est celle de trouver un terrain d’assiette pour l’implantation de leurs projets. Des zones industrielles ont été créées dans le passé à travers tout le territoire national. D’autres ont été aménagées récemment.
En fait, la rareté des terrains serait due en partie à la mauvaise distribution des lots, lesquels sont accordés parfois à des personnes qui les gardent des années en l’état. Il arrive aussi que leur utilisation soit détournée et ils deviennent alors des parkings ou des dépôts pour stocker des marchandises, etc. En principe, la gestion de ces zones industrielles obéit à des règles, lesquelles précisent, entre autres, que l’attribution d’un lot de terrain n’intervient que lorsque le projet est mûr et prêt à être exécuté. Le bénéficiaire dispose normalement de deux ans au maximum, par conséquent, pour mettre à exécution son projet. Si au terme de cette période, rien n’est fait ou l’utilisation de terrain n’est pas conforme à sa destination, l’attribution sera annulée automatiquement. L’affectation du terrain reçu à d’autres activités donnerait lieu à des sanctions sévères qui seraient appliquées sans aucune hésitation.
Une autre difficulté à laquelle se heurtent également les investisseurs est l’absence de réponse de la part des autorités concernées aux demandes qui leur sont soumises ou la réception de la réponse après des délais trop lents. L’inexistence d’un texte réglementaire qui fixe à l’administration un délai déterminé, trois ou six mois par exemple, pour donner une réponse motivée à toute demande d’investissement qu’elle reçoit, ouvre la porte à l’incurie, à l’arbitraire, au népotisme et même à la corruption. Il s’agit d’une règle, qui est respectée là où on opte pour la transparence et l’efficacité mais qui n’est pas retenue chez nous. Les dispositions réglementaires sus-indiquées qui devraient être appliquées dans le cas d’attribution de terrains dans les zones industrielles méritent d’être étendues à l’attribution des terres agricoles. Il est déplorable de voir dans toutes les régions des étendues de terres agricoles complètement à l’abandon ou qui commencent à être occupées par des constructions précaires sans qu’il y ait de réaction de la part des responsables, notamment locaux. La récupération des terres laissées en friche et leur distribution à ceux qui sont appelés à la travailler effectivement est le premier pas dans la voie du développement agricole.
L’application de plus de cohérence, de rationalité dans la gestion des affaires économiques et sociales permettra la collecte davantage de fonds qui seront affectés à la couverture des financements. En plus des financements extérieurs à mobiliser pour la réalisation de projets d’investissement prévus dans les secteurs industriel, agricole... il est nécessaire en effet de disposer de ressources internes pour assurer les dépenses locales. Ces ressources proviendraient du crédit bancaire, des emprunts sur le marché financier, de l’émission d’actions en Bourse dans le cadre d’une cession d’une partie du capital ou de son augmentation. Pour un meilleur équilibre du financement des projets d’investissement il est recommandé qu’à côté de l’endettement sous toutes ces formes, il y ait une part d’autofinancement. Pour se procurer la part en question, l’Etat dispose en principe de plusieurs sources, encore faut-il qu’il se décide à les exploiter. Dans le domaine fiscal, il peut élargir l’assiette en imposant les activités informelles après les avoir localisées et contrôlées en mettant fin aussi aux pratiques qui consistent à minimiser le chiffre d’affaires et les bénéfices comme il peut assurer un meilleur recouvrement de toutes les catégories d’impôts. Une autre possibilité s’offre à lui qui consiste à réclamer le remboursement des avances faites pour financer des réalisations dans différents secteurs, celui de l’habitat par exemple. La cession d’une proportion du capital des entreprises publiques est une autre source pour avoir des fonds.
Quant aux entreprisses, qu’elles soient publiques ou privées, elles ne peuvent pratiquer l’autofinancement que dans la mesure où elles réalisent des bénéficies. Ce qui implique la compression des charges et l’augmentation des revenus en vendant leurs produits à des prix qui englobent tous les frais et une marge bénéficiaire. D’où l’importance de la vérité des prix.

3) Les risques d’aggravation de la crise
La crise financière et économique a commencé à partir du second trimestre 2014, c'est-à-dire depuis bientôt deux ans, mais aucune des mesures préconisées plus haut n’a été prise. Il n’y a pas eu l’adoption d’un programme d’actions comportant un ensemble diversifié de projets d’investissement et dispositions destinées à améliorer le climat des affaires. Il n’y a pas eu non plus des mesures arrêtées en vue d’accroître substantiellement les ressources financières de l’Etat et des entreprises publiques. Il a fallu attendre que les avoirs du Fonds de régulation des recettes (FRR) soient sur le point de s’épuiser pour qu’on annonce le lancement prochain d’un emprunt obligataire. Le taux de rémunération de cet emprunt est de 5%, supérieur par conséquent à ceux appliqués par les banques aux comptes à terme et aux bons de caisse. Mais il ne peut être comparé aux gains qu’obtiennent les détenteurs de capitaux en spéculant sur les prix des marchandises, en effectuant des importations. Il est loin aussi des profits qu’ils réalisent en intervenant sur le marché parallèle des devises et en investissant dans l’immobilier.
D’un autre côté, les circonstances dans lesquelles se déroulera cette opération ne semblent pas être très favorables. Les incertitudes relatives aux perspectives financières et économiques préoccupent. L’augmentation du taux de change au niveau du marché parallèle des devises à la suite des fortes demandes de ceux qui procèdent à des fuites de capitaux et de ceux qui préfèrent détenir des euros et des dollars est le signe d’une certaine méfiance à l’égard de la monnaie nationale et des institutions de l’Etat.
En outre, l’absence d’un réel marché financier pourrait constituer un obstacle supplémentaire. La création de ce marché avec la Bourse comme centre de ses activités a été pourtant préparé en 1995. Des dispositions ont été arrêtées à l’époque pour que le Trésor public y soit un opérateur actif. Le changement de gouvernement n’a pas permis la poursuite du travail entrepris. Ce qui fait que nous sommes toujours, vingt ans après, dans l’attente de la promotion d’un véritable marché financier.
Même si l’emprunt obligataire envisagé réussit, le montant collecté sera insuffisant pour répondre aux besoins de l’Etat en ressources financières.
En 2014, le déficit budgétaire a été de 1 261 milliards de dinars, soit 7,3% du PIB. Il a été financé en grande partie par un prélèvement de 1 155 milliards de dinars sur les avoirs du FRR qui ont été réduits à 4 408,5 milliards de dinars à fin 2014.
Le déficit budgétaire prévu pour 2015 est de 3 801 milliards de dinars. Il sera probablement moindre, puisque le prix moyen de baril de pétrole a été de 53 dollars, supérieur donc au prix de référence (37 dollars) et que les dépenses budgétaires effectives seront inférieures, comme toujours, aux crédits alloués qui ne seront pas par conséquent consommés en totalité.
Pour 2016, le déficit budgétaire prévu est de 3 237 milliards de dinars, il sera moindre pour les mêmes raisons sus-indiquées si le prix moyen du baril augmente et dépasse 37 dollars.
De toute façon, les déficits budgétaires pour 2015 et 2016 resteront élevés et épuiseront la totalité des ressources du FRR.
Il est à craindre dans ces conditions qu’en absence de mesures sérieuses pour réduire les dépenses publiques de fonctionnement et notamment celles affectées au système d’assistanat, pour maîtriser les dépenses d’équipement et pour augmenter les ressources budgétaires ordinaires, le Trésor public finira par recourir aux avances de la Banque centrale pour faire face à ses besoins et on reviendra alors aux errements du passé.
En ce qui concerne le recours au financement extérieur, les tergiversations peuvent continuer tant que le niveau des réserves de change est encore élevé. Les responsables peuvent même déclarer, comme ils le font, que le pays n’a pas besoin d’y faire appel. Pourtant, les investissements des entreprises publiques tels que ceux de Sonelgaz et Sonatrach, par exemple, ne peuvent être réalisés sans des crédits extérieurs. Attendre que les réserves de change, qui sont en train de diminuer du fait du déficit de la balance des paiements, soient sur le point de s’épuiser pour réagir rendra l’accès au financement extérieur plus difficile et plus onéreux.
Le refus de recourir maintenant à l’endettement extérieur signifie l’annulation, le gel ou le report des projets d’investissement qui étaient programmés et le renoncement à ceux qui pourraient être initiés. Une telle attitude n’est pas, bien sûr, favorable à la relance des activités économiques et risque, de ce fait, d’aggraver la crise actuelle sur tous les plans.

BADREDDINE NOUIOUA IN LSA 

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