Accélération des événements et fébrilité au sommet de l’état.
Réunion secrète à Zéralda, arrestation de Ali
Haddad, interdiction de quitter le territoire pour un certain nombre de
personnalités et d’hommes d’affaires, supposé déploiement des forces de
la Gendarmerie nationale à Alger…
Les événements s’accélèrent frénétiquement ces derniers
jours, notamment depuis les dernières sorties médiatiques d’Ahmed Gaïd
Salah, charriant leur lot d’informations contradictoires, de récits
fantasmatiques et de sensationnel au goût douteux. Nous sommes devant le
scénario-type des dictatures agonisantes et des ambiances de fin de
règne, avec la fébrilité qui les caractérise.
C’est le genre de micro-climats où prospèrent les rumeurs,
l’intox, et prolifèrent les fake news. Nous en avons eu un vif aperçu
samedi soir avec cette info balancée par la chaîne Echorouk TV,
annonçant un déploiement massif de la Gendarmerie nationale dans la
capitale. Cela a obligé des dizaines d’Algérois à sortir vérifier par
eux-mêmes, faisant parfois de longues rondes en voiture, jusqu’aux
abords du palais d’El Mouradia et les autres quartiers susceptibles
d’être bouclés par les forces de l’ordre. Beaucoup ont posté des images
de rues désertes assorties de commentaires acerbes.
D’autres ont répondu par l’ironie, l’arme redoutable des «antisystème». «Selon Echorouk de Ali Fodil, Alger est (en) état de siège»,
a posté le comédien et humoriste Idir Benaibouche, accompagnant son
message d’une photo d’Alger by night et la caricature d’un hélicoptère
survolant la ville, un hélico pas plus menaçant qu’un dessin d’enfant.
«Echorouk, même lorsqu’ils me donnent l’heure, je vérifie sur ma montre pour être bien sûr»,
se gausse Farid Kadache, l’une des plumes les plus acérées et les plus
drôles de la communauté Facebook. Sidali Kouidri Filali – dont la
moindre saillie fait mouche – écrit de son côté : «Hey les gars, qui
croient sérieusement Echorouk TV ? Je vous rappelle que c’est la chaîne
de Belahmar, du complot universel, des djnoune et du professeur Zaibet
!»
Pour sauver la face, Echorouk News a cru
bon de diffuser des images tard la nuit montrant des convois de
véhicules de la Gendarmerie nationale fendant une foule nocturne massée à
la place Audin. Mais rien n’y fait : pour beaucoup d’internautes,
l’info était à tout le moins exagérée et créait un climat de peur. Même
la très décriée Ennahar TV a consacré un sujet à «l’infox» de sa rivale.
«Sortie de milliers de citoyens dans
les rues de la capitale pour démentir l’information relative au
déploiement de la gendarmerie», indique la chaîne d’Anis Rahmani sur
sa page Facebook en postant un reportage télé réalisé dans la foulée.
Loin de soigner sa cote de popularité, Ennahar TV reste exécrée par un
large pan de l’opinion pour son jeu trouble et sa proximité coupable
avec la «îssaba», la bande à Saïd. Résumant la gémellité éditoriale des
deux chaînes concurrentes, El Manchar titre : «Ennahar et Echorouk
fusionnent dans une seule chaîne, Zigou TV».
Réunion secrète
La chaîne dirigée par Ali Fodil fait l’objet depuis
quelques jours de tirs groupés sur les réseaux sociaux, lui reprochant
notamment de semer la confusion et de verser dans la psychose et la
«désinformation», dans un contexte extrêmement délicat, marqué par une
guerre des clans féroce et de fortes velléités de manipulation. Le
pauvre Ali Fodil qui a été enlevé, selon ses dires, jeudi dernier, dans
des conditions rocambolesques en pleine autoroute avant d’être conduit à
la caserne Antar, à Hydra, a vite perdu l’élan de sympathie que son
interpellation musclée a suscité.
Et le positionnement de sa chaîne y est sans doute pour
beaucoup. Un des sujets les plus polémiques diffusés par Echorouk News
portait sur les dessous de la réunion secrète évoquée par Gaïd Salah
dans sa dernière annonce. Le chef d’état-major de l’ANP a affirmé ce
samedi que «certaines parties malintentionnées s’affairent à préparer
un plan visant à porter atteinte à la crédibilité de l’ANP et à
contourner les revendications légitimes du peuple».
C’est ce qu’a indiqué un communiqué du MDN qui nous apprend qu’«en
date du 30 mars 2019, une réunion a été tenue par des individus connus,
dont l’identité sera dévoilée en temps opportun, en vue de mener une
campagne médiatique virulente à travers les différents médias et sur les
réseaux sociaux contre l’ANP et faire accroire à l’opinion publique que
le peuple algérien rejette l’application de l’article 102 de la
Constitution».
Croyant détenir la vérité sur ces fameux cercles occultes,
Echorouk News nous explique qu’un conclave s’est tenu mercredi dernier
en présence de «responsables du renseignement français». D’un ton martial, l’auteur du sujet avance les noms de Saïd Bouteflika, Bachir Tartag et le général Toufik, ainsi que «certains partis politiques qui ont des liens avec l’étranger», qui auraient pris part à ce conclave. Les conjurés auraient abouti à une feuille de route «dont l’objectif est de faire des concessions à la France».
Ce plan secret prévoirait, toujours selon la même chaîne, les étapes
suivantes : dissolution des deux Chambres du Parlement, démission
immédiate du président Bouteflika et provocation d’un vide
constitutionnel.
Proposition aurait été faite à Liamine Zeroual, assure la
même source, de diriger la période de transition avec attribution d’un
poste-clé au général Toufik à titre de «conseiller sécuritaire». Cependant, c’est à l’ex-patron du DRS que reviendrait le «pouvoir réel», et ce, «en coordination avec la France». Pour parvenir à leurs fins, les auteurs de ce plan méphistophélique seraient prêts à tout : ils s’emploieraient notamment à «attiser les tensions régionales au centre et au sud du pays, et à pousser au chaos (…) sur le modèle du scénario libyen ou vénézuélien». A terme, le but recherché est «la création d’un gouvernement local et un autre reconnu à l’étranger».
Les ISTN, un nid d’«infox»
La chaîne télé ajoute qu’une autre réunion s’est tenue ce samedi 30 mars «entre le général Toufik et l’ancien président Liamine Zeroual».
Son objectif aurait été d’étudier la mise en application du plan
machiavélique présumé. Echorouk News a pris soin de préciser que Zeroual
aurait finalement rejeté ce stratagème et serait «rentré à Batna».
D’après la chaîne, ce seraient donc ces derniers
développements qui auraient poussé Gaïd Salah à convoquer cette
importante réunion à laquelle ont pris part les «commandants de forces, le commandant de la 1re Région militaire et le secrétaire général du ministère de la Défense nationale», selon le communiqué du MDN.
Il tombe sous le sens que le sujet diffusé par Echorouk
News fait des révélations très graves qu’il est difficile
d’authentifier, et de l’avis de beaucoup de téléspectateurs, ce
traitement sert surtout à donner de Gaïd Salah l’image du «sauveur de la nation» et à transformer le «khawa-khawa»
scandé par les manifestants en blanc-seing au vice-ministre de la
Défense, surtout après que plusieurs voix, et pas des moindres, aient
exprimé leur rejet du plan de transition centré sur l’article 102.
Toujours au chapitre des fake news, il convient aussi de
faire attention aux infos concernant les interdictions de sortie du
territoire et autres arrestations de personnalités proches du sérail.
Selon le site Actu’fil, Cevital a apporté un démenti concernant une
prétendue interdiction qui aurait touché M. Rebrab.
«Issad Rebrab ne fait pas l’objet d’une interdiction de
sortie du territoire national contrairement à ce qui a été diffusé sur
les réseaux sociaux, a-t-on appris auprès de Cevital», indique le site d’information qui ajoute : «Issad Rebrab est en train d’embarquer pour l’Allemagne où il a des rendez-vous d’affaires en marge de la Foire d’Hanovre.» Mahieddine Tahkout a lui aussi démenti les allégations selon lesquelles il serait concerné par une ISTN. «Contacté, son frère Rachid dément : “Mon frère est dans son bureau. Nous travaillons normalement”», rapporte TSA.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Qu’en pensez vous?