APS - ALGÉRIE

lundi 28 mars 2016

Les causes structurelles du chômage et les remèdes

On peut qualifier le chômage de mal endémique le plus important de notre société. Aucun problème ne cause autant de dégâts aux familles algériennes que l’absence d’un emploi, pour la vaste majorité des citoyens. Les fléaux du chômage sont connus : mal-vivre, violences, drogues, pertes de production et gonflement des importations pour le pays, etc.

 

 

Les autres problèmes sociaux lui sont reliés : une personne bien payée a besoin de moins de soins, elle peut soumissionner pour un crédit et régler elle-même son problème de logement. Il faut donc le considérer comme l’ennemi numéro un du pays et orienter les politiques économiques pour l’éradiquer. Ce faisant, par ricochet, on règle beaucoup d’autres problèmes. Puisque partout dans le pays des milliers de jeunes s’élèvent contre ce fléau, il faut beaucoup plus croire la réalité plutôt que les chiffres produits.
Une analyse détaillée de l’économie nationale permet d’affirmer que tous les autres problèmes sont reliés directement ou indirectement au chômage. Le logement, la santé, la qualité de l’éducation, l’importation, la croissance économique et l’urbanisme sont d’une manière ou d’une autre, en partie, des dégâts collatéraux du chômage. Les transferts sociaux représentent une lourde charge pour le budget national. On peut les réduire considérablement lorsque l’on se rapproche du plein-emploi. Les chiffres officiels donnent un taux d’un peu plus de 10% et de plus de 24% pour les jeunes.
On ne peut pas approfondir la question des statistiques dans ce contexte. Elle nécessite de longs développements. De surcroît la plupart des emplois sont précaires (chantiers, CDD). L’avenir demeure incertain dans ce domaine d’autant plus que le taux de participation est faible et que de plus en plus de femmes vont convoiter des postes d’emploi.
Les facteurs responsables, par ordre de Priorité
Globalement, il y a trois causes principales liées à la problématique du chômage. On peut imaginer plusieurs autres facteurs, mais de moindre importance. Nous choisissons ici les raisons fondamentales, celles qui expliquent plus de 80% des cas. La première et la plus importante concerne la taille du secteur productif.
L’Algérie possède un tissu de PME/PMI de 700 000 unités. Nous avons environ 500 grandes entreprises. Un pays comme le nôtre devrait disposer d’au moins 1 500 000 PME/PMI et 5000 grandes entreprises pour pouvoir peser efficacement sur le marché de l’emploi. L’absence d’entreprises en nombre et en qualité induit des importations massives, une saignée de devises et un chômage important pour nos citoyens. On produit peu et on importe beaucoup.
Depuis plus de quarante ans, à tous les échelons de l’Etat, on ne jure que par l’économie hors hydrocarbures. Mais cette dernière peine à se dessiner. Plus on en parle et moins on en fait. L’investissement productif demeure insuffisant, mal canalisé et peu performant pour de nombreuses raisons. La plus importante demeure l’erreur d’avoir privilégié les infrastructures au détriment de l’économie productive. Il ne fallait pas faire des plans tout infrastructures et négliger la matière grise, la science et l’économie productive.
Le second facteur concerne l’adéquation formation/emploi. L’appareil de formation a subi de nombreuses transformations au cours de son évolution. Il a fait l’objet de mutations internes autonomes qui ont peu de liens avec l’appareil économique et le marché du travail. Ainsi, alors que l’on veut réindustrialiser le pays, les effectifs qui fréquentent les facultés hard (sciences) constituent moins de 15% du total. On a gonflé certaines disciplines des sciences humaines alors que le marché leur tourne le dos.
On forme en fonction des facultés et des professeurs disponibles au lieu de l’évolution des besoins du marché. Le phénomène se duplique à tous les niveaux : les métiers techniques manuels connaissent des évolutions insuffisantes. Ce n’est que récemment que la formation professionnelle a entrepris des réformes profondes en ce sens. En attendant, on importe de la main- d’œuvre qualifiée dans un pays où le taux de chômage des jeunes est alarmant. Le troisième facteur est culturel.
Les métiers manuels sont désertés par nos jeunes (agriculture, maçonnerie). Dès que quelqu’un accède à un niveau de formation de lycée, il répugne les métiers manuels et ne rêve que d’emplois administratifs. Les parents et la société tout entière valorisent les emplois des cols blancs alors que la demande se situe surtout au niveau des cols bleus. Et même les personnes sans formation aucune n’aspirent qu’à des postes de gardiennage parce que moins pénibles.
Après le diagnostic, quoi faire ?
Quand on s’attaque au seul problème de l’emploi, on commet la même erreur de conception des politiques économiques que celle commise par de nombreuses instances nationales. On prend un seul problème et on croit pouvoir le résoudre d’une manière isolée. Notre pays souffre de l’absence d’une stratégie globale, cohérente et ouverte. On ne peut régler ce problème isolément. Ceci dit, on est obligés de fournir des pistes de recommandations sans disposer de stratégie globale.
En quelque sorte, ce seraient les dispositions qu’il faille inclure dans un hypothétique plan stratégique. Le plus dur serait de faire travailler en harmonie différentes institutions pour le règlement du problème. Nous avons besoin de créer un million d’entreprises dans les dix prochaines années. Il nous faut créer des pépinières et des incubateurs par centaines. Nous aurons donc besoin de créer des institutions de formation de formateurs.
L’université serait interpellée, les banques également, de même que la question du foncier et tous les paramètres du climat des affaires. Il faut donc une réingénierie globale des mécanismes et des institutions liés à la création d’entreprises. Ce n’est pas une mince affaire. Ceci demeure possible mais avec beaucoup de remodelages profonds des politiques économiques et des structures des institutions actuelles.
Le second point a trait à la cohérence entre le système de formation et les besoins du marché. Comme tout autre aspect, il ne peut se régler qu’avec une démarche collective et consensuelle. Ici on pose le problème de l’Observatoire de l’évolution des emplois. Cet outil, comme tant d’autres, n’est pas opérationnel. Une économie a besoin de vision et d’adaptabilité.
Le second point aurait trait à la flexibilité du système de formation. Comment l’adapter le plus rapidement possible en termes de formation et de recyclage aux besoins du marché ? La démarche de certains pays asiatiques est à méditer : le patronat et les employeurs publics participent à l’élaboration des programmes de formation au niveau de la formation professionnelle et de l’enseignement supérieur. Le dernier point a trait au rejet du travail manuel.
Il requiert tout un effort de communication, un programme où on valorise l’effort physique par des mesures aussi bien concrètes que symboliques. Il s’agit de rehausser l’image des métiers manuels. Ceci est possible à moyen et long termes, mais dépend de plusieurs autres actions.
Un gouvernement doit avoir une stratégie de communication. Plusieurs de ses facettes seraient orientés pour rehausser le prestige des emplois manuels. Il nous faut un plan d’ensemble. Vaincre le chômage est possible mais avec une vision, une stratégie et des politiques économiques rénovées.
Abdelhak Lamiri in ELWATAN.COM

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