APS - ALGÉRIE

mardi 19 décembre 2017

Les interconnexions entre la sociolinguistique et la philosophie politique au Maghreb



Par Abderrezak Dourari(*)

«(…) La conception quasi mystique du ‘‘corps’’ souverain de la nation fait naître un peu partout le ‘‘problème des minorités’’ : ceux qui ne parlent pas la même langue ou ne pratiquent pas la même religion à l’intérieur d’une ‘‘nation’’ sont ainsi transformés en un ‘‘corps’’ étranger, une ‘‘minorité’’ regardée avec suspicion.»

(George Corm, La question religieuse au XXIe siècle, p49)


Du multilinguisme au multiculturalisme 

1) La représentation de tamazight : contexte général d’évolution
Partant d’une idée caricaturale de ce que la nation devrait être et parler, il n’était question pour les dirigeants du nationalisme algérien anticolonial ni de multilinguisme ni de multiculturalisme. Cette posture de fermeture politique fut reconduite durant l’indépendance du fait de la filiation politique des dirigeants actuels de l’Etat algérien. La langue tamazight, longtemps perçue comme recluse au domaine de la communication orale, en dépit de sa longue histoire scripturaire (V. Ould-Braham Ouahmi, s/d, 2017),(2) stigmatisée socialement et politiquement, est entrée dans le système éducatif algérien(3) depuis 1995, suite à un forcing de la société civile (depuis le mouvement du Printemps berbère d’avril 1980, la grève du cartable en 1994-95, puis le mouvement citoyen de Kabylie en 2001-2004). On verra que l’introduction brusque de l’enseignement de tamazight dans le système officiel par les pouvoirs publics algériens tenait plus du souci de l’ordre public que d’une évolution de la pensée et des attitudes politiques qui se seraient convaincues de la nécessité d’une refondation de l’organisation monolithique de la société et de l’Etat sur des bases pluralistes.
En parallèle, la revendication amazighe était conjointe dans les discours de ses promoteurs à l’algérianité, la démocratie, les libertés individuelles et collectives et à la citoyenneté (Aït-Larbi Arezki, (s/d), 2010).

Cette reconnaissance de l’amazighité par les pouvoirs publics ne peut donc relever que d’un volontarisme restreint, du fait qu’elle ne s’inscrivait dans aucun cadre perceptif global de la société et de son pluralisme linguistique et culturel, et s’est exemptée ipso facto de toute analyse des effets de cette reconnaissance impensée sur la société et sur la langue elle-même.
C’est ce qui explique la précipitation dans l’ouverture de classes-pilotes et la formation dans le tas des premiers enseignants de tamazight, en quelques jours, par une institution non spécialisée et elle-même nouveau-née ! C’était «une génération spontanée» d’enseignants où il suffisait de parler kabyle pour être déclaré apte à l’enseigner. Cette situation avait induit le problème de l’intégration de ces personnels à la Fonction publique et que le Haut-Commissariat à l’amazighité (HCA) en était devenu le porte-parole, notamment dans la commission mixte avec le MEN.
Il est utile de rappeler que tamazight est un nom singulier pour une réalité linguistique et sociolinguistique plurielle, sans hiérarchisation des variétés : c’est la polynomie de J.-B. Marcellesi. De plus, tamazight, dans ses différentes variétés, n’est pas seule dans l’espace langagier algérien et encore moins dominante. Son espace langagier était entrecoupé par des espaces couverts par l’arabe algérien (V. Dourari A., 2014 (c)) assez étendus pour constituer un espace d’influence linguistique réciproque(4).
Une vue rétrospective de ce processus d’intégration à l’école montre que la première gageure consistait à vouloir enseigner une langue de moindre diffusion et de fonctionnalité réduite, dans un système éducatif réfractaire, fortement arabisé et sous domination de l’idéologie arabiste, et dont les effectifs avoisinaient les
9 000 000 de personnes.
Ceci est assorti d’un contexte de tension sécuritaire (terrorisme des années 1990), politique (pression interne de l’islamisme et internationale doublées d’un antagonisme avec la demande démocratique et de modernité, en contexte de fragilisation des structures de l’Etat), identitaire (arabisme et islamisme exacerbés) et linguistique extrême (généralisation officielle de l’arabisation(5) vs résistances francophone et tamazightophone). Des observateurs avertis doutaient même de la survie de l’Etat algérien (Auteur collectif, 2003).(6)
La deuxième gageure était de vouloir enseigner une langue polynomique assez différenciée régionalement aux plans linguistique et culturel et, par-dessus tout, non normalisée.(7) Le manque devient cruel quand on se rappelle l’inexistence de didactique spécialisée, d’outils pédagogiques, et encore moins d’enseignants qualifiés. C’est un défi à la raison, ou alors un bien mauvais départ pour l’enseignement de cette langue et de son élaboration symbolique affublée de l’idée fixe, chez ses promoteurs, que c’était là le seul moyen de la sauver d’une mort certaine (Nouh Abdellah, 2017).
Normaliser une langue n’est pas simple. Il ne relève pas non plus des efforts d’un seul individu, fut-il le plus intelligent et le plus dévoué à sa cause. La mise en place du HCA en 1995 ne peut pas non plus constituer une réponse idoine à ce type d’activité scientifique dans un tel contexte politico-social et culturel défavorable, pour ne pas dire hostile.

2) Les exigences d’une normalisation linguistique
2.1 - La politique linguistique de l’Etat
Il est généralement admis que le processus de normalisation concerne le corpus de la langue, d’un côté, et son statut, d’un autre (Haugen, E., 1986, pp 197-111). L’avancée en termes de statut juridique est appréciable.
Elle est certes utile en ce qu’elle fait évoluer les représentations sociales de cette langue et lève les hypothèques symbolique, psychique et sociopolitique et permet à ses locuteurs de retrouver le sentiment de relative quiétude linguistique dans leur milieu sociétal plurilingue. C’est une reconnaissance sociale qui procure un sentiment d’apaisement identitaire. Mais elle ne peut en aucun cas dispenser de l’aménagement du corpus si on veut qu’elle remplisse d’autres fonctions sociales.
Cependant, cet aménagement de statut, qui a atteint son apogée quand tamazight fut déclarée langue officielle dans la Constitution de février 2016, tarde à donner ses fruits.
Les politiques linguistiques, culturelle et éducative n’ont pas évolué parallèlement à ces changements constitutionnels. La rédaction des articles 3 et 4 de la Constitution de 2016 laisse des zones d’ombre. Elle distingue entre la langue arabe scolaire considérée «langue officielle de l’Etat» hic et nunc et tamazight «langue officielle» de jure mais en devenir de facto (elle doit attendre la mise en place d’une académie qui doit lui procurer les conditions d’implémentation de son statut officiel).
Comme si une langue officielle pouvait être non pas celle de l’Etat, mais celle d’un douar, surtout qu’il s’agit d’un Etat jalousement jacobin !
Tous les textes portant sur la politique d’arabisation devraient être mis en conformité avec les nouvelles dispositions constitutionnelles pour intégrer cette nouvelle donnée, y compris la loi d’orientation sur l’école 08-04 du 23-1-2008 dans ses chapitres relatifs aux langues. La politique culturelle devrait, elle aussi, s’y conformer en augmentant la visibilité de la culture et de l’usage des variétés de tamazight(8).
L’administration et la justice devraient faire de même. En fait, c’est une politique linguistique nouvelle, pluraliste, qui aurait dû être élaborée suite à cette disposition constitutionnelle.

2.2 - Le corpus de référence
L’aménagement se fait sur la base d’un corpus de la langue recueillie sur le terrain telle qu’elle a été(9) et est parlée, écrite ou chantée… par des locuteurs natifs(10). De ce corpus serait extraite une base lexicale et d’expressions, la plus exhaustive possible, qui serait la référence pour tous les dictionnaires de la langue, y compris la dérivation/création néologique par différents procédés, mais aussi source des descriptions grammaticales, des morphologies, des systèmes phonologiques et sémantiques de différents niveaux du plus scientifiquement élaboré au plus scolaire.
Le corpus (Rastier F., 2016 ; Dourari A., 2016 (c)), dans la linguistique descriptive, est l’autorité de référence ultime d’objectivation des données. Aucune connaissance, aucune règle ne peut être considérée comme scientifique et légitime si elle n’a pas été préalablement confirmée dans les données recueillies du corpus de référence. C’est dire l’immense importance qu’il faut accorder à la constitution de ce dernier. Il doit être représentatif et exhaustif, diront les structuralistes(11). Il constitue une véritable autorité de vérification et de légitimation.
Aussi important et vital soit-il, ce corpus fondamental n’a pas été constitué, ni par l’instance du HCA (dont ce n’est pas la mission), ni par les départements et instituts de langue et culture amazighes universitaires (Tizi-Ouzou, Béjaïa, Bouira, Batna…), qui existent depuis le début des années 1990 (pour les deux premiers). Il ne le fut pas non plus par des chercheurs individuels… à un moment où les corpus numérisés des langues de grande diffusion sont devenus incontournables dans les pays développés où se tisse une relation mutuellement avantageuse entre la linguistique et l’informatique.(12)

2.3 - L’instance de normalisation
Nous venons de parler de l’autorité déterminante que constitue un corpus représentatif de la langue, qui objectiverait les analyses qui en découleraient, canaliserait l’enthousiasme des linguistes militants et éviterait l’hypertrophie néologique autant qu’une tendance avérée à la purification linguistique des nombreuses traces (Kossman M., 2013) de la langue arabe scolaire et algérienne présentes dans tamazight, sous l’effet d’une réactance (Dourari A., 2004) à un trop grand sevrage sociolinguistique. Cette autorité serait incomplète, cependant, sans la mise en place d’une autre instance de type académique de référence, conçue comme l’autorité scientifique et morale ultime, capable de trancher les débats sociolinguistiques et didactiques animés en cours dans la société. Son travail consiste à initier et conduire des recherches, mutualiser et valoriser les connaissances acquises, et évaluer des recherches conduites ailleurs dans le but de l‘établissement progressif d’une norme de référence de tamazight.
Après 22 ans d’enseignement de tamazight, il n’existe pas encore une instance scientifique pour sa normalisation.(13) L’avancée en termes de statut juridique est certes utile, mais elle ne peut dispenser de cet encadrement scientifique, s’agissant d’une langue devenue nationale et officielle et de faits culturels et anthropologiques qu’il n’est pas indiqué d’escamoter ni du côté des pouvoirs publics, ni de celui de la revendication citoyenne.
La tamazightophonie (=berbérophonie) est, dans le Maghreb, une réalité linguistique, culturelle et historique incontournable. Il faut noter, en parallèle, que l’arabophonie algérienne, maghrébine et scolaire sont des réalités historiques très anciennes et sont dans une relation d’intrication linguistique et culturelle complexe avec le fait amazigh. Depuis le VIIIe siècle J.-C., les Amazighs s’étaient gérés eux-mêmes depuis la dynastie Rostumide (Zénètes), jusqu’aux Almohades (Sanhadja)… et la venue des Turcs (XVIe siècle) qui ont marqué la sortie des Amazighs de l’histoire pour longtemps. On parlera, par conséquent, d’une auto-arabisation (arabe algérien) par la dynamique sociale, culturelle et historique (Dourari A., 2016 (b) ; Camps G.)
Nous avons vu que le HCA n’était pas l’instance idoine pour une telle tâche complexe et exigeante en chercheurs au regard de son statut juridique et de son fonctionnement.
Le CNPLET,(14) créé par arrêté interministériel en novembre 2003 et ouvert en 2005, est un établissement public à caractère administratif sous tutelle du ministère de l’Education nationale. A ce titre, il ne peut statutairement recruter des chercheurs et mener des recherches dans le sens de la normalisation de tamazight. Il tient des colloques scientifiques sur des questions-clés relatives à la normalisation de la langue et en publie les actes dans une revue scientifique Timsal n tamazight on line et en papier (elle est au 8e numéro, v. www.cnplet.dz).
Plus d’une année après la constitutionnalisation de l’officialisation de tamazight et de la création juridique de son académie, la loi organique qui initie le processus de mise en place concrète de l’académie n’a toujours pas été promulguée. Des contraintes liées à la situation politique et économique du pays peuvent être invoquées à ce titre, mais ceci peut se lire aussi dans le sens de l’absence d’une ingénierie politique d’ensemble de l’articulation pluraliste de la société dans le cadre d’un nouveau modèle d’Etat qui reste encore à esquisser.
Le parallèle avec le royaume marocain est tentant en termes d’atermoiement, car la forme d’organisation des Etats du Maghreb et leur souffreteux jacobinisme (avec un soupçon de modernité) connaissent maintenant de fortes distorsions dues à la pression démographique couplée à l’évolution du niveau général d’instruction, de conscience politique, et des demandes démocratiques d’un multiculturalisme incontestable(15) de la société.

2.3.1 - De la nécessité de l’Académie algérienne de la langue amazighe
Le retard accusé dans la mise en place de l’académie créée par la Constitution de 2016 projette une ombre sur les intentions du législateur car, d’un côté, la langue a véritablement besoin d’une norme syntaxique, lexicale/néologique, phonétique et phonologique, etc., scientifiquement fondées, et que, d’un autre côté, les militants de la cause n’ont jamais attendu, loin s’en faut, le bon vouloir des pouvoirs publics pour produire une littérature prolifique de normalisation amateur (Dourari A., 2011 ; Fishman J.-H, 1983).(16)
Cette dernière est fondée sur des données et des objectifs, le plus souvent subjectifs, et inonde le système éducatif et l’espace public (émissions radiophoniques et télévisuelles, romans, poésie, traductions spécialisées,(17) traductions de la Constitution, publicités des opérateurs de téléphonie, articles de presse...) d’une langue artificielle à peine compréhensible(18) et donc peu fonctionnelle (Fishman J.-H, 1983, pp383-394).
 Tamazight, actuellement, peut difficilement être véhiculaire dans le domaine officiel.
L’Académie de langue amazighe sera donc dotée de capacités matérielles et humaines que ne peut avoir un centre de recherche.
Elle a besoin d’un réseau de plusieurs centres de recherche pour mutualiser les savoirs et compétences disponibles et les mettre en synergie.
A ce titre, on ne peut ni faire tabula rasa du corpus ancien de tamazight, fait aussi d’emprunts aux langues avec lesquelles elle était historiquement en contact et écrites en caractères arabes(19), ni lui inventer, en guise de rattrapage cognitif, des termes de manière fantasmatique à partir de listes terminologiques d’autres langues développées (V. la notion de nomenclature chez F. De Saussure), pour les imposer ensuite par des moyens non légitimes sociologiquement et linguistiquement.
L’artéfact qui en résultera provoquera un double déclassement diglossique des variétés de tamazight naturel qui en sortiront fragilisées, alors qu’on vise à les en prémunir initialement. Les prémices ne les voit-on pas déjà au Maroc au sujet dudit «amazigh standard» et en Algérie face au dit «tamazight» que même les apprenants tamazightophones dédaignent(20).
A ce titre, le site Kabyle.com, proche des indépendantistes kabyles, relève amèrement dans un post du dimanche 10-01-2016 que :
- Dans certaines écoles primaires de la capitale du Djurdjura, des parents d’élèves s’obstinent à ce que leurs enfants ne suivent plus aucun cours de tamazight. Ces Kabyles de service ont tenté de se constituer en association pour demander au DEW (Directeur de l’éducation de wilaya) de dispenser leurs enfants de cet apprentissage.
La culpabilisation est préférée à l’analyse objective de la situation. La néologie, bien que nécessaire, doit cependant se faire à dose homéopathique afin de recevoir l’assentiment des locuteurs, et dans l’objectif glottopolitique prioritaire de sauvegarde et non pas de substitution linguistique.

3) De la politique linguistique à la philosophie politique
3.1 Le tamazight standard et les faux parallèles
Un tamazight standard serait une langue artificielle que le marché linguistique (Dourari A., 2014 (c) ; Bourdieu P., 1982) aura du mal à valoriser : J.-A. Fishman et E. Haugen (Op. Cit.) Parlent d’acceptation sociale de la norme.
Pis encore, il menacerait l’existence des variétés réelles de tamazight dont la vitalité est garantie, non pas par le système scolaire, comme il est souvent pensé, mais par ses locuteurs natifs (Nouh Abdellah, Op.cit., 2017). A ce sujet, on a fait beaucoup de fausses comparaisons.

3.1.1 L’arabe scolaire et classique
Pour comparaison, la langue arabe scolaire et classique(21) a eu la chance irretrouvable d’avoir été le véhicule d’une religion qui a réussi à dominer une bonne partie de la planète.
Elle fut aussi pour longtemps la langue d’une grande civilisation, de la philosophie et de la science comme celle de l’humanisme arabe universalisable… Elle avait pris cependant quelque deux siècles avant les premières normalisations de son écriture pour ajouter les diacritiques (les points suscrits ou souscrits pour distinguer les consonnes).
Pendant ses premiers deux siècles, la civilisation arabo-islamique a fonctionné avec une langue non complètement normalisée aux plans orthographique, morphologique et syntaxique(22) menée essentiellement sous, et en référence à, l’autorité collective de ses locuteurs arabes.
Ce n’est que vers le XIVe siècle que la première œuvre lexicographique de grande envergure, en l’occurrence le Lissan Al-Arab d’Ibn Al-Mandhour Al-ifriqi(23) fut créée. Aujourd’hui, en dépit de l’existence de plusieurs académies dormantes (madjami’), elle ne connut plus de mise à jour après la parution de Lissan Al-Arab, et est restée prisonnière de la forme syntaxique, morphologique et lexicale, autant que du système cognitif et normatif de la civilisation arabo-islamique du XIVe s. J.-C.
Elle peine à devenir le véhicule de la pensée scientifique parce qu’il ne s’y produit plus ce type de pensée (retard du monde dit arabe et hétéronomie sociétale du savoir (Dourari A., 2014 (c), pp 183-206), mais aussi parce que la pensée conservatrice dominante voudrait qu’elle reste telle qu’elle fut «afin que les textes sacrés demeurent compréhensibles» !
Ceci contraste fortement avec l’ouverture d’esprit des premiers normalisateurs de la langue arabe classique(24) qui avaient déclaré arabe tout terme emprunté ou inventé conforme au fonctionnement morpho-phonologique de la langue arabe. C’est le fameux qiyas vs sama’(25) (kullu mâ qîsa ‘alâ kalâmi l-arab fa huwa min kalâmihim). Des termes réputés syriaques, araméens, persans ou latins sont présents dans le texte même du Coran (Luxenberg C., 2007)(26) et traités comme des termes arabes. Cette posture d’ouverture de ses promoteurs lui a permis d’être la langue véhiculaire de la pensée scientifique mondiale à l’aube de la civilisation arabo-islamique jusqu’au XIIe siècle J.-C.
Tous les Etats dits arabes et la majorité de leurs populations lui accordent un grand prestige du fait qu’elle est le véhicule de sa religion dominante.

3.1.2 L’allemand et l’hébreu
On ne peut invoquer le processus d’unification de la langue allemande, non plus, elle qui s’est faite en parallèle avec l’unification de la nation allemande et le pangermanisme dans des conditions historiques et politiques particulières des deux siècles derniers (XIXe et XXe siècles) avec la constitution des Etats-nations(27). Il n’est pas non plus bien avisé d’imiter l’expérience hébraïque, pour une raison simple : le peuple juif n’existait pas, et c’est Shlomo Sand, professeur d’histoire de l’université de Tel-Aviv, qui l’affirme (SAND Shlomo, 2010). Il fut construit selon une idéologie de légitimation de la création d’un Etat israélien fusionnant appartenance religieuse et appartenance nationale, appartenance à un peuple et à une langue. L’hébreu nouveau fait partie du mythe de fondation nationale israélien.
Ce peuple n’avait pas de territoire non plus ; celui-ci fut pris aux Palestiniens par l’armée israélienne soutenue par l’Occident. Le seul élément commun à tous les Juifs intéressés par Israël, venus de toute la planète et ayant plusieurs cultures et nationalités, était le symbolique ancien testament écrit en hébreu talmudique (Sand Shlomo, Op. Cit.). Les sionistes ont donc réinsufflé la vie dans une langue hébraïque sacrée, qu’une commission de linguistes a essayé de moderniser pour en faire une langue nationale (Keren Mock, 2016). L’hébreu n’est que la façade commune qui donne une certaine consistance à l’Etat israélien et lui donne en même temps sa définition identitaire d’un point de vue sociolinguistique. Et même ainsi paré, le projet d’Etat israélien n’emporte pas l’adhésion des Juifs orthodoxes qui soutiennent que ce dernier est contre le vœu de Dieu qui a condamné les Juifs à l’errance après leur désobéissance à ses prescriptions.

3.2 Tamazight n’est pas dans le même contexte
Il est clair qu’il est possible de décrire bien d’autres expériences de normalisation/standardisation comme celle du catalan, du corse ou de l’irlandais. Il nous faudrait plus de place qu’il n’est accordé à ce papier. La langue tamazight est au Maghreb et en Algérie chez elle : les Algériens (les Maghrébins), c’est son peuple et l’Algérie (le Maghreb) c’est son territoire. Tamazight a aussi un Etat qui la reconnaît comme deuxième langue officielle aux côtés de l’arabe scolaire. Tamazight entre dans le domaine officiel alors que ce dernier connaît déjà l’arabe scolaire et le français. Ces dernières occupent le domaine formel. Il s’agit d’assurer à cette langue toutes les chances de réussir son élaboration symbolique pour, progressivement, prendre sa place dans les différentes institutions et dans le marché linguistique national (V. sur la situation sociolinguistique de l’Algérie, Chachou Ibtissem, 2013). Cet objectif glottopolitique est différent du cas de l’hébreu et de l’allemand, exige des processus de normalisation différents et induit des conséquences politiques différentes. Le monolinguisme n’est souhaitable ni au niveau national ni au niveau des régions, et pas même à l’échelle des variations internes aux régions, sachant que le processus d’unification de tamazight a été lancé au Maroc en 2003, avec de bonnes intentions et beaucoup de moyens humains et financiers, mais ne semble pas avoir donné les résultats escomptés à nos jours (Lefkioui. M., 2013). Le Maroc évolue institutionnellement vers la mise en place d’un institut national des langues et cultures du Maroc (Constitution et loi organique) qui traitera de toutes les langues parlées au Maroc(28), y compris des variétés de tamazight et d’arabe marocain, se rapprochant de la société langagière réelle et s’émancipant peut-être du séduisant fantôme de «l’amazigh standard». On s’émancipera aussi probablement du fantôme de l’unification linguistique (Dourari A., 2002) imposée par les pouvoirs publics à travers la politique de généralisation de l’arabe scolaire. Cette dernière a généralisé, dans les faits, par la diffusion de ses contenus pédagogiques et cognitifs, les postures intellectuelles conservatrices dont on connaît aujourd’hui les résultats (Dourari A., 2013 (b) pp 79-103). Si cette politique linguistique a vraiment contribué à faire reculer la maîtrise de la langue française, elle n’a certainement pas fait avancer celle de l’arabe scolaire.
3.3 - Le mythe de la disparition du kabyle
Certes, tamazight (au sens polynomique) est une langue de moindre diffusion, mais inférer de cela qu’elle soit menacée de disparition est excessif. Ses variétés kabyle ou chleuh le sont encore moins. L’extension de sa territorialité est limitée. Les espaces où elle est utilisée sont discontinus mais c’est une langue transfrontalière, utilisée en Libye, en Egypte, au Niger, au Nigeria mais également et surtout dans les pays du Maghreb — son territoire de prédilection. Car la vitalité d’une langue est liée, primordialement, au nombre de ses locuteurs.
La supposée menace de disparition n’est qu’une amplification instrumentée politiquement par les mouvements indépendantistes, notamment kabyles, pour légitimer la création d’un Etat qui aurait pour but de la protéger.
Loin d’être menacé de disparition, le kabyle est la variété de tamazight qui regroupe le plus grand nombre de locuteurs natifs en Algérie et se trouve de ce fait dans une posture de domination des autres variétés. Il pourrait même aspirer à être la matrice sur laquelle se construirait une langue commune (peu recommandable) aux différentes régions, si on venait à opter pour le choix de la démocratie linguistique.

4) Tamazight : de la planification linguistique à la philosophie politique
4.1 - Revendication linguistique et revendication politique dans le mouvement nationaliste
Les acteurs sociaux et politiques en concurrence font naturellement usage de la question linguistique et identitaire pour se positionner. La crise du PPA/MTLD de 1949 avait engagé cette problématique en même temps que les attitudes politico-idéologiques qui ont influencé les pouvoirs postindépendance tous issus du FLN.
Le document historique dit «Idir El-Watani» (V. Dourari A., 2013 (a) pp 91-106), retrace en creux les péripéties de ce clivage consistant à se ranger en faveur d’une «Algérie algérienne» ou d’une «Algérie arabe et islamique».
Certains militants, dénoncés comme berbéristes, avaient été condamnés à mort et plus tard, Abane Ramdane, père de la fameuse Plateforme de la Soummam, qui unifia et organisa le combat pour l’indépendance et donna un cadre institutionnel moderne pour l’Algérie indépendante future, n’avait pas hésité, nonobstant son origine kabyle, à ordonner de persécuter lesdits berbéristes, notamment dans la Fédération de France du FLN révolutionnaire.
Cette attitude n’est pas ethnique ou linguistique. Elle est politique, comme il est aisé de le constater.

4.2 - Revendication linguistique et politique à l’indépendance
L’idéologie du FLN, dite nationaliste et partisane de l’Etat jacobin monolithique, a toujours réprimé la revendication de tamazight durant l’indépendance pour favoriser, disait-elle, l’unité nationale contre les dangers de division provenant du colonialisme. Pour l’islamisme, la langue n’est pas une priorité partant du fait qu’une fois leur idéologie devenue hégémonique dans la société, personne n’oserait contester le statut dominant de la langue du sacré, celle dans laquelle Dieu se serait exprimé !

4.2.1 - Revendication linguistique et politique en Kabylie et au M’zab
Le MAK et le MIK(2) utilisent la langue comme rampe de lancement d’idées politiques visant à faire changer le modèle d’Etat algérien jacobin et hyper-centralisé(3). Le mouvement autonomiste et indépendantiste en Kabylie ambitionne de «déchirer» un Etat, pour créer un deuxième au service d’une langue. La revendication de l’indépendance d’un bout de territoire algérien, entraîne ipso facto la modification territoriale et organisationnelle de l’Etat algérien actuel.
Or, les frontières actuelles de l’Algérie sont devenues un fait anthropologique constitutif de l’imaginaire politique collectif des Algériens.
On voit bien à quels déchirements psychiques, sociologiques et politiques on invite les Algériens. Les spécificités régionales, l’Etat unifié, devenu démocratique et citoyen, pourra les prendre en charge dans le cadre conceptuel de la citoyenneté. Les projets d’indépendance/autonomie de la Kabylie ou du M’zab sont des projets politiques irréalistes qui s’appuient contre la non-reconnaissance par l’Etat algérien actuel de la langue et de la culture kabyles ou de la spécificité culturelle, linguistique et religieuse du M’zab, entre autres.
La revendication démocratique et citoyenne menée en Kabylie menaçait d’ébranler sérieusement les fondements autoritaristes du système politique. Hugh Roberts démonte les mécanismes de la manipulation de cette question (V. Roberts, H., 2002) qui la neutralise et la stigmatise aux yeux du reste de la population algérienne. Le discours de citoyenneté, prôné naguère par l’élite kabyle, a commencé à céder le pas devant celui de l’identité (Salhi, Brahim M., 2010, pp14-15) et du repli sur soi qui isole la Kabylie et neutralise son influence politique nationale.
Le grand romancier algérien Yasmina Khadra (Khadra Y., 2017), sous le titre éloquent de : «L’Algérie est une fête alors pourquoi tant de malheurs», arabophone, originaire de l’ouest d’Algérie, le dit aussi explicitement que lapidairement dans une interview donnée récemment à la presse algérienne :
«Pour moi, cette région est le grand espoir de l’Algérie et ce n’est pas pour rien que l’ennemi essaie d’instrumentaliser cette force sublime contre elle-même. Je suis très vigilant. La seule possibilité pour l’Algérie de s’en sortir, c’est la Kabylie.»

4.2.2 - Le M’zab : minorité linguistique, religieuse et singularité sociologique
4.2.2.1 - La question sociolinguistique

En plus de la reconnaissance et la promotion de la langue tamazight au sens générique, et de la question kabyle se pose un autre défi à l’organisation actuelle monolithique rigide de l’Etat algérien. C’est la prise en compte de la spécificité linguistique et religieuse du M’zab.
Contrairement à la Kabylie, les Mozabites ne ressentent pas de problème particulier au plan sociolinguistique. Ils ne ressentent pas le besoin d’enseigner leur langue —tumzabt — à l’école officielle, ni à ce qu’elle soit utilisée dans les médias. Toute la communauté (Nouh Abdellah, Op. Cit., 2017) la parle, des plus jeunes enfants jusqu’aux plus âgés. La communauté en tant que minorité religieuse, se sentant menacée, est en situation «de secret» (al-kitman) et voudrait que sa langue participe à ce secret par sa non-diffusion.
De plus, toute la communauté mozabite est dans une posture de respect devant la langue arabe scolaire et classique ; contrairement au mouvement de militance kabyle(4), plus laïque, qui la considère comme une concurrente déloyale ayant des prétentions d’effacement de leur langue maternelle. Les Mozabites, quand ils écrivent leur langue, ou l’enseignent dans le réseau de leurs écoles privées religieuses, lui prêtent les caractères arabes (Fekhar A. H., 2015), et ce, depuis le premier siècle de la pénétration arabe dans le Maghreb.

4.2.2.2 - Bref aperçu sur la société mozabite
Dans Ghardaïa vivent globalement deux communautés algériennes, l’une d’origine arabe (Banu Sulaym) et l’autre mozabite d’origine amazighe zénète. Si la première est venue dans le cadre de l’invasion hilâlienne du Maghreb au XIe siècle, la seconde est, quant à elle, autochtone. Les deux communautés sont musulmanes. La première est sunnite mâlikite sous l’influence grandissante du wahhabisme ambiant dans le monde islamique, alors que la seconde est ibâdite. La première a pour langue maternelle l’arabe algérien, et la seconde parle le mozabite (tumzabt) en plus de l’arabe algérien. La première vivait essentiellement de bédouinisme ; la seconde est plutôt sédentaire, et s’adonne à l’agriculture (phoëniciculture et maraîchère), au commerce et à quelques petites industries.
Ces deux communautés, algérienne et musulmane, différenciées par l’origine lointaine, le rite, la langue et le mode de vie ont vécu côte à côte depuis des siècles. Même si l’on observe très peu de rapports matrimoniaux entre eux et l’existence d’espaces propres à chaque communauté (des villes proprement mozabitophones ou proprement arabophones), des espaces de contact urbains les réunissent (l’école, l’université, les moyens de transport aérien et routier, l’hôpital, les places commerciales, l’administration locale…), mais aussi les échanges économiques, commerciaux et… la mal- vie et le sentiment d’abandon.

4.2.2.3 - Les Mozabites ibâdites face à leur mode d’organisation communautaire
L’Etat algérien est un cadre juridique, politique et linguistique qui ne fait pas de place aux minorités et aux spécificités, perçues comme menaces à l’unité de la nation. Les Mozabites amazighs et ibâdites représentent une double spécificité qui n’entre pas aisément dans ce cadre étriqué. Mais les structures politiques traditionnelles mozabites (majlis al-‘a’yân, conseil constitué des «I’azabe, chargé de maintenir la permanence du dogme ibâdite ; majlis Cheikh Abderrahmane al-Karthi, conseil chargé de la gestion des choses laïques, et majlis ’ami Saïd, conseil supérieur de coordination entre les différentes villes) sont de moins en moins efficientes et font parfois doublure avec les structures modernes de l’Etat (mairies, daïras, wilayas). Ces conseils ancestraux des Mozabites ibâdites ont perdu relativement en crédibilité et il se crée des conseils de coordination élus par les acteurs à chaque fois que la conjoncture l’exige. Paradoxalement, ce sont les structures traditionnelles mozabites qui sont l’interlocuteur de prédilection des pouvoirs publics qui tournent le dos aux coordinations citoyennes.
La tradition des Mozabites de ne pas intégrer les corps constitués de l’Etat les rend, localement, encore plus vulnérables.
Cette auto-marginalisation, par crainte d’altération de la cohésion de groupe, et pour maintenir la loyauté des individus attachée à la seule autorité des structures traditionnelles mozabites, est contreproductive pour les intérêts des citoyens mozabites dont l’Etat ne facilite pas le cosmopolitisme des élites.
Leurs concitoyens et voisins arabophones s’inscrivent dans une perspective contraire et le fait qu’ils se définissent d’emblée dans le cadre de la formule identitaire officielle (arabo-islamique mâlikite), donc entendue anti-khâridjite et antiberbère, minimise leur allochtonie lointaine(5) et leur donne un ascendant au double plan stratégique (intégration des rouages décisionnels de l’Etat) et tactique (intégration des instruments opérationnels des autorités locales et nationales).
Les Mozabites appartiennent donc à l’amazighité majoritaire en Algérie (V. Dourari A., 2016 (b), mais sont minoritaires dans la vallée qui porte leur nom aux plans démographique, religieux et linguistique. Leur rite est en plus stigmatisé par le rite officiel. Par ces facteurs, ils sont minoritaires à l’échelle nationale, mais aussi dans le cadre plus restreint de la tamazightophonie et dans leur propre milieu ghardaoui.

4.2.2.5 - Sunnisme vs chiisme vs khârijisme vs ibâdisme
Le Ibâdites sont accusés par le wahhabisme de kharidjisme(6). Le wahhabisme se confond aujourd’hui avec le sunnisme dont il est devenu la dénomination hypéronymique.(7) Même historiquement infondée (V. Nacir Bnu Sulayman Bnu Saïd As-Sabi’ (thèse), et Dourari, A., 2014 (a), cette accusation les met dans la défensive face au voisin malikite plus nombreux et tirant profit des critères identitaristes chers au pouvoir.
La haine anhistorique cultivée contre le kharidjisme et à l‘emporte-pièce, dans le discours religieux officiel dominant(8), renforce par ricochet la malveillance agressive du wahhabisme — prisonnier de l’atmosphère réifiée (habitus et hexis) des clivages théosophiques, politiques et religieux du VIIe siècle après J.-C. où son horloge civilisationnelle semble s’être définitivement arrêtée(9).
Le conflit politique entre Muawiya Ibn Abî Sufyân et Ali Ibn ‘Abî Tâlib, suite à la guerre de Siffîn (657 J.-C.), et l’arbitrage qui tourna à l’avantage truqué du premier, est hypostasié, rendu atemporel et surdétermine les relations conflictuelles sanglantes entre musulmans aujourd’hui. A Nahrawayn (658 J.-C.) la guerre opposa Ali à ses kharijites (= ses dissidents qui l’ont quitté à cause de son acceptation de l’arbitrage truqué). La guerre entre l’imam Hassan (fils d’Ali et de Fâtima) et Muawiya, après l’assassinat d’Ali par un azraqi (khârijite), cristallisa les oppositions islamiques transcendant l’histoire et la géographie ! Muawiya, le plus contesté des califes, est paradoxalement perçu comme le représentant atemporel du groupe qui s’auto-désigne «gens de la sunna et du consensus» (ahl as-sunna wa l-djamâ’a). Alors que le calife Ali, le looser, est paradoxalement célébré pour sa probité (et pour être un ahl al-bayt, gendre et cousin du prophète), mais est anathématisé autant par les sunnites, pour être le référent du chi’isme, que par les Kharijites, notamment de la secte azraqiyya, pour avoir accepté l’arbitrage par lequel il fut destitué.
La pensée mythique ne connaissant pas le principe de non-contradiction, il est condamné et encensé pour ses mêmes turpitudes.
Ceux parmi ses partisans qui l’ont combattu pour avoir accepté l’arbitrage, les azraqi, sont combattus autant par les sunnites, partisans de Muawiya, que par les chi’ites, ennemis de Muawiya et restés fidèles à Ali.
C’est dans cette atmosphère idéologique confuse que les premiers Ibâdites — qui étaient en désaccord politique pacifique avec Ali, tout en ayant combattu dans les rangs de son armée, puis dans l’armée de son fils al-Hassan contre Muawiya — sont embarqués indistinctement comme Khâridjites(10) et récoltent une haine aussi atemporelle qu’injustifiée. C’est ce qui conduisit Abu Yazid (l’homme à l’âne) ou Obaïd Al-Lah, le chef guerrier fâtimide, à les combattre, et, pour le dernier cité, à écraser la cité ibâdite de Tihert au Xe siècle.
En fait, les Muhakkimas(11) dont fait partie Abdellah Ibn Ibâdh, n’étaient d’accord ni avec Ali, ni avec son fils al-Hassan, et encore moins avec Muawiya, mais s’étaient rangés militairement contre ce dernier. Pas simple à retenir !
Le fondateur manifeste de l’ibâdisme, Abdellah Bnu Ibâd at-Tamîmî al-Murrî de la tribu de Mudar (V. Ibn Hazm),(12) était membre des Muhakkima et s’était opposé au leader des Kharijites radicaux ayant assassiné Ali, à l’instar d’Abu Rachîd Nâfi’ bnu l-‘Azraq, dont il réfuta explicitement les thèses (V. An-Nami, O., et Basset René, 1893).
Qui se rappellera, enfin, qu’on est au XXIe siècle, et que les Ibadites algériens sont Nord-Africains, Amazighes Zénètes et n’ont rien à voir, à part le rite, avec les Ibadites arabes d‘Arabie de Siffin (657) et de Nahrawan (658) ?

5) L’Etat algérien moderne et les visions archétypales
5.1 -Vision atemporelle hypostasiée

Ces conflits politiques du VIIe s. en Arabie sont essentialisés et transposés tels quels dans cette Algérie (Afrique du Nord) du XXIe siècle et constituent la trame de l’excessive agressivité des wahhabites à l’égard des Ibâdites, mais certainement aussi une certaine insouciance probable de l’Etat et de ses agents locaux aux souffrances des Ibadites. Les wahhabites ne tiennent aucun compte de l’espace et du temps. Ils se proclament juge suprême (instrument de Dieu sur terre) selon leur vérité déclarée seule vraie. Le fait que dans les élections locales de 1990 le FIS n’ait obtenu aucune commune à Ghardaïa en dit long.

5.2 -Refonder le mythe national algérien sur l’algérianité multiculturelle cosmopolite

Ni les Algériens amazighes mozabites, qui ne vivaient pas en Arabie au temps de ces conflits entre Arabes d’Arabie, ne sont responsables de ce qui s’y passa si loin géographiquement et historiquement. Pas plus que les Algériens d’origine Banu Soleim, qui vivent en Afrique du Nord depuis 1 000 ans et qui ne peuvent être tenus pour responsables ou héritiers des actes des Arabes d’Arabie de l’époque.
Tous sont des Algériens et doivent loyauté à la République algérienne, dont l’Etat voit ses institutions s’émousser chaque jour dans les faits et dans l’imaginaire des gens.
On voit bien la nécessité d’une réforme de l’Etat et du système éducatif pour l’enseignement de l’histoire de la religion/des religions en enracinant l’identité algérienne dans l’histoire, dans l’algérianité et dans la géographie.
L’hypertrophie du discours identitariste ressassé par le FLN-parti-Etat depuis 1962 (continuateur de la position du PPA-MTLD sur cette question) a abouti aujourd’hui à ses conséquences logiques. La crise à Ghardaïa, comme celle de la Kabylie, est une crise du modèle d’Etat algérien(13) tout autant qu’une crise du pouvoir FLN-parti archaïque et de son idéologie déréalisée.

5.3 -Le modèle d’Etat algérien face à la réalité locale
Cependant le paradigme d’Etat algérien, qui n’a pas été le fruit d’une cogitation intellectuelle systématique sur les faits anthropologiques et historiques de ses citoyens et de leur territoire, est une construction juridique et politique en déphasage complet avec les réalités. Et c’est bien pour cela que la Commission nationale de réforme des missions de l’Etat, missionnée par le président de la République et dirigée par Missoum Sbih (2000), en avait proposé une réforme profonde(14). L’Etat algérien actuel, produit de l’urgence ressentie par les combattants de l’indépendance au début du XXe siècle de se doter d’un Etat symétrique à celui du colonisateur, est aujourd’hui dépassé.
Le modèle d’Etat colonial, notamment son centralisme jacobin et autoritaire, était prégnant tant et si bien que c’était l’Emir Abdelkader (figure arabo-islamique opposée à la France coloniale) qui s’était imposé pour en représenter l’ancrage historique, plutôt que les royaumes-Etats de Syphax, ou de Massinissa, ou celui de Jugurtha… (autochtones et antéislamiques), ni même celui des Rustumides (autochtones islamiques Ibâdites VIIIe-Xe siècles), ni encore moins celui des Hammadides (XIe siècle), ou celui des Almoravides (XIe siècle) ou celui de leur successeur almohade (autochtone et islamique chi’ite ou sunnite, XIIe siècle)… La France était perçue à travers la lorgnette réductrice de la langue française et de la religion chrétienne — traits survalorisés tant et si bien que l’Etat algérien en perspective devait alors reposer, symétriquement, sur la langue arabe classique et le sunnisme islamique (malikisme), globalement et exclusivement. La table de Procruste étant mise, les premiers couacs s’étaient fait ressentir dans le PPA-MTLD en 1949 quant à la place de l’algérianité. Certains partisans de «l’Algérie algérienne» ont été éliminés physiquement par leurs propres compagnons de combat (V. Ali Yahia A., 2014).
A l’indépendance, cette obsession de «fabriquer» un Algérien nouveau appartenant à une nation d’individus identiques a fourni la légitimité à toutes les violences menées par le «parti unique», de «l’Etat unique», de «la nation unique», d’une «religion unique», s’exprimant dans une «langue unique»(15) … Elle exigeait une amnésie totale : l’histoire des Algériens devait au mieux commencer le jour où elle est mise sous domination des troupes arabes sous l’étendard de la religion islamique. Cet «évènement-avènement» est lui-même transcendantalisé et est exclu des faits historiques humains ! L’aliénation qui en a résulté fait que d’aucuns(16) iront, aujourd’hui anachroniquement, jusqu’à traiter de «traîtres» les ancêtres amazighes (Koceila et Dihya) qui avaient défendu leur terre contre les troupes arabes et leurs généraux Okba bnu Nafi’, Moussa bnu Nuçayr… transmutés en héros prêcheurs de bonne parole islamique.
Le texte de la Plate-Forme de la Soummam (1956), texte fondateur de la philosophie d’Etat en gestation, qui insiste sur la reconnaissance de la citoyenneté des différentes communautés algériennes d’origine européenne et autochtone au-delà de leurs convictions religieuses, couplé au rejet explicite de la théocratie, est scotomisé depuis le CCE tenu au Caire en 1957, le congrès de Tripoli, puis l’assassinat d’Abane Ramdane en décembre 1957. Les différents coups d’Etat post-indépendance, à commencer par celui contre le GPRA qui a conduit les phases finales de la lutte armée, ont fini par réduire l’Etat à une surenchère d’allégeance aux chefs, les institutions à un décorum et l’identité à un carcan déréalisé. C’est la logique du régime néo-patrimonialiste qui l’exige.
En ne prenant pas en compte la citoyenneté, les composantes politiques, culturelles, linguistiques, religieuses… réelles des Algériens, en refusant de reconnaître dans les faits la liberté de conscience et les libertés individuelles, ce paradigme d’Etat avait inscrit, d’instinct, la tendance centrifuge et son obsolescence programmée dans son ADN.
Le modèle ainsi taillé est trop étriqué pour qu’une algérianité historique plurielle puisse s’y accommoder, d’autant que les gestionnaires de cet Etat souffraient d’une illégitimité patente et d’une culture d’Etat indigente.
La tentative de mise en place d’un «référent religieux national», promue aujourd’hui, fondée sur les meilleures intentions et visant à résorber l’influence du discours salafiste sur les milliers de mosquées algériennes(17) (qui conditionnent les fidèles par leur discours haineux, antihumanistes et misogynes, tout autant qu’anticonstitutionnels) procède de la même posture unificatrice désincarnée citée plus haut. Elle est une idée absurde : ce serait l’Etat qui fixerait les modalités de croyance des fidèles et tout ce que n’inclurait pas ce référent serait déclaré illégitime. Le référent national religieux ressemble à un nouveau rite, et n’est, en fait, qu’une esquive de la responsabilité d’imposer l’ordre républicain au discours anticonstitutionnel wahhabite. Mouloud Mammeri avait raison de dire qu’«ils faisaient tout autrement qu’il n’est naturel».
Il est nécessaire d’admettre et d’adopter la posture intellectuelle et politique rationnelle fondatrice de l’Etat moderne, selon laquelle il doit respecter et faire respecter les libertés individuelles des citoyens sans s’immiscer dans leurs croyances, et que ces dernières n’ont pas à interférer avec la gestion de l’Etat qui doit aspirer à être un Etat pour tous et ressenti comme tel, par tous !L’organisation politique et juridique des Etats du Maghreb doit être profondément repensée, conformément au concept politique de «citoyenneté» et de «respect des différences», afin d’assurer une plus grande stabilité par l’adhésion des citoyens à leur Etat.
Pour l’Algérie, le projet d’une seconde république, fondé sur un modèle d’Etat compatible avec l’immensité de son territoire et de la diversité de ses citoyens aux plans culturel, religieux, rituel, linguistique et politique, se fait sentir. Il s’agira d’un Etat de droit, moderne, démocratique et citoyen, fondé sur l’algérianité et le multiculturalisme cosmopolite citoyen (V. Kimlicka, Will, 2001 ; Dourari A., 2016 (a))(18), sur la démocratie et la citoyenneté et non pas sur l’identité.
A. D. LSA


* Professeur des sciences du langage et de traductologie, Université Alger 2.

1) Ce texte est un développement approfondi d’un autre article remis en contribution à un livre collectif sur L’Algérie au présent, s/d Direche Malika, IRMC 2017.
2) Tamazight, dans ses différentes variétés, a pourtant eu une traduction écrite en caractères arabes en Afrique du Nord et concerné les travaux de jurisconsultes théologiens ou de lexicographes depuis le VIIIe siècle J.-C., sans oublier que la plupart des dictionnaires d’orientalistes étaient bilingues ou trilingues, français-berbère-arabe et écrivaient en caractères latins et arabes les termes en entrée lexicographique.
3) C’est le même système politique avec la même idéologie uniciste depuis l’indépendance. Nous ne pensons pas qu’il en soit différemment du royaume marocain.
4) L’arabe algérien est une langue véhiculaire commune à tous les Algériens, quelle que soit leur région natale. Il est aussi compris en Tunisie et au Maroc.
5) Loi sur la généralisation de l’arabisation en 1996.
6) Les fameux «PPH» (Passera Pas l’Hiver) des ambassades auxquels répondait l’autorité militaire avec le non moins fameux «PPP» (Passera Plusieurs Printemps).
7) Evidemment, des associations culturelles enseignaient déjà le tamazight (kabyle en vérité) depuis un certain temps à l’intérieur du pays (Idles) ou à l’étranger (Aberc…) mais leurs travaux caractérisés par le militantisme ne peuvent être considérés comme un fondement scientifique pour une didactique de la langue dans le système éducatif.
8) Le festival international de Timgad qui se tient dans les Aurès n’a vu la participation d’aucun chanteur chaoui cette année (2017) en dépit de la protestation de la société civile.
9) Il s’agit aussi de l’archive de la langue comme le précise F. Rastier, Op.cit.
10) La prise en compte de sa normalisation orthoépique aussi. Mais ce corpus doit maintenant tenir compte des normalisations amateurs et des dictionnaires néologiques quelle que soit leur qualité.
11) Il est rare de voir des travaux de berbérisants dans le cadre de la GGT.
12) L’Inalco, qui a joué et joue encore un grand rôle dans l’orientation scientifique de la normalisation de tamazight et dans la formation des universitaires chargés de son enseignement et de l’encadrement de la recherche, n’a ni pensé à la constitution d’un corpus numérisé de cette langue, ni à la confection d’une base lexicale informatisée, ni à une bibliothèque numérique berbère. Cette dernière fut l’objet d’un colloque international organisé par le CNPLET en partenariat avec la MSH Paris-nord et l’Université Paris8/ Cergy Pontoise en 2009.
13) Contrairement au Maroc où l’Ircam est institué en 2003.
14) Centre national pédagogique et linguistique pour l’enseignement de tamazight.
15) On n’oublie évidemment pas le projet politique et culturel islamiste conservateur et caricatural renvoyant au califat du début de l’islam qui arrange bien les postures politiques des pouvoirs publics.
16) Pour un débat plus ample sur cette question v. A. Dourari (s/d), 2011 ; J.-A. Fishman, 1983 qu’il appelle les nouveaux planificateurs linguistes.
17) Le HCA, au statut contestable juridiquement, car non renouvelé depuis le décès de son seul haut-commissaire, Idir Aït Amrane, en 2004, et dont les organes pédagogiques et scientifiques squelettiques sont moribonds, semble se lancer éperdument dans cette conception naïve et populiste de la langue et de ses capacités expressives en proposant des traductions dans le domaine juridique et technique hautement spécialisé tout en en faisant une large publicité. L’Ircam a lui aussi traduit la Constitution marocaine de 2011 en amazigh standard. Il n’y eut pas foule qui ont lu le texte sur son site électronique et aucune étude n’a été commanditée pour savoir ce que les lecteurs amazighophones pourraient en comprendre.
18) V. Problématique du colloque du CNPLET en partenariat avec Paris 8/Cergy Pontoise et l’université de Béjaïa, du 18 et 19/11/2017 sur www.cnplet.dz
19) Ce sont des textes essentiellement religieux ; mais pas seulement, écrits en caractères arabes, v. Ould-Braham O., s/d, 2017.
20) C’est pour cette raison que le HCA et certains militants exigent de rendre obligatoire et généralisé son enseignement, y compris dans les zones berbérophones de Kabylie. V. aussi la controverse suisse sur le rumantsch grischun http : //www.swissinfo.ch/fre/controverse-autour-du-rumantsch-grischun
21) Nous utilisons l’arabe scolaire pour désigner l’arabe utilisé dans le système scolaire du primaire au doctorat et dans toute situation formelle actuellement, et l’arabe classique en référence à l’arabe du Coran et des textes arabes anciens. Nous récusons l’utilisation du concept d’arabe standard car les outils de standardisation (dictionnaire et grammaire consensuels de référence actualisés) n’existent pas encore pour l’arabe utilisé aujourd’hui en situation de communication formelle. Le terme d’arabe littéraire ou littéral ne nous satisfait pas davantage car il stigmatise et oblitère l’existence d’un arabe, non pas dialectal (il serait le dialecte de quelle langue ?), mais algérien, marocain, libanais, égyptien…
22) Les premiers grammairiens arabes ont vécu entre le VIIIe et le IXe siècle J.-C. Une commission fut créée par El-Hadjadj Bnu Yucef (gouverneur d’Irak 694-714 J.-C.) qui permit d’ajouter les points diacritiques suscrits ou souscrits pour distinguer les consonnes.
23) Evidemment, il y en eut d’autres œuvres de moindre importance avant celle d’Ibn Al Mandhour
24) Nous pensons à Al-Khalil bnu Ahmad, Sibawayh, Ibn Djini…
25) Qiyas = formation néologique par analogie Vs sama’= formation lexicale par attestation d’utilisation par les natifs.
26) C’est pour cela que Christoph Luxenberg propose une relecture dialectologique du Coran. (V. C. Luxenberg, 2007)
27) La grande Allemagne ou Grossdeutschland, le volksdeuschen et le volksgeist sont des termes forgés pour soutenir cette idée et défendus par des philosophes comme J.-G. Fichte et J.-G. Herder
28) Nous avons, bien avant cela, nous-mêmes défendu une telle optique pour l’Algérie afin de lui éviter l’éclatement du champ linguistique.
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29) Ce texte est un développement approfondi d’un autre article remis en contribution à un livre collectif sur L’Algérie au présent, s/d Direche Malika, IRMC 2017.
30) MAK, Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie, dirigé par Aziz Aït Chebib, et le Mouvement pour l’indépendance de la Kabylie, dirigé par Ferhat Mehenni, président de l’association Anavad.
31) Les partis démocratiques RCD et FFS, ou de gauche comme l’ex-PAGS, le MDS, le PST et le PT ont eux aussi dans leur programme des propositions pour changer l’organisation hyper-centralisée de l’Etat algérien.
32) On vise le mouvement du genre MCB et des partis politiques représentant une certaine élite kabyle active et démonstrative, mais le fait ne se vérifie pas pour toute la société kabylophone, loin s’en faut.
34) Ceci est d’autant plus vrai que la thèse de l‘origine arabe yéménite himyarite des Amazighes est toujours d’actualité dans les sphères officielles et compte en sa faveur un lobby arabiste puissant.
35) Dans la dernière crise à Ghardaïa, des slogans, dupliqués à la manière des révolutions arabes et brandies par des manifestants arabophones malikites, demandaient : «Kharidjites dégagez !» (Irhal ya khawaridj). Le faqih malikite algérien Al-Wansharissi, Ahmed Bnu Yahia, (834-942 hégire) V. Op. Cit. considère l’ibadisme comme une secte hérétique.
36) Le malikisme n’a plus de présence intellectuelle, idéologique, ni même d’école visible, ou de leadeur reconnu.
37) Un ancien ministre des Affaires religieuses, dans certaines de ses interventions, leur fait porter le chapeau du terrorisme ; alors que l’actuel affiche une ouverture d’esprit favorable à une vie citoyenne apaisée.
38) Ceci ne les empêche pas de profiter de gadgets modernes du nec plus ultra en matière de voitures, de smartphones, de montres, de micro-ordinateurs…
39) Les Khâridjites étaient trois tendances : an-Najdiya, al-‘Azâriqa, et al-Muhakkima.
40) Les Muhakkima sont les gens qui ont déclaré que l’arbitrage relevait des seules compétences de Dieu : al-hâkimiya li llah.
41) L’imam caché des Ibadites est Jabir bnu zayd al-‘azdî.
42) La crise d’El-Hoceima en 2017 au Maroc représente le même symptôme pour l’Etat marocain.
43) Rapport non publié comme les autres rapports sur la réforme de l’école (Benzaghou) et de la justice (Issad).
44) Langue unique que seule une infime partie de l’élite (arabisée) pouvait comprendre et utiliser.
45) L’inénarrable Othmane Saâdi, membre du FLN, a condamné l’érection d’une statue pour Dihya aux Aurès car elle aurait, selon lui, combattu l’Islam et les musulmans.
46) Leur nombre est semble-t-il supérieur à celui des écoles, le ministre des affaires religieuses parle de 17 000 dans une interview à la presse nationale début décembre 2017.
47) Le concept a été rendu célèbre par Will Kimlicka.

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