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jeudi 7 avril 2016

Politique salariale en période de crise

Les salaires en Algérie sont économiquement élevés et socialement trop bas. le salaire moyen dans notre pays est à peu près de 36 000 DA par mois. De nombreux économistes syndicaux ont calculé que pour vivre décemment en Algérie, une famille de quatre personnes devrait disposer d’un revenu mensuel situé entre 60 000 et 85 000 DA par mois.
La production de chaque algérien (en dehors des hydrocarbures) ne dépasse pas les 16 000 DA.On aboutit à une situation bizarre, mais qui caractérise beaucoup de pays pétroliers (Venezuela, Koweït, etc.).
L’Algérien est sous-payé socialement (il lui faut 50 000 DA de plus pour vivre décemment). Mais il est surpayé (il produit 15 000 DA et reçoit 35 000 DA). Toute la problématique salariale réside dans cette situation des plus alambiquées.




Tout pays se doit de construire une doctrine en matière de politique salariale. Mais c’est plus beaucoup plus difficile à faire qu’à dire. Cette doctrine nécessite une étroite collaboration entre les acteurs économiques et sociaux ; et l’élaboration, ensemble, d’une démarche consensuelle qui saura faire dégager une méthodologie de répartition des revenus, suivant la situation économique du pays.
La macroéconomie moderne nous a appris beaucoup de choses sur la question et les expérimentations de nombreux pays dans ce domaine. L’histoire constitue un précieux réservoir de leçons qu’il s’agit d’utiliser à bon escient.
Mais dans ce domaine, l’histoire, l’idéologie et les structures économiques pèsent de tout leur poids sur le mode de régulation salarial. Les politiques salariales dans le monde sont multiples. Les pays à faible syndicalisation, comme les anglo-saxons, optent pour une large décentralisation de la politique salariale.
Les salaires se fixent en fonction de la productivité et des rapports de force des agents économiques. C’est la compétition inter-entreprise qui fait grimper les salaires. Les pays à forte syndicalisation sont de deux types. Le premier est caractérisé par une forte collaboration des partenaires sociaux. L’Etat, les syndicats et le patronat définissent ensemble les paramètres essentiels d’évolution des salaires en fonction de la situation économique du pays et des entreprises (Allemagne, suède).
En Asie, c’est une collaboration importante mais décentralisée. Le second type se caractérise par plus de militantisme et d’affrontements (France, Italie..). Les résultats macroéconomiques montrent que la collaboration aboutit à de meilleurs résultats que l’affrontement. Les pays comme l’Algérie sont en train de chercher le modèle qui leur convient le mieux. Mais en attendant, nous devons affronter de sérieux problèmes dans le domaine des salaires en cette période crise.

Politique Salariale dans notre pays
Durant les années 70’, l’Algérie avait essayé de construire une doctrine salariale. C’était le fameux SGT (statut général du travailleur). Les salaires devaient suivre une grille, administrativement conçue, qui devait considérer une série de paramètres (nombre d’années d’études, pénibilité de la tâche, position hiérarchique, etc.). On essayait surtout de hiérarchiser les postes de travail en fonction d’une série de variables.
D’ailleurs, ce sont les restes de ce système qui sont surtout en vigueur dans la Fonction publique. Quelques tentatives d’amélioration ont eu lieu sans beaucoup de succès. Mais ce fameux SGT était conçu comme un chaînon d’un système planifié qui devait construire une économie socialiste autocentrée. Comme tout système administré, il est truffé d’incohérences, mais il a quand même permis au pays de fonctionner tant bien que mal, surtout durant la période de l’économie planifiée.
Mais lorsque l’économie fut libéralisée, aucune politique salariale cohérente n’a été conçue. Notons que cette dernière est transversale, elle concerne tous les ministères et non pas uniquement le ministère du Travail. Une doctrine salariale s’élabore en haut lieu et les ministères du Travail ne sont que des instruments d’exécution.
On comptait toujours sur la rente pour aboutir à une politique salariale judicieuse. On aboutit à une problématique particulière pour notre pays.
Les salaires en Algérie sont économiquement élevés et socialement trop bas. Que veut-on dire par là ? Considérons quelques chiffres : le salaire moyen dans notre pays est à peu près de 36 000 DA par mois, selon de nombreuses estimations. Il y a bien sûr des personnes bien mieux payées, et d’autres beaucoup moins. Nous raisonnons en dehors du circuit informel. De nombreux économistes syndicaux ont calculé que pour vivre décemment en Algérie, une famille de quatre personnes devrait disposer d’un revenu mensuel situé entre 60 000 et 85 000 DA par mois (selon la méthodologie utilisée).
Or, ce que produit chaque algérien (en dehors des hydrocarbures) ne dépasse pas les 16 000 DA (on déduit bien sûr les amortissements et d’autres charges de production). On aboutit à une situation bizarre, mais qui caractérise beaucoup de pays pétroliers (Venezuela, Koweït, etc.).
L’Algérien est sous-payé socialement (il lui faut 50 000 DA de plus pour vivre décemment). Mais il est surpayé (il produit 15 000 DA et reçoit 35 000 DA). Toute la problématique salariale réside dans cette situation des plus alambiquées.

En Période de Crise, Que Faire ?
La crise complique considérablement l’équation salariale. Ceci s’explique par le fait que l’Etat va trouver difficilement les ressources pour payer la différence entre la productivité (la production par personne : 15 000 DA) et la moyenne salariale (36 000 DA). Auparavant, le secteur de l’énergie fournissait les ressources pour combler cet écart. Dans quelques années, après l’épuisement du Fonds de régulation, les pouvoirs publics vont se trouver dans l’impasse.
On peut acheter encore deux à trois années grâce à l’emprunt national (la dette interne est faible). Le Trésor peut se financer auprès des banques (ou lancer un emprunt national) qui vont se faire refinancer par la banque centrale. On gagne un peu de temps, mais on ne règle pas le problème. Le secteur privé aura moins de peine à gérer cette équation. Déjà, dans le passé, les entreprises privées dont la productivité était inférieure aux salaires ont déjà disparu.
Celles qui vont subir de plein fouet la crise vont faire des ajustements par l’emploi (réduire les effectifs). Le problème sera réglé d’une manière douloureuse. Notons que les entreprises asiatiques ont une meilleure méthode d’ajustement : tout le monde accepte une réduction de salaire (du PDG qui fait le plus gros effort jusqu’au simple travailleur) ; et lorsque la situation s’améliore, on augmente les salaires.
Honda, Toyota, Samsung et autres se sont toujours redressées de cette manière. Mais notre problème va demeurer entier pour les entreprises publiques et pour les institutions à but non lucratif (administrations, hôpitaux, universités, etc.). Alors, il y a deux pistes sérieuses qui restent à contempler par nos décideurs.
La première est la plus difficile, la plus rigoureuse et celle qui va régler en même temps le problème des salaires et le problème de la crise économique tout court.
Elle consiste en une modernisation managériale qui va améliorer considérablement la productivité des entreprises et des institutions publiques. Recycler toutes et les personnes et introduire un management de classe mondiale au sein de nos entreprises et nos institutions non économiques. Ceci est possible, mais nous n’avons même pas les prémices d’une telle démarche.
Cependant, c’est la seule alternative salutaire et durable. La seconde alternative est juste un palliatif pour gagner du temps et mener à bien les véritables réformes (stratégie nationale, plan de développement, décentralisation, révision des politiques de subvention, modernisation managériale, etc.). Les acteurs économiques de notre pays refuseraient toute réduction du salaire nominal (ce que les asiatiques acceptent). Dans ce cas, la seule seconde alternative qui resterait à l’Etat serait de financer le déficit par une croissance monétaire et réduire les salaires réels.
L’Etat se permettrait même d’améliorer les salaires les plus bas pour que la distribution du fardeau de la réduction du niveau de vie soit équitable. Il n’y a pas de solution miracle. On ne peut pas consommer ce qu’on ne produit pas. Il faut donc soit améliorer la production (réformes et surtout management), soit réduire la consommation (nécessairement par l’inflation dans notre contexte).
Abdelhak Lamiri in elwatan.com

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