APS - ALGÉRIE

jeudi 28 décembre 2017

Année 2017 horribilis : année 2018 l'espoir est permis




par Chems Eddine Chitour

«Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres.» Antonio Gramsci.
Cette année 2017 a été riche en stress. Trois évènements majeurs ont structuré cette année horribilis marquée par la politique de Trump. S'il y a une chose qu'il faut lui reconnaitre c'est qu'il fait ce qu'il dit. Cependant, ces actions ont déstabilisé plus que prévu le mouvement du monde. Ce sera d'abord le décret contre l'entrée aux Etats-Unis de certains pays musulmans, ensuite ce sera plusieurs actions qui montrent l'isolationnisme d'un côté et l'interventionnisme de l'autre. Cette année 2017 a vu aussi plus que jamais les conflits prendre une connotation ethnique et religieuse. Souvenons-nous des Rohingyas décimés par la junte birmane avec la bénédiction de la prix Nobel de la paix Au Sung Tsu Kii. Souvenons-nous aussi de la victoire de la Syrie et de la débâcle de Daesch, malgré toutes les aides occidentales. Souvenons-nous aussi de Kim Jong-Un pour qui l'arme nucléaire est la meilleure assurance-vie pour son régime, le président des Etats-Unis brandit régulièrement la menace du feu américain. Trump, malgré ses tirades sur le feu nucléaire, en vient à prendre acte par de discrètes reculades de Tillerson malgré les démentis de la Maison Blanche. Les nièmes sanctions contre la Corée du Nord ne pourront pas impressionner ce pays et le monde occidental s'habitue à l'idée que la Corée du Nord est une nation nucléaire.


Bilan d'une année d'angoisse avec Trump :

Pour Sylvia Swinden l'élection de Trump a déjà mené à une série de mesures qui font de cette période l'une des plus dangereuses de l'histoire, y compris la montée de la menace d'une guerre nucléaire. Voici une petite liste. Tentatives d'abrogation de l'Obamacare, et à défaut, suppression de son financement. Retrait de l'accord de Paris sur le changement climatique. Augmentation du financement des armes nucléaires. Interdiction de l'immigration de musulmans et promotion de l'islamophobie sous toutes ses formes : Déclaration de Jérusalem capitale d'Israël, aggravant le conflit au Moyen-Orient. Réduction d'impôt pour les riches et les entreprises, augmentation pour les pauvres. Menace d'anéantir la Corée du Nord, dans une première manche sans diplomatie avec son compère militariste Kim Jong-Un. Retour des aides pour le pétrole et le charbon au détriment des énergies renouvelables. Déclare que les manifestants néo-nazis et anti-nazis sont comparables. Je suis sûre que d'autres peuvent s'ajouter à la liste. Mais comme nous l'avons déjà dit, Trump n'est pas le problème, mais le symptôme. Par le passé, le système a été plutôt habile pour cacher ses vraies couleurs. La ploutocratie déguisée en démocratie, la politique de la peur, le racisme, la déshumanisation à tous les niveaux, tout ceci existait déjà. Si auparavant nous nous sommes voilés la face, maintenant ce n'est pas si facile. Le système fabrique Trump depuis des décennies, c'est-à-dire qu'il fabrique les conditions pour que nous votions nous-mêmes pour ce type de dirigeant». (1)

«Il est vrai que l'anti-humanisme radical répand sa violence dans le monde entier, et c'est effrayant. Mais les fascistes, les extrémistes, les fondamentalistes néolibéraux, eux aussi ont peur. Le vide existentiel du système dominant est un terrain fertile pour l'irrationalisme. La renaissance que nous recherchons n'est pas seulement faite de justice sociale, d'anti-discrimination et de solidarité, réalisée à travers la méthodologie de la non-violence. Sa véritable force proviendra d'une révolution spirituelle, de la concrétisation de la véritable dimension de l'être humain, de la capacité des hommes et des femmes à se transformer et à transformer le monde» (1)

Pour couronner le tout, la guerre bactériologique reprend ainsi. Le gouvernement fédéral américain a levé aussi le moratoire imposé sur le financement de la recherche impliquant le développement et l'étude des techniques visant à rendre certains virus plus meurtriers et plus transmissibles, voire mortels» (2).

L'hubris de Salman et le calvaire du peuple yéménite

De façon tout à fait symétrique Mohamed Ben Salman se veut à tout prix le seul leader au Moyen-Orient faisant de son combat contre l'Iran «une croisade». Naturellement il s'allie avec Israël pour cela. Des décisions intempestives, toutes proportions gardées, sont prises comme celle du président américain sans l'intelligence la force militaire mais avec une manne imméritée allant même jusqu'à faire un hold-up de 800 milliards de dollars en rackettant les princes. Ces argents lui permettront de faire une guerre atroce à un petit pays, le Yémen. En 1000 jours d'offensive saoudienne au Yémen il y eut 13.603 martyrs dont 2.887 enfants et 2.027 femmes, 21.812 blessés dont 5.000 femmes et enfants, 841.906 personnes atteintes de choléra et 2.176 personnes en sont mortes, 8 millions de personnes souffrent de la famine. Du point de vue infrastructure 211 sites archéologiques ont été démolis, 31 hôpitaux, 174 centrales d'électricité, 15 aéroports, 945 établissements d'enseignement, 82 mosquées. Au Yémen enfin 1 enfant meurt toutes les 10 minutes de diverses façons» (3)

La décision sur Jérusalem et ses conséquences

Une nouvelle de plus qui plonge les Palestiniens dans le désarroi et la communauté des hommes épris de justice scandalisés par l'injustice et les faits du prince. Après Lord Balfour qui promet un home, pour la troisième fois, les Israéliens se voient remettre les clés d'une ville trois fois sainte. Cette décision dangereuse du président américain de transférer l'ambassade des Etats-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem qu'il déclare être la capitale d'Israël est dangereuse à plus d'un titre. Elle consacre, à Dieu ne plaise, le droit de la force. Dans cette déclaration Trump ne parle nullement de Jérusalem ouest, pour lui la Jérusalem est depuis 1967 n'existe pas. Cette violation du droit international Trump n'en a cure. Comme conséquence, les affrontements continuent dans la bande de Gaza entre des soldats israéliens et des Palestiniens qui protestent contre la décision des États-Unis de reconnaître Jérusalem comme la capitale d'Israël, faisant de plus en plus de victimes. Le nombre de victimes des affrontements avec l'armée israélienne parmi les Palestiniens a atteint 12 personnes depuis l'annonce de Donald Trump de la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël, a déclaré à Sputnik le porte-parole du ministère de la Santé à Gaza, Ashraf al-Qudra. L'Assemblée générale de l'Onu a approuvé jeudi soir à une large majorité des voix la résolution contre la décision des États-Unis de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël, rejetant ainsi le choix de Donald Trump. 128 pays ont voté en faveur de la résolution, neuf contre, 35 autres se sont abstenus.

Les conséquences imprévues de la décision de Trump

Pour Abdel Bari Atwan Trump a rendu service aux musulmans. Il écrit : «L'initiative de Trump sur Jérusalem a remis la Palestine sur le devant de la scène arabe et islamique. Il a également allumé la mèche d'une intifada qui pourrait durer des mois, voire des années, et qui sera le prélude d'une guerre régionale qui remodèlera la carte de la région, l'équilibre des pouvoirs et les alliances. Le pari de Trump, salué par le Premier ministre israélien Binyamin Netanyahou et le lobby israélien à Washington, a marginalisé les deux principaux alliés arabes des Etats-Unis, l'Arabie saoudite et l'Egypte, et a considérablement renforcé la position de deux Etats non arabes, l'Iran et la Turquie, qui sont en compétition avec eux pour le leadership du monde islamique et de ses autorités religieuses. Le fait que le commandant iranien Qassem Soleimani en appelle publiquement aux dirigeants des ailes armées des groupes palestiniens et offre tout son soutien aux forces de résistance contre Israël, montre l'émergence de l'Iran en tant qu'allié principal des Palestiniens et de leur intifada à un moment où la plupart de ses rivaux arabes du Golfe sont en train de normaliser leurs relations avec l'Etat israélien et de se rendre complices de Trump dans la judaïsation la ville sainte» (5).

La crise actuelle sur Jérusalem a porté un coup dur à cette ambition, en favorisant l'émergence d'un front islamique qui inclut les deux Etats régionaux les plus puissants la Turquie sunnite et l'Iran chiite et qui s'unit aux peuples arabes, chrétiens inclus, sur une base non sectaire ou non confessionnelle pour affronter Israël et son allié Trump et pour obliger le monde à voir le conflit sous son vrai jour, à savoir celui d'un peuple opprimé par un Etat colonisateur raciste et sans merci. Ce n'est pas un changement qu'Israël et ses alliés de l'alliance «sunnite modérée» avaient anticipé. Trump mérite notre gratitude pour sa décision sur Jérusalem, car elle a uni le monde islamique et porté un coup mortel à la division sectaire entre les Sunnites et les Shiites. Elle a isolé ses alliés arabes qui normalisent leurs relations avec Israël et deviennent ses alliés ou ses amis» (5).

Le monde va mal

Sans vouloir prendre à notre compte la prophétie de Huntington sur le choc des civilisations, force est de constater l'irruption du religieux dans les sociétés. Philippe Portier et Alain Dieckhoff avancent que la religion sert de plus en plus de mode de gouvernance surtout si elle est alliée à l'ethnie. Ils écrivent : «Dans beaucoup de pays aujourd'hui, et bien au-delà de la seule Europe dont on fait souvent le continent exemplaire de la sécularisation, il y a à l'évidence des phénomènes de reflux de la croyance. Toutefois, parallèlement à ce recul éventuel, le monde contemporain est également marqué par une réaffirmation du religieux. Cette dernière se manifeste, d'abord, par une présence plus forte des religions sur la scène publique. Elle peut passer par une «pénétration par le bas», qui prend souvent la forme d'une intervention des groupements confessionnels dans les sphères éducative et sociale. Elle peut aussi s'exprimer, de façon beaucoup plus spectaculaire, à travers une «pénétration par le haut». Le religieux est alors directement mobilisé dans la sphère politique (..) Avec l'épuisement des projets idéologiques séculiers, le religieux devient une ressource que de plus en plus de pouvoirs politiques utilisent sans vergogne. La religion remplit dès lors une fonction d'identification nationale. Au Japon, le gouvernement de Shinzo Abe met ainsi en avant le shinto ; en Pologne, c'est l'enracinement catholique qui est exalté ; en Turquie, l'ancrage islamique est célébré par le nouveau sultan ; en Israël, l'exhortation à la consolidation de la dimension juive de l'Etat se renforce avec constance ; tandis qu'au Myanmar, l'affirmation de la birmanité passe par le bouddhisme. Tous ces nationalismes religieux génèrent des processus d'exclusion qui, dans des cas extrêmes, conduisent à des massacres et à des expulsions, comme ceux qu'endurent les Rohingyas musulmans de Birmanie. Ainsi donc, contrairement à ce qu'écrivait Friedrich Nietzsche, Dieu n'est pas mort, il fait de la politique» (6).

Les nouvelles formes d'inquisition

Même constat de Claire Verilhac : «Depuis la nuit des temps les religions ont été utilisées par des fous afin d'assouvir appétits de pouvoir et instincts meurtriers. Un prétexte bien commode puisque irrationnel. De l'Inquisition à Trump des terroristes ont semé la haine et la mort en leur nom. Il est urgent de les arrêter. On l'a déjà oublié mais Donald Trump, à peine investi président des Etats Unis, annonçait déjà la couleur. Pour son premier voyage officiel, en mai 2017, il se rendait dans les trois Etats religieux que sont le Vatican, l'Arabie saoudite et Israël ! Ainsi commencera sa «croisade» qui l'amènera à désigner Jérusalem capitale d'Israël, comme il l'avait promis durant sa campagne à la droite évangélique, la remerciant ainsi de son important soutien électoral. On voit bien que dès que sont associés «pouvoir» et «religion» la volonté de semer la terreur c'est-à-dire le terrorisme, n'est jamais très loin. C'est même le compagnon de route habituel » (7).

Mais en Europe, particulièrement en France, nombre de voix politiques et médiatiques flirtent dangereusement avec ces théories raciales, par exemple lorsqu'elles exigent des seuls musulmans qu'ils se positionnent contre le terrorisme. Demande-t-on à tous les Juifs de prendre parti contre les massacres de Palestiniens ? A tous les catholiques de se dissocier des prêtres pédophiles ? Heureusement non, bien sûr. Les musulmans sont devenus des cibles permanentes et les propos racistes à leur encontre désormais monnaie courante. Dans le cadre de l'état d'urgence c'est au nom de leur religion (supposée) qu'ils ont été arrêtés, perquisitionnés ou assignés à résidence quand bien même on n'avait rien de spécial à leur reprocher. Des coupables potentiels «par nature» là aussi ! Ce sont pourtant eux les principales victimes du terrorisme et la simple décence voudrait qu'on cesse de parler de «terrorisme islamique» et d'associer ainsi, comme le souhaitent les assassins, leurs crimes à une religion.

L'université du Maryland (Etats-Unis) a recensé l'intégralité des attaques terroristes qui ont eu lieu à travers le monde entre 2001 et 2016. Celles-ci ont coûté la vie à 188.272 personnes, sans compter les auteurs des faits eux-mêmes, et fait plus de 340.000 blessés. Les pays les plus frappés sont l'Irak, le Pakistan et l'Afghanistan. Et les musulmans représentent 90% des victimes ! Les dirigeants occidentaux, Etats-Unis en tête, ont soutenu, et soutiennent, systématiquement les régimes religieux les plus rétrogrades : Talibans, Israël ou Arabie saoudite. En parallèle ils se sont acharnés à détruire les régimes laïques : Irak, Libye ou Syrie semant chaos, déstabilisation politique durable de régions entières, guerres, terrorisme, cortèges de réfugiés» (7).

«Les religions ont tout à fait leur place dans notre culture en tant qu'œuvres littéraires au même titre que celles d'Aristote, Avicenne, Maïmonide, Descartes ou Spinoza. Car les trois religions du Livre, qui en réalité n'en sont qu'une, nous invitent à l'universalisme. Il y est question de notre fragile condition humaine et cela ne peut pas nous être totalement indifférent. Encore faut-il interroger ces sources que sont la Bible, les Evangiles ou le Coran en les situant dans leur contexte historique, géographique et politique. Ce que font de passionnants exégètes talmudiques, coraniques, ou les penseurs de la Réforme par exemple.

Les fondamentalistes de tous poils rejettent, eux, ces analyses et n'admettent qu'une lecture au premier degré de ces textes, faisant fi du contexte dans lequel ils ont été écrits, opposant ainsi la croyance à la raison ce qui permet toutes les dérives. Ce serait de peu d'importance s'il ne s'agissait là que de quelques illuminés à qui on n'accorde pas un rôle politique majeur.

Mais ce sont justement ces adeptes de l'ignorance qui sont au pouvoir : - un président des EU redevable aux fondamentalistes chrétiens qui ont assuré son élection et qui rejettent en bloc la science, le savoir, le progrès, - un Premier ministre israélien qui s'appuie sur des textes vieux de 3.000 ans pour justifier colonisation, racisme, apartheid, massacres ...- des dirigeants saoudiens qui utilisent une religion pour s'affranchir du respect des droits humains fondamentaux. C'est cette coalition obscurantiste qui décide de la marche du monde et qui fait son malheur ! (..) Cette volonté d'attiser les haines, les communautarismes, encourage toutes les intolérances et crée à coup sûr de nouveaux adeptes pour toutes les sectes assassines. Il est grand temps de séparer ce couple infernal et la France s'est dotée d'un atout précieux, la laïcité, qui devrait lui permettre de jouer un rôle important au niveau international» (7).

Que nous réserve 2018 ? Nous pourrions dire Business as usual ! A moins que par miracle la raison l'emporte partout sur l'irrationalité. Les prémices invitent à être. Car l'ancien monde de l'unipolarité ne veut pas lâcher prise au profit d'un monde apaisé où chaque pays a sa part d'humanité. Ce clair-obscur, pour reprendre Gramsci, verra l'avènement de monstres déclinés de façons diverses. C'est peut-être cela l'Apocalypse de Jean et pour les musulmans, «el quarn arba'etache» «le quatorzième siècle» synonyme de bouleversement du monde et de fin des temps. Bonne année 2018 !

Note :

1.https://www.pressenza.com/fr/2017/12/trump-magasin-de-porcelaine/

2.http://trustmyscience.com/les-usa-levent-l-interdiction-federale-de-creer-des-virus-mortels-en-laboratoire/

3.http://arretsurinfo.ch/1000-jours-doffensive-saoudienne-au-yemen/

4.https://www.alternatives-economiques.fr/religion-recomposee/00082101

5.Abdel Bari Atwan http://www.raialyoum.com/?p=795122

6. https://www.alternatives-economiques.fr/religion-recomposee/00082101

7.Claire Verilhac https://blogs.mediapart.fr/register/blog/011117/religion-et-politique-...

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