Les récentes déclarations du Gouverneur
de la Banque d’Algérie sur une prochaine augmentation des plafonds de
l’allocation touristique ainsi que des allocations pour soins à
l’étranger et frais de scolarité ont créé un véritable effet de surprise et
continuent même de susciter un certain scepticisme. Comment ce qui n’a pas été
possible à l’époque ou le prix du baril dépassait 120 dollars, le serait-il
devenu aujourd’hui en pleine période de crise financière ? Décryptage.
Depuis de très nombreuses années les Algériens
qui ont décidé de voyager à l’étranger doivent se contenter d’une allocation
touristique fixé dernièrement au montant de 120 euros. Un montant dérisoire
quand on sait que nos voisins tunisiens et marocains, dont les réserves de
change en devises ne dépassent pas quelques mois d’importation, accordent à
leurs citoyens un droit au change annuel respectivement de 3000 et 3500
euros. Nos voisins ont en outre la faculté «de cumuler ce montant sur
deux ans ou de le fractionner pour plusieurs sorties».
En dépit des déclarations pompeuses des
responsables de la Banque d’Algérie sur la poursuite du «processus de mise en
convertibilité du dinar», la réglementation algérienne en matière de
change au profit des particuliers reste désespérément conservatrice. Elle
prévoit 3 principaux cas de transfert. Il s’agit, outre
l’allocation touristique fixée à la contre valeur de 15 000 DA par an, d’un
droit de change au profit des nationaux résidents poursuivant une scolarité à
l’étranger. Son montant a été fixé depuis 1996 à 7.500 dinars (70 euros)
maximum par mois. Une autre instruction de la Banque d’Algérie a institué, en
1997, un droit de change pour soins à l’étranger fixé à la contre-valeur en
devises d’un montant maximum de 120.000 dinars par année civile. Dans ces deux
derniers cas également la comparaison avec les pays voisins est accablante. Les
citoyens tunisiens par exemple peuvent disposer d’un droit au change pour frais
de scolarité à l’étranger qui dépassent 400 euros par mois, sans compter les
frais d’inscription pour lesquels la réglementation leur accorde en outre plus
de 500 euros.
Déjà en 2013…
Les dernières déclarations de Mohamed Laksaci ne
sont pas tout à fait inédites. Au début de l’année 2013, déjà, les mesures
évoquées devant les parlementaires par le gouverneur de la Banque
d’Algérie concernant l’augmentation de l’allocation touristique annuelle
avaient suscité beaucoup d’espoirs. Différentes sources confirmaient en effet
que le projet à l’étude à l’époque envisageait une augmentation qui porterait
l’allocation annuelle à «un niveau d’au moins 500 euros». Dès le courant du
deuxième semestre 2013, ces espoirs étaient déçus et les premiers signes
de détérioration de nos équilibres financiers extérieurs avaient conduit le
ministre des Finances, M.Karim Djoudi, a annoncé que la mesure
n’était “pas à l’ordre du jour”.
Le tandem Laksaci-Benkhalfa sur la même
longueur d’onde
On estimait, jusqu’aux dernières annonces de
M.Laksaci, que, les yeux fixés sur les (mauvaises) performances de la balance
des paiements, les autorités financières algériennes avaient peu de chance de
remettre le projet à l’ordre du jour dans un avenir proche; la dégradation des
marges de manœuvre financière du pays semblant inscrite dans la durée. C’était
sans doute sans compter avec les convictions du nouveau ministre des Finances,
M. Abderrahmane Benkhalfa. Quelques mois avant son entrée en fonction, il
proposait que l’«allocation touristique au profit des Algériens se rendant à
l’étranger soit portée à 1.000 dollars». Avec prudence et en bon connaisseur
des centres de décisions nationaux, M. Benkhalfa, qui estimait l’impact
financier d’une telle mesure à environ 1,5 milliards de dollars par an,
précisait que ce seuil pourrait contenir une “clause de sauvegarde”, à réviser
chaque année, si la situation financière du pays se dégradait.
Comme beaucoup d’experts nationaux au cours des
dernières années, M. Benkhalfa s’est affirmé régulièrement convaincu que
l’Algérie a besoin de restaurer l’”homogénéité de son économie”. Selon
lui, “nous avons deux économies, deux dinars, deux pratiques”. En «offrant
une allocation touristique digne, et en facilitant le transfert de devises pour
le paiement de soins et des études on devrait faire baisser la pression sur le
marché informel de la devise en faisant sortir la masse des petits
porteurs de ce marché», affirmait M. Benkhalfa. Un premier pas dans la
direction d’une «reprise en main de la valeur de la monnaie nationale»
souhaitée par le ministre des Finances et qui pourrait bien figurer au menu du
«nouveau modèle économique» annoncé pour avril prochain. C’était
également, dans des termes pratiquement identiques, la vision prônée devant les
parlementaires par M. Laksaci au début de l’année 2013. Apparemment, le
tandem responsable de la gestion des finances du pays semble désormais sur
la même longueur d’onde.
Quel montant pour les
augmentations ?
Reste à connaitre l’ampleur des augmentations
prévues. A l’occasion des annonces faites, mercredi dernier, devant les
députés, Mohamed Laksaci est resté très prudent et a précisé qu’il y aurait
prochainement «des mesures qui vont augmenter les plafonds de droit au change
pour arranger les ménages sans pour autant permettre que ces hausses portent
préjudice à la balance des paiements du pays». Une précaution qui semble
indiquer que le nouveau montant de l’allocation touristique devrait être
nettement inférieur au 1000 dollars évoqués par M. Benkhalfa. Les pronostics
les plus courants varient entre un doublement de son niveau actuel
et les 500 euros déjà envisagés par la Banque d’Algérie en 2013. Mais la
décision finale, à supposer qu’elle ait déjà été prise, reste pour l’instant un
secret bien gardé.
Hassan Haddouche IN Algérie focus
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